Retraites : entre Laurent Berger et Edouard Philippe, la rupture est consommée – Le Parisien

Édouard Philippe sur TF1, Laurent Berger sur France 2. Ce mercredi soir, l’heure était au face-à-face sur les plateaux des journaux télévisés. Tout un symbole, alors que la rupture est consommée entre le Premier ministre et le patron de la CFDT, le syndicat réformiste pourtant favorable à un régime universel de retraite par points.

Oui, mais voilà, en restant inflexible sur sa volonté de ramener à l’équilibre budgétaire le système des retraites et en annonçant un allongement de la durée du travail, avec l’instauration progressive d’un « âge d’équilibre » à 64 ans, Édouard Philippe a franchi « la ligne rouge » aux yeux de celui qui aurait pu être son seul allié face à une contestation sociale inédite depuis le début du quinquennat.

VIDÉO. «Il y aura des garanties sur la valeur du point»

Et les déclarations du Premier ministre ce mercredi soir sur TF1, qui a rappelé que « sa main était tendue » pour améliorer la réforme par le biais de la concertation, n’ont pas suffi à réchauffer les relations. « Si les partenaires sociaux qui croient au régime se mettent d’accord pour déterminer la trajectoire, les instruments, je prends », a-t-il insisté. Alors que sur France 2, Berger s’enflammait contre « la technocratie comptable » : « À force de faire du en même temps, on a fait du moitié-moitié. On a eu du gloubi-boulga, une espèce de contradiction », a même méchamment taclé le leader syndical.

«Laurent Berger est aussi tenu par sa base»

Preuve que le ton se durcit, la CFDT a appelé ce mercredi à rejoindre la mobilisation du 17 décembre. Une déclaration de guerre à laquelle Matignon s’attendait. « On savait, on avait nos capteurs », assure un conseiller ministériel, pourtant sidéré par la virulence de la réaction : « Sur la forme, on est quand même étonné par la violence des mots employés. De la part d’un syndicat réformateur, c’est très surprenant. »

D’autant que Matignon a le sentiment d’avoir donné du grain à moudre à la centrale. « On a fait beaucoup de pas vers lui. La pension minimale à 1000 euros dès 2022, la prise en compte de la pénibilité… On a même accepté d’attendre pour mettre en place les mesures d’équilibre budgétaire. Sur tous les points, on a bougé », détaille un proche d’Édouard Philippe.

En vain, tant le leader syndical, était arc-bouté sur un principe : ne pas mêler réforme systémique (l’instauration d’un nouveau système) et réforme paramétrique (les économies). « L’idée ce n’était pas de perdre la CFDT, mais on ne pouvait pas lâcher sur les 64 ans. Et puis Laurent Berger est aussi tenu par sa base qui est très remontée, il se retrouve piégé malgré lui », décrypte un conseiller ministériel. « Ce qu’on aurait gagné dans une forme de compromis acheté à bon compte, on l’aurait perdu en crédibilité », renchérit Matignon.

«Les seuls qui sont contents, c’est le Medef»

De quoi faire frémir dans la majorité : « La quasi-totalité des annonces sont bonnes, mais celle des 64 ans est faite exprès pour tendre », regrette un ténor LREM. Et de poursuivre, inquiet : « On sent que l’exécutif veut jouer l’opinion contre les syndicats. Mais c’est dangereux et explosif. Ça peut casser et ça peut casser fort. » Les appels à intensifier une mobilisation qui paralyse déjà la France depuis sept jours ne sont en tout cas pas de nature à rassurer. « Les seuls qui sont contents, c’est le Medef. C’est pas génial, ça donne l’impression qu’on a fait plaisir aux patrons », se désole un conseiller.

Pour gagner cette bataille de l’opinion, le gouvernement a déjà sa feuille de route. Dans les prochains jours, les éléments de langage calés par la majorité vont mettre l’accent sur les points positifs de la réforme : la règle d’or du point, son indexation sur les salaires, mais aussi sur le fait que le nouveau système sera, selon Matignon, plus favorable aux précaires, aux agriculteurs, aux indépendants et aux commerçants.

Dans son discours devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), Philippe a aussi multiplié les attentions à l’adresse de différentes catégories : les enseignants, les policiers, les femmes… en espérant les décrocher les uns après les autres de la mobilisation. Avec une idée : essayer d’isoler les régimes spéciaux des cheminots de tous les autres. Un pari gagnant? En tout cas risqué.

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