Réseaux fixes : Des élus ruraux craignent d’être oubliés après l’extinction du cuivre

Réseaux fixes : Des élus ruraux craignent d'être oubliés après l'extinction du cuivre

En décembre 2019, l’état-major d’Orange présentait devant un parterre de décideurs son plan stratégique Engage 2025, qui doit le porter au cours des prochaines années. Parmi les mesures phares alors annoncées par l’opérateur historique figure notamment l’extinction du réseau cuivre, le service universel dont Orange est délégataire. L’opérateur présidé par Stéphane Richard – qui a souvent été rappelé à l’ordre par les autorités sur le respect de ses engagements concernant ses obligations sur ce point – entend opérer la bascule du cuivre vers la fibre à compter de 2023. Et de fixer la date de l’extinction du réseau cuivre à 2030.

Une nouvelle qui passe mal auprès de certains élus de territoires ruraux, qui craignent d’être les oubliés de la bascule du cuivre. Dans une tribune adressée ce dimanche au Journal du dimanche, ces élus, au nombre de 216, fustigent le manque d’entretien du réseau, le fait « que l’ouverture d’une ligne prenne plus de six mois, et la réparation des semaines » alors que l’opérateur est « censé intervenir sous 48 heures ».

« Alors que nous, élus engagés, nous battons pour le dynamisme et l’attractivité de nos campagnes, nous constatons que des services de base comme le simple accès à une ligne fixe ne sont pas garantis », déplorent les signataires de cette tribune, qui font valoir que « si ces lignes en cuivre ont vocation à être remplacées par la fibre, nous ne pourrons nous en passer pendant encore au moins 10 ans. D’ici là, nous en sommes cruellement dépendants ».

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Un nouvel accord attendu

La publication de cette tribune intervient alors que la dernière convention signée entre l’Etat et Orange concernant la délégation du service universel, signée le 27 novembre 2017 pour une durée de trois ans, est récemment arrivée à échéance. Cette délégation doit désormais laisser sa place à un nouvel accord « qui prévoit un accès au haut débit internet en plus de la téléphonie fixe ».

Un accord qui sera scruté de très près par les élus signataires de cette tribune, pour qui « seul un effort inédit et immédiat de l’opérateur, couplé au contrôle vigilant, renforcé et territorialisé des pouvoirs publics, permettra d’améliorer la situation ». Les élus ont des raisons de s’inquiéter de figurer bientôt parmi les oubliés de la bascule du cuivre vers la fibre, alors que leurs territoires, moins peuplés, sont moins attractifs pour les opérateurs de réseaux très haut débit. Ce qui justifie l’intervention financière des autorités dans les réseaux d’initiative publique (RIP).

Rappelons en effet que si Orange est le dernier opérateur à détenir encore 100 % de son réseau de fibre optique en zone rurale, au contraire de ses concurrents, l’opérateur historique a récemment fait savoir qu’il pourrait prochainement en céder la moitié, soit 4 millions de lignes, valorisées de 1,8 à 2 milliards d’euros. Une manière pour l’opérateur de gagner en trésorerie pour investir sur de nouveaux projets dans un secteur ou les marges sont faibles et les investissements massifs.

Des dysfonctionnements récurrents

Ce n’est en outre pas la première fois que des élus des territoires pointent du doigt les failles d’Orange dans l’application de sa mission de délégataire du service universel. En janvier 2019, le député LREM du Gard Olivier Gaillard avait porté plainte contre l’opérateur historique pour « atteinte grave et manquements répétés et discriminatoires à l’obligation de garantir l’égal accès au service universel ». L’élu dénonçait alors des « dysfonctionnements récurrents » pouvant aller jusqu’à « l’absence totale de service (téléphonie fixe et internet ADSL) de manière prolongée ».

Quelques mois auparavant, l’Arcep avait déjà mis en demeure l’opérateur historique, le sommant de s’activer en 2019 et 2020 pour respecter les valeurs maximales fixées lors de la délégation de service universel. Et de pointer du doigt des faillites sur des points-clés de la mission d’Orange, comme le délai de raccordement au réseau, le pourcentage maximum des instances de raccordement ayant une ancienneté supérieure à 14 jours, le délai maximum pour traiter 85 % des dérangements d’abonnés, ou encore le pourcentage maximum des instances de réparations ayant une ancienneté supérieure.

Au mois de novembre 2018, des élus de l’Ardèche avaient également tapé du poing sur la table pour alerter sur les dysfonctionnements constatés sur le réseau cuivre de leur région. Rassemblés autour de quatre députés de la région, les maires des communes locales menaçaient alors de refuser de verser les factures d’Orange « tant que l’opérateur ne fera pas son travail ».

500 millions d’euros par an

Reste qu’Orange a également des arguments à faire valoir en gage de sa bonne foi. Alors que la gestion par Orange de la qualité du réseau cuivre dont il a la responsabilité en qualité d’opérateur du service universel avait fait l’objet de sévères rappels à l’ordre en octobre 2018, celui-ci a rectifié le tir ces derniers mois, comme le relevait l’Arcep au mois de septembre dernier. « Les indicateurs de qualité de service se sont significativement améliorés et la quasi-totalité d’entre eux ont dépassé les objectifs annuels fixés par le ministre pour 2019 », applaudissait-on alors du côté du gendarme des télécoms.

Et de relever que 85 % des pannes repérées en 2019 avaient été réparées en 46 heures (pour un objectif fixé par les autorités à 48 heures), alors que ce délai était de l’ordre de 62 heures, constaté en 2018. Et si la crise sanitaire est passée par là, rendant certaines opérations d’entretien plus difficiles, l’opérateur historique s’était engagé à rétablir la qualité de service sur le réseau fixe au second semestre 2020. S’il n’est pas encore possible de savoir si ces engagements pris auprès des autorités ont été tenus, la direction de l’opérateur indique prendre sa mission d’opérateur du service universel très au sérieux.

Reste que la bascule du cuivre vers la fibre est attendue avec impatience du côté d’Orange, qui investit pas moins de 500 millions d’euros par an dans l’entretien de ce réseau vieillissant. « Il faut que chacun comprenne qu’on ne va pas garder indéfiniment deux réseaux fixes en France : un réseau de fibre optique avec une boucle locale et un réseau cuivre », rappelait d’ailleurs le PDG d’Orange, Stéphane Richard, fin 2019.

Les promoteurs de la bascule du cuivre vers la fibre peuvent avoir des motifs d’espoir : l’Arcep vient en effet de décerner le statut de “zone fibrée” à deux premiers territoires, qui disposent de réseau FttH sur l’ensemble de leurs territoires et peuvent à ce titre envisager une transition rapide vers le tout-fibre.

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