Remaniement : un duel s’installe-t-il entre Macron et Philippe ? – RTL.fr

L’effet Édouard Philippe. La crise du coronavirus a projeté sur le devant de la scène d’une façon inédite le premier ministre. Ayant à gérer à la fois les objectifs imposés par Emmanuel Macron et les polémiques sur la pénurie de masque et la crise de l’hôpital public, le locataire de Matignon a su imposer son style. 

Une opération dûment menée qui a porté ses fruits pour le chef du gouvernement. Selon un sondage Ifop-Fiducial publié le 2 juin, 53% des Français approuvent son action. Cela représente un sursaut de 17 points en trois mois. Un bond conséquent qui prend encore plus d’ampleur si on le compare à la cote de popularité du président de la République. Ce dernier plafonne à 40%. 

En plus de la crise sanitaire, le premier ministre doit aussi gérer une offensive politique lancée par ses ministres de l’Économie et des Comptes publics, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Un remaniement gouvernemental permettant à Emmanuel Macron d’amorcer une nouvelle séquence politique pourrait intervenir entre le second tour des élections municipales et le 14 juillet. Un duel s’est-il enclenché entre le président de la République et son premier ministre ?

Le “président de la référence contre premier ministre référent”

Le duo exécutif incarné par Emmanuel Macron et Édouard Philippe incarne deux versions différentes de la politique. Joint par RTL.fr, le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet qualifie la communication du chef du gouvernement de “juppéiste”, c’est-à-dire un style “rigide”, “conservateur” et “réaliste”. “Édouard Philippe n’est pas dans le pathos, ni dans le lyrisme. explique-t-il. Il dégage une attitude technocratique”. Un style “qui imprime dans l’opinion publique”, renchérit le politologue Bruno Cautrès auprès de RTL.fr.

Une façon de faire aux antipodes de celle du président de la République. “Autant Édouard Philippe a pour caractéristique première le réalisme, autant Emmanuel Macron est davantage dans le rêve et l’imaginaire. Sa communication est tournée vers le passé et les références historiques. Édouard Philippe est dans le présent. Emmanuel Macron a une approche qui consiste à se référer à de grandes figures historiques. Il met en scène un manuel d’histoire à la façon d’un conteur“, ajoute Philippe Moreau-Chevrolet. 

Selon Anne-Claire Ruel, enseignante en communication politique à l’université Paris 13 et présidente du Board, contactée par RTL.fr, Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont “deux styles très différents, mais l’un n’existe pas sans l’autre”. “D’un côté, on a Emmanuel Macron, le président de la référence – littéraire, historique, politique – et de l’autre, on a Édouard Philippe, un premier ministre référent et qui a été l’interlocuteur direct des Français tout au long de la crise sanitaire”, explique-t-elle.

Un espace politique pour Édouard Philippe ?

La force d’Édouard Philippe réside notamment dans le fait que le premier ministre arrive à capter l’électorat de droite, étant lui-même issu des Républicains. 66% des sympathisants de droite approuvent son action, dont 72% parmi Les Républicains. Plus encore, il est autant plébiscité par les électeurs de François Fillon à la présidentielle de 2017 (75%) que par ceux d’Emmanuel Macron (76%).

“Il existe actuellement un espace politique avec le retour de la droite traditionnelle que pourrait incarner le premier ministre lors d’un éventuel départ du gouvernement”, note Philippe Moreau-Chevrolet. Une situation qui pourrait pénaliser Emmanuel Macron, déjà victime d’une “présidence flottante”, avec “pas de parti, pas d’ancrage territorial et pas d’entourage fort”, ajoute-t-il.

Le président de la République pourrait en payer le prix fort lors du second tour des élections municipales. La République En Marche aborde le scrutin en ordre dispersé, en fonction des alliances scellées lors de l’entre-deux-tours, souvent à droite et parfois contestées.

Quelle probabilité pour un remaniement ?

Au début du quinquennat, le duo Macron-Philippe “fonctionnait bien”, mais il se tend à se transformer en “duel”, note Anne-Claire Ruel. “Le président de la République a fait le pari de nommer un premier ministre peu connu des Français et dans l’ombre. Désormais, le chef du gouvernement existe de plus en plus aux yeux des Français et fait de l’ombre à Emmanuel Macron”.

Le premier ministre a trouvé son style, estime le politologue Bruno Cautrès. “C’est un premier ministre très bien dans sa peau de premier ministre, résume-t-il. Un remaniement est-il envisageable ? “Que si le successeur d’Édouard Philippe est dans la même gamme politique que lui”, estime le politologue. 

“Avec la crise économique et les décisions budgétaires qui vont devoir être arbitrées, Emmanuel Macron devra avoir un premier ministre avec un très haut niveau d’expérience pour assurer un haut niveau de responsabilités”, estime-t-il mettant en avant l’expérience de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin

L’option du remaniement “n’est pas sans risque, ni sans conséquence pour Emmanuel Macron. Édouard Philippe est plus populaire que le président et il s’est affirmé à l’occasion de la crise sanitaire. “Il est aussi tout à fait possible que le premier ministre reste en poste”, explique Bruno Cautrès. Mais selon lui, son maintien à la tête du gouvernement dépend des élections municipales et de sa réélection à la tête du Havre. Selon Anne-Claire Ruel, le premier ministre est dans une posture de gagnant-gagnant. “S’il reste à la tête du gouvernement et échappe au remaniement, il a gagné. S’il quitte le gouvernement pour prendre diriger Le Havre, il retrouve sa ville et part avec une cote de popularité élevée dans l’esprit des Français”.

Des tensions entre Macron et Philippe ?

La crise du coronavirus aura exacerbé les tensions entre le président de la République et le premier ministre. Une relation déjà mise à mal par l’affaire Benalla, la crise des “gilets jaunes” et la réforme des retraites. “Il existe de vraies tensions entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe, selon Philippe Moreau-Chevrolet. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une guerre ouverte. Le premier ministre ne joue pas de double jeu en vue de la présidentielle de 2022, il n’a pas d’agenda politique caché”, nuance-t-il.

Selon Bruno Cautrès, les éventuelles frictions entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe ne sont que le résultat du fonctionnement de la Vème République. “Il est dans la nature même du duo exécutif d’avoir des moments moins fluides. Avec un exécutif à deux têtes, mécaniquement on obtient cela”.

La grande caractéristique du chef du gouvernement est “sa loyauté”, une raison pour laquelle le politologue ne l’imagine pas se lancer dans une éventuelle course pour la présidentielle de 2022. “Nous sommes pratiquement arrivés à la présidentielle, il paraît impensable qu’Édouard Philippe se présente contre Emmanuel Macron, après avoir soutenu et incarné sa politique pendant trois ans. La seule option crédible pour une éventuelle candidature du premier ministre serait un départ fracassant du gouvernement après un désaccord avec le président“, analyse le politologue. 

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