Reine du Sud sans cohérence

Teresa Mendoza, orpheline adepte de la débrouille et de la combine, vivote tranquillement au Mexique. Elle partage sa vie avec un narcotrafiquant, mais sa vie bascule le jour où Guero est assassiné.

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Quand Jane The Virgin rencontre Narcos

Si vous avez regardé Jane The Virgin en français et que vous regardez Reine du Sud dans la langue de Molière, quelque chose va vous frapper : Teresa et Guero sont doublés par les mêmes acteurs qui ont doublé Jane et Rafael dans Jane The Virgin. Autant vous dire que cela est assez perturbant, tant les personnages féminins semblent aux antipodes l’une de l’autre.

Pourtant, nous sommes bien dans une télénovela, avec le même style narratif, la même construction et même un narrateur omniscient. L’une des lignes directrices des télénovelas est qu’on est en face d’un réalisme magique. Cela doit paraître réel, mais il faut insuffler une part de rêve, de féérie dans l’histoire, pour accrocher le spectateur.

Le problème de Reine du Sud est qu’il ne répond pas à ce critère. Il est impossible de rêver : Teresa se fait maltraiter, kidnapper, violer, enfermer, elle sert de mule, etc. Initialement, on pense être devant une déclinaison de Narcos au féminin. Mais là non plus, cela ne fonctionne pas.

Biais

Dans Reine du Sud, une partie du trafic est tenue par une femme : Camila Vargas, qui se montre aussi dure que ses homologues masculins. Sur la première et la deuxième saison, cela tient à peu près la route. Les scénaristes ont voulu casser l’idée qu’une femme ne pouvait pas être aussi impitoyable que les hommes dans la conduite des affaires criminelles.

Mais, à partir de la troisième saison, tout se casse la figure. Les personnages féminins commencent à faire preuve de tendresse et de bienveillance. Cela aurait eu du sens dans un autre univers, mais dans celui des narcos, cela n’en a aucun. Le conflit moral de Teresa est d’ailleurs incongru. Dès le départ, elle veut grimper les échelons dans son école du crime, elle veut sa part du gâteau et éliminer la concurrence.

Dès lors, sa posture morale consistant à ne pas faire couler le sang, non pas pour acheter une forme de paix, mais parce que ce n’est pas gentil de tuer ses adversaires, est totalement tiré par les cheveux. Si Teresa était à ce point torturée par une moralité quelconque, elle ne ferait pas dans le trafic de stupéfiants, même si on conçoit qu’elle n’a jamais connu autre chose. Ce qui est profondément agaçant est que les personnages n’assument pas ce qu’ils sont. C’est amusant sur quelques épisodes, mais l’intégralité de la série se base sur ce postulat, ce qui devient très vite lourd.

L’informatique au service du crime

Si la série est truffée d’incohérences, on peut néanmoins accorder un bon point sur l’utilisation de l’informatique. On retrouve la palette habituelle des outils de surveillance, par exemple, les balises GPS ou le suivi des téléphones portables. On retrouve également les téléphones portables jetables, qui n’existent pas en France, mais sont très répandus aux États-Unis.

L’utilisation des cryptomonnaies semble aussi tenir à peu près la route, mais si l’auteur de ses lignes reconnaît volontiers ne rien comprendre au sujet. Un vrai spécialiste du système pourra se pencher sur cette question en regardant la série.

L’exploitation des réseaux sociaux est aussi bien amenée et bien intégrée dans la narration, tout comme la référence à Silk Road et le développement d’un marché sur le dark web. Sans aller jusqu’à dire que dark web ne sert qu’à des marchés illégaux, on ne peut pas nier qu’il est aussi utilisé par des personnes qui ne sont pas armées de bonnes intentions.

On se laisse emporter par la série, grâce à la technique de la télénovela, mais au fil des épisodes, on finit par s’ennuyer. On a l’impression de tourner en rond et on sent que la fin est télescopée. Sur le plan purement technique (informatique), la série tient la route, mais cela ne suffit pas à créer une bonne histoire. Reine du Sud est disponible en intégralité sur Netflix.  

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