Romans-sur-Isère : l’auteur de l’attaque au couteau reconnaît les faits sans les expliquer – Le Parisien

« Je ne veux plus vivre dans ce pays de mécréants. » C’est, mot pour mot, selon nos informations, ce qu’Abdallah Ahmed-Osman a griffonné sur une feuille A4 à grands carreaux retrouvée lors d’une perquisition à son appartement de Romans-sur-Isère (Drôme). Une dizaine de lignes écrites en français dans lesquelles le terroriste présumé évoque, de façon décousue, sa vie et ses activités, entre deux invocations à « Dieu le plus grand ».

Ce dimanche soir, les enquêteurs de la PJ de Lyon et de la sous-direction antiterroriste (SDAT) tentaient toujours de percer les motivations de ce réfugié soudanais de 33 ans, auteur de la sanglante attaque au couteau perpétrée samedi à Romans (deux morts, cinq blessés). De sources proches de l’enquête, Abdallah Ahmed-Osman a commencé à parler en garde à vue. Après avoir détaillé son parcours dans le cadre de l’audition dite de « grande identité », le natif de Tendelti (Soudan), employé dans une maroquinerie de la Drôme, a reconnu les faits mais sans les expliquer à ce stade. Il doit être transféré ce lundi dans les locaux de la SDAT à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour la poursuite de son audition.

Une expertise psychiatrique du suspect avait été diligentée par le parquet national antiterroriste (PNAT) avant d’être annulée au regard de l’intelligibilité de cet homme qui s’exprime dans un français parfait. « Il n’est pas du tout dans un état de démence », glisse-t-on dans les cercles de l’enquête.

«Il craignait d’avoir contracté le Covid-19»

En parallèle, les policiers poursuivent les analyses des supports informatiques du terroriste présumé et les auditions de témoins pour éclairer son rapport à la religion. Chez Abdallah Ahmed-Osman, ils ont saisi plusieurs téléphones portables, une clé USB, un Coran et un tapis de prière. Mais, à ce jour, ils n’ont pas découvert de lettre de revendication ou d’allégeance à une organisation djihadiste. « On creuse pour savoir si nous avons affaire à un islamiste radical mais ce n’est pas simple », confie une source policière.

Néanmoins, des témoignages permettent de mieux cerner l’état d’esprit d’Ahmed-Osman avant son passage à l’acte. En particulier celui de Mustapha A-M., ami du suspect. Interrogé en garde à vue, ce Soudanais de 28 ans domicilié à Valence (Drôme) a expliqué aux policiers qu’Ahmed-Osman « ne se sentait pas bien » la veille de l’attaque. « Le suspect aurait confié à cet ami qu’il s’était rendu à l’hôpital car il craignait d’avoir contracté le Covid-19, indique une autre source proche de l’enquête. Mais l’hôpital lui aurait dit que non et l’aurait renvoyé chez lui, ce qui l’aurait profondément déprimé ». Les enquêteurs cherchent à retrouver trace de ce supposé passage à l’hôpital.

VIDÉO. Romans-sur-Isère : au moins deux morts et cinq blessés dans une attaque au couteau

Inquiet de l’état fébrile de son ami, Mustapha A.-M. a raconté qu’il était allé lui rendre visite samedi vers 11 heures mais aurait trouvé porte close : Ahmed-Osman était déjà parti semer la mort dans le centre de Romans. D’où la présence de cet homme dans l’immeuble -il serait rentré grâce à un voisin- lorsque les policiers sont venus perquisitionner l’appartement du suspect. Un troisième homme, ressortissant soudanais, a également été placé en garde à vue samedi soir. Il est le colocataire de Mustapha A.M. et a suivi la même formation en maroquinerie. Les deux hommes affirment qu’ils ignoraient tout du projet criminel de leur ami.

Aux enquêteurs, Mustapha A.M a également révélé qu’Abdallah Ahmed-Osman « ne supportait plus le confinement » depuis quelques jours. Une indication corroborée par plusieurs autres témoins qui ont décrit un changement d’attitude du suspect, devenu subitement plus « aigri », selon leurs termes exacts. C’est ainsi ce qu’a déclaré une buraliste de Romans, chez qui le suspect venait régulièrement acheter des cigarettes depuis six mois. C’est dans son établissement qu’Ahmed-Osman a commencé son périple meurtrier samedi matin.

Aucun des témoins interrogés jusqu’à présent n’a relevé un sectarisme religieux ou un signe de radicalisation chez l’assaillant de Romans. Des voisins ont noté que le suspect se livrait depuis peu au sport dans les escaliers de la résidence. Quant à l’employeur d’Ahmed-Osman, il a décrit « un bon salarié, pas très causant mais qui s’entendait avec tout le monde ».

Arrivé en France en 2016, l’homme bénéficiait du statut de réfugié depuis juin 2017 et d’un titre de séjour valable dix ans. Avant de s’installer à Romans, il a vécu dans le village de Moras-en-Valloire entre septembre 2018 et janvier 2020. Aidé par l’Etat et le Secours catholique, il a obtenu un logement et un contrat de professionnalisation en maroquinerie.

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