Royaume-Uni : à Reading, du soleil, des pique-niques, et soudain l’horreur terroriste – Libération

Il trône, sur son piédestal de granit, en plein milieu du parc. Seize tonnes de fonte majestueusement fondue en un lion imposant et rugissant. La statue, érigée en 1884, commémore la seconde guerre anglo-afghane entre 1878 et 1880. Le Maiwand Lion, nommé après la bataille éponyme, est un point de ralliement pour les habitants de Reading. Il est inscrit sur le blason du club de football local, Reading Football Club, et c’est ici, au cœur de Forbury Gardens en plein centre-ville, que les amis ou amoureux se donnent rendez-vous. Ensuite, ils s’égayent dans les allées ou se posent sur un triangle de pelouse, pour un pique-nique accompagné de quelques bières.

Samedi soir, pour ce solstice d’été, la soirée était douce. Le soleil avait brillé et, alors qu’il se couchait très très lentement, de nombreux groupes d’amis ou familles prolongeaient la journée en plein air. Le Royaume-Uni n’est pas encore complètement déconfiné, mais les parcs et jardins n’ont jamais fermé pendant la pandémie. Dans l’après-midi, une manifestation Black Lives Matter avait traversé le parc, mais la foule, très pacifique, s’était depuis longtemps dispersée quand l’horreur a frappé, juste avant 19 heures.

«Acte isolé»

Un jeune homme, habillé de noir et brandissant un couteau d’une douzaine de centimètres, selon certains témoins, s’est soudain jeté sur des groupes assis dans l’herbe. Il semble avoir visé au hasard, mais, en quelques minutes, il avait poignardé plusieurs personnes. En un instant – l’attaque a duré moins de cinq minutes – la pelouse s’était transformée en scène de crime. Quelques heures plus tard, dimanche à 8 h 30, la police qualifiait l’attaque de «terroriste» et précisait pencher pour un «acte isolé». La police et les secours sont arrivés en quelques minutes, mais il était déjà trop tard pour sauver trois personnes décédées sur place. Au moins trois autres blessés ont été hospitalisés samedi soir, deux d’entre eux ont pu sortir dès dimanche.

L’attaquant a été très rapidement interpellé, moins de cinq minutes après l’appel lancé à la police. Il s’agit d’un homme de 25 ans. «Nous ne recherchons personne d’autre dans le cadre de cette enquête», a indiqué dimanche après-midi un porte-parole de Thames Valley Police, en insistant sur le fait qu’«à ce stade, nous ne pensons pas qu’il existe un risque élargi pour le public». Dans le cadre d’une enquête pour terrorisme, la garde à vue d’un suspect peut durer jusqu’à quatorze jours avant une inculpation.

A general view shows a scene at Forbury Gardens, near where multiple stabbings took place, in Reading, Britain, June 21, 2020. REUTERS/Peter NichollsForbury Gardens, à Reading, ce dimanche. Photo Peter Nicholls. Reuters

D’après plusieurs sources, l’agresseur serait d’origine libyenne, arrivé il y a quelques années au Royaume-Uni. Il aurait été déjà condamné à quelques mois de prison pour des faits de violence, mais pas de terrorisme. Il serait sorti de prison il y a peu de temps. Les médias britanniques ont publié l’identité de l’agresseur mais la police a refusé catégoriquement de confirmer aucun de ces détails, alors qu’il n’a pas encore été inculpé. Plus d’une cinquantaine de témoins ont contacté la police.

Dans la soirée de samedi, une vingtaine de policiers ont opéré un raid dans un appartement d’un immeuble de briques rouges de quatre étages, situé à Basingstoke Road, dans la banlieue de Reading, à quelque 6 kilomètres de Forbury Gardens. Reading, gros bourg de 230 000 habitants, est situé à 64 kilomètres à l’ouest de Londres, au confluent de la Tamise et de la rivière Kennet. La ville est connue pour son festival de musique en plein air chaque fin d’été, annulé cette année pour cause de Covid-19. L’actrice Kate Winslet y est née. Selon des témoins, cités par The Independent, l’appartement où vivait l’agresseur était géré par la ville, et utilisé comme logement provisoire pour des individus récemment relâchés de prison.

«Graves problèmes mentaux»

Selon The Guardian, Tania Bassett, porte-parole de l’Association nationale des officiers de contrôle judiciaire (Napo), aurait précisé que l’agresseur était supervisé par ses services et souffrirait de «graves problèmes mentaux». Si ces informations étaient confirmées, elles expliqueraient la réaction dimanche après-midi du Premier ministre britannique, Boris Johnson. «S’il y a des leçons à tirer sur la manière dont nous gérons de tels cas, dont nous réagissons à des situations menant à de tels cas, alors nous les tirerons et nous n’hésiterons pas à agir là où c’est nécessaire», a-t-il déclaré depuis Downing Street.

Cet incident est la quatrième attaque terroriste au couteau en six mois au Royaume-Uni, après un incident dans le quartier londonien de Streatham en février (trois blessés et l’attaquant tué par la police), dans la prison de Whitemoor en janvier (deux prisonniers ont gravement blessé un gardien) et, en novembre à Fishmongers’ Hall (deux morts, poignardés, trois blessés et l’agresseur tué par la police), juste à côté de London Bridge. C’est là qu’en juin 2017 avait eu lieu une autre attaque terroriste qui avait tué huit personnes et en avait blessé quarante-huit.

L’alerte terroriste au Royaume-Uni se situe actuellement au troisième niveau, «substantiel», sur une échelle de cinq. Il signifie qu’une attaque terroriste est «probable».
Sonia Delesalle-Stolper Correspondante à Londres

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