Régionales : à Nice, le coeur de la droite balance – Le Journal du dimanche

“Mais vous venez à Nice sans lunettes de soleil? Attendez, on va vous en trouver!” Pas le temps de dire non : dans ce local en ébullition du centre de Nice, François, Armand et Gérald, trois “piliers historiques” de la permanence des “Amis de Christian Estrosi”, sont déjà en train de fouiller de vieux cartons : “C’est la dernière paire, vous avez de la chance!” Un souvenir, estampillé “Estrosi 2015”, des dernières régionales, quand le maire de Nice était tête de liste. Les trois militants l’admettent, non sans une pointe de nostalgie : “C’était plus simple alors…”

Une campagne bousculée

A l’époque, Les Républicains (LR) des Alpes-Maritimes, première fédération du parti, n’étaient pas au bord de la scission. Ce bastion historique de la droite représente traditionnellement “le département qui donne à chaque fois le plus de voix aux Républicains aux régionales dans le Sud”, insistent les trois compères. Mais cette fois-ci, l’ouverture aux macronistes de la liste (LR) emmenée par le Marseillais Renaud Muselier, avec Christian Estrosi en tête de liste pour les Alpes-Maritimes, a constitué un séisme dont les répliques ont bousculé la campagne. Jusqu’au dernier jour.

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Au point de voir la droite niçoise pencher majoritairement pour la tête de liste du RN, Thierry Mariani, ex-ministre des Transports de Nicolas Sarkozy, 62 ans dont 42 au RPR, à l’UMP puis à LR? “C’est l’un des nôtres”, salue Yves, un autre sympathisant de droite, qui n’en revient pas de voir le candidat RN favori des derniers sondages. “Il s’est bien débrouillé, un homme de valeur, mais ça me gêne quand même de voter RN”, poursuit-il. “Et pourquoi pas? Ils n’ont jamais géré, pourquoi ne pas leur donner une chance?”, réplique à distance Marie-Madeleine, à l’accueil de la permanence du député (LR) Eric Ciotti, l’autre baron de la droite azuréenne.

Personne n’ignore ici qu’Estrosi et Ciotti, deux ex-amis de vingt ans, sont brouillés à mort. Et que, pour tout compliquer, Ciotti est désormais le patron de la fédération (LR) des Alpes-Maritimes. “Ciotti souffle constamment sur les braises, décrypte une employée municipale. Ces élections régionales, pour eux, c’est l’occasion de dézinguer Estrosi!”

L’ombre d’Eric Ciotti

Derrière les enjeux régionaux se cache une copieuse salade niçoise. “Une partie de l’électorat des Républicains a été bousculée, instrumentalisée et manipulée par Eric Ciotti, dont les déclarations ont semé le trouble en faveur de Mariani”, renchérit l’ex-député (UDI) Rudy Salles. Ce compagnon de route d’Estrosi “depuis trente-huit ans” ne s’inquiète pas outre mesure d’une fracture de la droite locale : “Les Alpes-Maritimes sont-elles le laboratoire d’une recomposition entre une droite républicaine modérée et une autre qui se rapproche du RN? Je n’y crois pas.” Et de citer la victoire remportée en 2015, quand les sondages ne donnaient à la droite que 26%, alors qu’elle est aujourd’hui mesurée à 33% (contre 42% pour le RN).

Muselier nous demande de voter LREM, mais pour moi, LREM, c’est la gauche!

Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice et ex-directeur de campagne d’Estrosi aux dernières régionales, adhère lui aussi à ce scénario optimiste : “Le soutien de LREM à Muselier a été monté en épingle par des parlementaires qui ont essayé de nationaliser l’enjeu, sauf que nous ne sommes pas dans une logique présidentielle.” Autre ambiance à la permanence d’Eric Ciotti où, à la seule mention du nom de Renaud Muselier, Marie-Madeleine s’emballe : “Alors moi, ce monsieur qui retourne sa veste, c’est non! Muselier nous demande de voter LREM, mais pour moi, LREM, c’est la gauche!”

Du côté du RN, ces jours-ci, c’était en revanche silence radio. Sollicité, le Niçois Philippe Vardon, directeur de campagne de Thierry Mariani, n’a pas souhaité parler au JDD. Seul Bernard Monsel, un coordinateur téléphonique RN, commentait brièvement : “On se sent vachement bien, autant pour la victoire qui se profile que pour clouer la bouche à Muselier et Estrosi. Parce que les grandes gueules, ça suffit.” A la permanence d’Estrosi, Armand, François et Gérald, eux, y croient encore, vieux proverbe chinois à l’appui : “Qu’importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape les souris.” 

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