Richard Ferrand mis en examen pour prise illégale d’intérêts – Le Parisien

La question, délicate, technique, occupe les magistrats et les enquêteurs depuis bientôt deux ans et demi : Richard Ferrand a-t-il tenté d’enrichir son épouse lorsqu’il était à la tête des Mutuelles de Bretagne? Les trois juges d’instruction lillois en charge de l’affaire ont en tout cas, dans la nuit de mercredi à jeudi, après plus de 13 heures d’ une audition « musclée », mis en examen le président de l’Assemblée nationale et député du Finistère pour « prise illégale d’intérêts ». Il est reproché à ce proche d’Emmanuel Macron, d’avoir poussé les Mutuelles de Bretagne, organisme à but non lucratif qui fédère les mutuelles de santé, à louer des locaux à la société immobilière de sa compagne – qui n’était même pas encore officiellement créée – afin d’y installer un centre de santé. Un accord controversé qui avait permis à l’intéressée d’obtenir un prêt bancaire avantageux et de devenir in fine, propriétaire des lieux.

Dans un communiqué, Richard Ferrand a réagi, peu avant 1 heure du matin, expliquant « prendre acte de cette mesure procédurale qui va lui permettre de se défendre dans ce dossier en bénéficiant de tous les droits attachés à ce statut ». Il ajoute qu’il reste « serein sur l’issue de sa procédure » et « déterminé à poursuivre la mission que lui ont confiée ses pairs et ses électeurs au service de la représentation nationale et de son pays ». Des propos qui laissent penser que le président du Perchoir n’a pas l’intention de démissionner.

Le bail litigieux remonte au 25 janvier 2011 : le conseil d’administration des Mutuelles de Bretagne, avait alors décidé de louer, pour 3 600 € par mois, l’immeuble de la compagne de Richard Ferrand. Or, selon la plainte de l’association Anticor, lors de ce vote, les administrateurs n’avaient pas tous été avisés de l’identité de la propriétaire des lieux. Entendu par la police judiciaire (PJ) de Rennes, Michel Buriens, alors président des Mutuelles de Bretagne affirme par exemple n’avoir su qu’il s’agissait de Sandrine Doucen qu’en 2014. « Je suis tombé de l’armoire. Je pense que M. Ferrand aurait pu me le dire », explique cet ancien cadre. « Seuls trois administrateurs sur neuf déclarent avoir été informés que le futur propriétaire était Madame Sandrine Doucen », écrit même Anticor dans sa plainte.

Une première enquête classée sans suite en 2017

Selon nos informations, l’enquête s’est accélérée ces derniers mois avec l’audition de plusieurs administrateurs par la PJ de Rennes et les juges lillois. Une première enquête avait été classée sans suite en octobre 2017 par le procureur de Brest, qui avait jugé les faits prescrits. Mais l’affaire avait été rouverte un trois mois plus tard à la faveur d’une plainte avec constitution de partie civile de l’association Anticor, entraînant automatiquement la désignation de juges d’instruction. Selon Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association, les soupçons visant Richard Ferrand constituent une infraction « occulte ». Or, poursuit le conseil, « c’est la date de révélation des faits, donc mai 2017, qui doit être retenue et non celle de leur commission. Il n’y a donc plus de prescription. » Un raisonnement que semblent avoir suivi les magistrats lillois.

Ses avocats vont contester la mise en examen

Cette longue affaire n’est pourtant pas terminée pour autant. L’avocat de l’association Anticor s’attend en effet à voir les avocats de Richard Ferrand – qui n’ont pas souhaité nous répondre – contester la mise en examen de leur client devant la chambre de l’instruction. « Ces affaires prennent du temps, perturbent la démocratie, souffle le conseil de l’association. Mais il y a une vraie satisfaction de constater que cela avance malgré tout et que la société n’accepte plus certaines pratiques. »

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