Retraites : l’Assemblée nationale rejette les deux motions de censure, adoptant le projet de réforme en première lecture – Le Monde

Edouard Philippe, premier ministre, participe au débat d'examen des motions de censure après l'utilisation du 49.3 par son gouvernement sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, mardi 3 mars 2020 - 2020 ©Jean-Claude Coutausse pour Le Monde

Edouard Philippe, premier ministre, participe au débat d’examen des motions de censure après l’utilisation du 49.3 par son gouvernement sur la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, mardi 3 mars 2020 – 2020 ©Jean-Claude Coutausse pour Le Monde Jean-Claude Coutausse pour “Le Monde”

Sans surprise, l’Assemblée a rejeté mardi 3 mars soir les deux motions de censure déposées par la droite et la gauche en opposition à Edouard Philippe et son recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer la réforme des retraites.

Celle de droite a d’abord recueilli 148 voix, loin de la majorité absolue de 289 suffrages nécessaires pour faire tomber un gouvernement. Seules les voix favorables à la motion sont comptabilisées. Outre Les Républicains (LR), les Insoumis notamment l’ont soutenue pour « dire non au gouvernement », malgré un « désaccord complet » avec la droite sur le fond, a expliqué François Ruffin.

L’Assemblée nationale a ensuite rejeté la motion de censure de gauche qui n’a recueilli que 91 voix. Les élus LR n’ont pas joint leurs voix à celles de la gauche, ne voulant « pas de confusion avec ceux qui sont dans le blocage, l’obstruction et le déni de réalité », selon les mots de leur patron Damien Abad.

En vertu de l’article 49-3 de la Constitution, le projet de loi instituant un « système universel de retraite », porté durant deux semaines dans l’hémicycle par le secrétaire d’Etat aux retraites Laurent Pietraszewski, est donc adopté en première lecture. Le texte va partir au Sénat, qui doit l’examiner en avril, en vue d’une adoption définitive d’ici l’été.

Après 13 jours d’un parcours hors norme à l’Assemblée en première lecture pour cette réforme emblématique, Edouard Philippe a créé la surprise samedi 29 février en annonçant activer cet outil constitutionnel permettant de faire adopter le texte sans vote. Aussitôt, le parti Les Républicains et les trois groupes de gauche – Parti socialiste (PS), Parti communiste (PCF) et La France insoumise (LFI) – ont déposé des motions.

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« Fiasco parlementaire sans précédent »

Dans un hémicycle pas comble, le chef de file des députés LR, Damien Abad, a défendu la première motion, pointant un « fiasco parlementaire sans précédent » sur une réforme qui fera des Français les « grands perdants ». Il a invité à un « sursaut démocratique » en censurant le gouvernement, dont une vingtaine de membres étaient présents.

Dans la foulée, le communiste André Chassaigne a présenté la seconde motion au nom des groupes de gauche. Il a fustigé un « désastre démocratique », après le recours à l’arme « funeste » du 49-3 qui « parachève la chronique du fiasco annoncé de cette réforme ».

En réponse, le premier ministre a estimé que « ceux qui défendent le statu quo racontent bien trop souvent des calembredaines ».

« Ils se prennent de mots sur le dos de ceux qui sont les moins bien traités par le système actuel : les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les femmes et nos enfants (…) C’est typiquement ce genre d’injustices que le président de la République et les députés de la majorité se sont engagés à réparer. »

Le rejet des motions ne faisait aucun doute : ni LR avec 104 députés, ni la gauche avec 63 élus, ne pouvaient rassembler la majorité de 289 voix requise pour faire chuter le gouvernement.

Cortèges clairsemés

Dans le même temps, les opposants à la réforme, mobilisés depuis le 5 décembre, ont manifesté à nouveau à Paris et en province contre ce « passage en force », dans des cortèges clairsemés. Défilés et rassemblements ont réuni 22 300 manifestants au total, dont 6 200 à Paris, selon le ministère de l’intérieur. La CGT a de son côté revendiqué dans un communiqué « des dizaines de milliers de manifestants » dans toute la France, l’intersyndicale opposée au système universel de retraite par points en comptant 20 000 rien que dans la capitale.

La séquence se déroule dans un climat déjà tendu pour l’exécutif, entre nouveau coronavirus et élections municipales. En interne, la majorité est aussi confrontée à un enjeu de cohésion, avec deux nouveaux départs d’élus annoncés lundi, l’un restant toutefois « apparenté » au groupe. Et le 49-3 est vécu par certains comme un « échec collectif », à l’instar de la députée LRM Stella Dupont.

Les députés ont encore au menu, à partir de mercredi, le projet de loi organique accompagnant la réforme et objet de 1 800 amendements. Son examen d’ici à dimanche soir est « jouable », veut croire le patron des députés « marcheurs » Gilles Le Gendre, le texte n’ayant que cinq articles (contre 65 pour le volet principal).

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La réforme poursuivra ensuite son parcours au Sénat, à majorité de droite, en avril. Le 49-3 ne peut y être utilisé.

Le texte reviendra ensuite à l’Assemblée, le gouvernement visant toujours une adoption définitive avant l’été, avec entre-temps les conclusions de la « conférence de financement » attendues d’ici à fin avril. Dénonçant « une mascarade », la CGT en a claqué la porte, comme FO la veille.

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Le Monde avec AFP

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