Retraites : la grosse colère de l’Elysée et Matignon après les déclarations de Delevoye – Le Parisien
Stupéfaction mercredi soir à l’Elysée à la lecture de l’interview accordée au Parisien – Aujourd’hui en France par le Haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. À moins d’un mois d’un appel à la grève reconductible qui inquiète au plus haut point l’exécutif, le « Monsieur retraites » du gouvernement ferme sèchement la porte à l’une des possibles pistes de sortie de crise : la « clause du grand-père », qui consisterait à n’appliquer la réforme qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail, la décalant ainsi de près de quarante ans.
Cette solution avait été avancée pour la première fois – et à nouveau au Parisien – le 6 octobre par l’essayiste Alain Minc, interlocuteur régulier d’Emmanuel Macron. « Cela reviendrait à créer un 43e régime. C’est impossible! […] Ça veut dire que l’on renonce à la réforme », enterre Delevoye dans l’entretien, sans autre forme de procès.
A la lecture de cette phrase, lapidaire, le sang des conseillers du chef de l’Etat, et ceux du Premier ministre avec, ne fait qu’un tour. Ils font aussitôt savoir qu’ils ne la cautionnent en aucune manière. Présent sur le plateau de Ruth Elkrief sur BFMTV au même moment, Édouard Philippe la contredit illico en indiquant que toutes les pistes restent à ce stade ouvertes.
Et pour cause : de sources concordantes, Emmanuel Macron tient absolument à conserver dans son jeu la carte maîtresse que constitue cette fameuse « clause du grand-père », qu’il voit comme l’unique moyen de calmer la fronde et sauver sa réforme, si le mouvement social tournait au vinaigre, sur le modèle de l’hiver 1995.
« C’est la dernière carte qu’il a pour calmer le jeu, mais il ne peut la sortir qu’après le mouvement du 5 décembre qui sera soit mauvais, soit très mauvais, soit calamiteux », confirme l’un de ses proches. « C’est le seul outil de refroidissement », ajoute un autre. Macron avait du reste lui-même évoqué cette hypothèse fin octobre sur RTL, en la présentant comme une issue potentiellement acceptable.
Un ferme recadrage en Conseil des ministres
Ce jeudi matin, le président a donc procédé à un ferme recadrage en Conseil des ministres, en contredisant sans le nommer Jean-Paul Delevoye, absent. « Je vous demande de ne pas expliquer dès maintenant ce que serait une bonne ou une mauvaise réforme, en dehors de ce que disent le président et le Premier ministre », a-t-il intimé aux membres du gouvernement. En clair : Emmanuel Macron et Édouard Philippe sont les deux seuls habilités à fixer la ligne sur ce sujet épidermique.
Le chef de l’Etat a été d’autant plus agacé qu’il était dans l’avion de retour de Chine lorsque Delevoye s’est exprimé. Écarter des pistes de travail à ce stade, « ça ne correspond pas à l’acte II » du quinquennat, fondé sur le dialogue et la concertation, sermonne également Matignon. Porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye a pour sa part relativisé une position strictement personnelle.
Une grosse pierre dans le jardin du Haut-commissaire, dont la parole se retrouve fragilisée, pour dire le moins. Selon son entourage, qui l’accompagnait jeudi à Amiens pour un débat sur les retraites, pas question de démissionner pour autant : « Le cap est fixé, on travaille, on continue à avancer ».
Reste que, si Emmanuel Macron tient en très haute estime l’ancien ministre de Jacques Chirac, son départ du gouvernement ne ferait pas que des malheureux. « Monsieur Delevoye a voulu faire de la petite politique », grince un conseiller de l’exécutif. Un macroniste historique prophétise même, cinglant : « Il partira, il démissionnera et bon débarras ! »