Santé : l’ANSES alerte sur la dangerosité relative de certains téléphones portables
Les autorités sanitaires se veulent vigilantes. Dans un rapport rendu en début de semaine, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a en effet alerté : certains téléphones portables commercialisés avant 2016 doivent être retirés de la circulation ou mis à jour en raison de leurs trop fortes émissions d’ondes. Si les fabricants de téléphones portables sont tenus depuis 2016 d’évaluer l’exposition de leurs appareils “dans des conditions réalistes d’utilisation”, comprendre lorsque le téléphone est placé très près du corps (au maximum à 5 mm de distance), les autorités ont relevé, sans citer de noms, que certains téléphones commercialisés auparavant et testés dans des conditions moins drastiques “présentent des niveaux d’exposition élevés lorsqu’ils sont placés près du corps”.
En cause : la valeur élevée de leur DAS, le débit d’absorption spécifique qui évalue la quantité d’énergie absorbée par le corps exposé à des ondes, des appareils épinglés par l’ANSES. L’Autorité, qui a modifié la réglementation de mesure de ce DAS en 2016 pour imposer des mesures “dans des conditions d’utilisation plus réalistes” – c’est-à-dire à proximité du tronc, au contact et à 5 mm de distance – a fait savoir que, sur 300 téléphones testés entre 2012 et 2016, un grand nombre d’appareils présentaient des valeurs de DAS supérieures à la valeur limite réglementaire de 2 W/kg, “certaines dépassant 7 W/kg au contact”.
“Depuis 2016, une nouvelle directive européenne, dite ‘RED’, impose de mesurer le DAS en positionnant le téléphone mobile à 5 mm du tronc au maximum, correspondant à des conditions d’utilisation ‘prévisibles’. Or, des téléphones conformes à la précédente réglementation, mais présentant des valeurs de DAS élevées lorsqu’ils sont placés près du corps, sont encore mis sur le marché”, a ainsi alerté l’Agence. Avant de se montrer plus rassurante en rappelant que, compris dans ces valeurs limites, le DAS, qui “représente la quantité d’énergie électromagnétique absorbée par unité de masse de tissu entrainant une augmentation de température”, ne comporte aujourd’hui qu’un seul effet scientifiquement prouvé, à savoir un réchauffement corporel relatif.
Des ondes dont les effets sur la santé restent à découvrir
Reste que des études sont encore en cours pour déterminer les possibles conséquences d’une exposition prolongée aux appareils émettant des ondes électromagnétiques. “Bien que la génération des effets thermiques dans les tissus biologiques par l’exposition aux radiofréquences soit aujourd’hui bien comprise, les questionnements actuels sont principalement axés sur la possibilité que les radiofréquences puissent être à l’origine d’effets ‘non thermiques’ qui pourraient survenir à de plus faibles niveaux d’exposition”, a ainsi fait savoir l’ANSES dans son rapport, qui préconise toutefois le recours au principe de précaution et déconseille vivement de porter des téléphones portables près du corps, par exemple dans une veste.
Et de lister parmi les “effets non thermiques” potentiels des conséquences sur le développement cognitif, sur le sommeil ou encore des effets cancérogènes, tout en rappelant que ces derniers n’ont toujours pas été prouvés dans les faits et que les études effectuées jusqu’à maintenant sur le sujet ne s’accordent toujours pas sur leur existence réelle. En s’appuyant sur des expériences réalisées sur des rats ou des souris adultes, l’ANSES révèle en effet que “les données actuellement disponibles ne permettent pas de conclure à l’existence ou non d’un effet génotoxique des radiofréquences de DAS supérieurs à 2 W/kg” et va même plus loin en faisant observer que “les données expérimentales analysées fournissent des éléments de preuve en faveur d’une absence d’effet des radiofréquences de DAS supérieurs à 2 W/kg sur le développement de tumeurs in vivo”.
L’ANSES relève également que les expériences menées jusqu’à maintenant sur des animaux exposés à vie aux ondes électromagnétiques “ne permettent pas de conclure à l’existence ou non d’un effet des radiofréquences de DAS supérieurs à 2 W/kg sur le développement de tumeurs in vivo”, tout en regrettant la rareté des études sur le sujet, qui ne permettent finalement pas de conclure à la toxicité d’une exposition prolongée à ces niveaux d’émission.
L’exposition aux émissions d’ondes électromagnétiques dans ces valeurs limites légales serait donc sans danger ? Interrogé sur Franceinfo, l’auteur du rapport, Olivier Merckel confirme. “On n’a pas identifié de risques pour la santé, mais c’est un principe de précaution. On a encore quelques incertitudes sur les effets à long terme. Il y a encore des études en cours chez les adolescents et les enfants. Il y a aussi des études qui vont étudier l’impact sur 15 ans de l’utilisation de ces téléphones”, a-t-il fait savoir, laissant ainsi tous les champs du possible ouverts dans cette affaire qui devrait encore continuer à interroger au regard de la place de plus en plus centrale prise par les appareils mobiles dans notre quotidien.