Retraites : la voie risquée du pourrissement – Le Monde

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, arrive à Matignon, le 19 décembre.

Editorial du « Monde ». A quelques jours des fêtes de Noël, le gouvernement misait sur une trêve dans le conflit des retraites. Il est en train de déchanter. Lundi 23 décembre, au 19e jour de grève dans les transports, le trafic restait très perturbé à la RATP comme à la SNCF. Les gestes consentis par le gouvernement dans les deux entreprises publiques pour faire respecter le « contrat social », autrement dit pour atténuer jusqu’à faire disparaître l’effet de la suppression annoncée des régimes spéciaux sur les personnels en activité, n’ont pas eu le résultat escompté. La CGT-Cheminots et SUD-Rail, qui exigent le retrait de la réforme, ont maintenu leur appel à la grève. La CFDT-Cheminots les a suivis. L’UNSA-Ferroviaire, favorable à « une pause », n’a été que partiellement suivie par sa base.

L’ambiance dans les deux entreprises reste tendue, alors même que le gouvernement avait choisi d’y faire un maximum de concessions pour mieux défendre le reste de sa réforme. Son pari était d’enfoncer un coin dans le front syndical en poussant les syndicats réformistes à suspendre le mouvement pendant les fêtes. Conscient de la gêne occasionnée, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’y montrait disposé, de même que Laurent Escure, son homologue de l’UNSA. Mais une grande partie de la base en a jugé autrement : à ses yeux, le compte n’y est pas. Et tant pis pour les consignes venues d’en haut !

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La crise des corps intermédiaires épargne d’autant moins les leaders syndicaux que ceux-ci peinent à faire valoir une quelconque victoire dans le bras de fer qui les oppose depuis trois semaines au gouvernement : tout en promettant de continuer les discussions sur la pénibilité, les retraites progressives, le niveau de la pension minimum ou la transformation des carrières, Edouard Philippe a continué de défendre jeudi 19 décembre l’introduction d’un âge pivot pour équilibrer le système. Or cette mesure constitue un casus belli pour la CFDT, qui appelle à poursuivre l’action en janvier. A ce stade, l’exécutif ne semble toujours pas disposé à plier. Samedi, depuis la Côte d’Ivoire, où il effectuait un déplacement officiel, Emmanuel Macron a appelé les grévistes à « l’esprit de responsabilité » en déclarant qu’il était « bon de savoir faire trêve ». L’Elysée a confirmé l’information du Parisien selon laquelle le président de la République renonçait à s’appliquer la loi de 1955 qui garantit aux présidents de la République une retraite mensuelle de 6 220 euros brut à la fin de leur mandat. Le message est clair : la réforme à points se fera et s’appliquera à tous, sans exception.

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La voie choisie est donc celle du pourrissement. En se montrant ouvert à la discussion mais sans rien concéder sur l’essentiel, le gouvernement mise sur l’usure des grévistes, qui ne peuvent se permettre de perdre plusieurs semaines de salaire. Il table aussi sur le retournement de l’opinion. Dans le dernier sondage IFOP pour Le Journal du dimanche, le mouvement continue de bénéficier du soutien majoritaire des Français (51 %). Mais ce soutien est en recul de 6 points depuis le début du conflit, tandis que le niveau des opposants, lui, monte à 34 %. Politiquement, Emmanuel Macron a toute la gauche contre lui. Il bénéficie en revanche du soutien des sympathisants LRM et LR. C’est en s’appuyant sur cette base qu’il compte avancer, mais au prix d’un gros risque : accentuer le ressentiment que les grévistes et toute une partie des Français éprouvent à son égard. Mener au pas de charge et sans adhésion populaire la transformation du pays n’était pas le contrat de départ du quinquennat.

Le Monde

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