Réforme des retraites : Quelles sont les cartes du gouvernement pour changer la donne avec les syndicats ? – 20 Minutes

Manifestation le 12 décembre 2019 à Paris contre la réforme des retraites. — Olivier Coret/SIPA
  • Tous les syndicats ont défilé ce mardi contre la réforme des retraites.
  • Les organisations syndicales ne sont cependant pas toutes sur la même ligne concernant le futur système.
  • Le gouvernement pourrait profiter des réunions de mercredi et jeudi pour faire évoluer son projet.

Le gouvernement a dévoilé sa main sur la réforme des retraites, mais il lui reste encore quelques atouts cachés dans la manche. Alors que l’ensemble des principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, FSU, Solidaires, Unsa) ont défilé ce mardi contre le projet présenté par Edouard Philippe le 11 décembre, l’exécutif a prévu de les recevoir un à un mercredi à Matignon, puis de les réunir tous ensemble jeudi. « Il y a un terreau commun. Je ne suis pas optimiste, mais (plutôt) raisonnablement optimiste (…) sur la capacité de nous entendre (…) Je redis que je suis ferme mais pas fermé » a expliqué mardi le Premier ministre devant des députés LREM.

Si la CGT et Force Ouvrière demandent toujours le retrait pur et simple de la réforme, le gouvernement pourrait en revanche s’appuyer sur les syndicats dits réformistes comme la CFTC ou la CFDT pour négocier des ajustements. « On espère vraiment que ces réunions serviront à quelque chose » assure à 20 Minutes Cyril Chabanier, le président de la CFTC. Comme la CFDT, il n’est pas opposé à l’idée du système de retraite à points souhaité par Emmanuel Macron.

Lâcher sur l’âge pivot ?

Le débat autour de la réforme « s’est focalisé autour de la question de l’âge pivot, ou âge d’équilibre, rappelle Rémi Bourguignon, professeur à l’université de Paris-Est Créteil et spécialiste du syndicalisme. Il va falloir que le gouvernement bouge sur cette question ».

Dans le projet de l’exécutif, l’âge pivot démarrerait dès 2022 (à 62 ans et 4 mois) puis augmenterait progressivement pour atteindre 64 ans en 2027. Les actifs qui partiraient à la retraite avant cet âge subiraient un « malus » sur leur pension. « L’âge d’équilibre est totalement injuste, car il pénalise les gens qui ont commencé à travailler tôt », appuie Laurent Berger, le patron de la CFDT, dans une interview publiée par La Croix ce mardi. Depuis le début, son syndicat a érigé ce dispositif comme une « ligne rouge » à ne pas franchir.

Le gouvernement pourrait donc choisir de retirer complètement l’âge-pivot, ou de décaler son application dans le temps. « Nous demandons à ce que personne ne soit concerné par la réforme avant 2025 » indique par exemple Cyril Chabanier (CFTC). Mais cette stratégie est risquée : « Si le gouvernement cède sur cet aspect, cela va encourager les syndicats contestataires [CGT, FO] à poursuivre leur mouvement, puisqu’ils auront le sentiment qu’ils peuvent obtenir plus par la contrainte », analyse Rémi Bourguignon. Mais s’il ne bouge pas, l’exécutif risque aussi de voir les syndicats réformistes s’éloigner de lui. « Le gouvernement s’est un peu mis dans une impasse en ne recherchant pas un compromis d’entrée de jeu » constate l’universitaire.

Un pilotage sous surveillance

Un autre levier de négociation réside aussi dans le pilotage du futur système. C’est une question essentielle : qui sera aux manettes pour décider, par exemple, comment équilibrer le système ? « La gouvernance du système sera confiée aux partenaires sociaux [syndicats et patronat], sous la supervision du Parlement », expliquait Edouard Philippe le 11 décembre dernier.

Le rapport Delevoye, présenté en juillet, donnait un peu plus de détails sur cette mécanique. Il proposait la création d’un « conseil d’administration de la caisse nationale (de retraites) » dirigé par les partenaires sociaux. Cependant, ce conseil n’aurait pas vraiment de pouvoir décisionnel, puisque ses préconisations (augmentation des cotisations, ajustement de l’âge pivot) devraient être validées par le Parlement. Ce schéma, qui pourrait se résumer par « tu proposes, je dispose », les syndicats n’en veulent pas. « Il faudra que l’on ait réellement la main », assure Cyril Chabanier. Mais l’exécutif est-il prêt à la donner ?

Une pénibilité à revoir

S’il ne cède pas sur ces deux points, le gouvernement disposerait néanmoins de quelques cartes supplémentaires à abattre. Ainsi, Edouard Philippe a cité « quatre sujets » ce mardi devant les députés LREM : le niveau du « minimum contributif » (la pension minimum versée après une carrière complète, prévue pour l’instant à 1.000 euros), les conditions de transition des régimes spéciaux, les fins de carrière (par exemple avec le cumul emploi-retraite) et la pénibilité.

Ce dernier sujet est essentiel aux yeux des organisations syndicales. Dans le futur système, les actifs soumis à des critères de pénibilité pourront en effet cumuler des points supplémentaires sur leur « compte de prévention professionnel » (C2P), ce qui leur permettra de partir jusqu’à deux ans plus tôt à la retraite. Pour l’instant, six critères permettront d’accumuler des points, comme le travail répétitif ou un métier soumis à un bruit permanent. Pour les syndicats, ce n’est pas suffisant. « Nous demandons la réintégration de quatre critères supprimés en 2017 » indique Cyril Chabanier, parmi lesquels « le port de charges lourdes » ou encore « les postures pénibles ».

Au final, le gouvernement pourrait satisfaire en partie les demandes des syndicats dits réformistes. Mais le fera-t-il vraiment ? « L’exécutif pourrait aussi choisir une stratégie risquée en jouant la montre et en comptant sur la suspension du mouvement pour les fêtes de fin d’année, note Rémi Bourguignon. Il peut également se dire que malgré les fortes mobilisations de ces dernières années – loi Travail, réforme de la SNCF –, les projets ont toujours abouti. Mais jouer l’escalade du conflit est toujours dangereux ».

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