Réforme des retraites : le pari risqué d’Edouard Philippe – Le Parisien

Il avait déjà prévenu dès mardi qu’il n’avait pas de « baguette magique » et que sa prise de parole ne suffirait pas à faire « cesser » les manifestations. Ce mercredi matin, devant les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et un Laurent Berger, le patron de la CFDT, à la mine particulièrement renfrognée, le Premier ministre a fait le choix de tenir durant près de cinquante minutes un discours de clarté et de… fermeté.

Mâtinée certes de quelques concessions, comme celle d’appliquer le nouveau système à la génération née en 1975 (et non à celle née en 1963 comme le prévoyait le projet initial), mais sans bouger d’un pouce l’architecture générale de sa très emblématique réforme des retraites. Ni de revenir sur sa volonté de « bâtir ce nouveau système sur des bases financières solides », c’est-à-dire de la ramener à l’équilibre budgétaire, en incitant notamment « sans les y forcer », les « Français à travailler plus longtemps ».

Quitte à se fâcher avec la CFDT, le seul syndicat favorable à un régime universel par points. Las, la décision de Philippe d’instaurer progressivement un « âge d’équilibre » à 64 ans et un système de « bonus-malus » a immédiatement fait sortir de ses gonds Laurent Berger, le patron de la centrale. « La ligne rouge est franchie », s’est-il emporté, à peine le discours d’Édouard Philippe terminé, prévenant qu’il réunissait dans l’après-midi les instances de son syndicat « pour décider des actions dans les jours à venir ».

«Sur tous les points, on a bougé»

Une fin de non-recevoir qui n’a pas vraiment étonné Matignon. « On savait, on avait nos capteurs », assure un conseiller ministériel, tout en précisant que les échanges ont été soutenus avec Berger dans les heures qui ont précédé le discours.

Reste que la réaction du syndicaliste réformiste a surpris l’exécutif par sa violence. « On a fait beaucoup de pas vers lui. La pension minimale à 1000 euros dès 2022, la prise en compte de la pénibilité, le retour du paritarisme avec la gouvernance du système confiée aux partenaires sociaux sous la supervision du Parlement… On a même accepté d’attendre 2022 -et non 2020- pour mettre en place les mesures d’équilibres budgétaires. Sur tous les points, on a bougé », poursuit le même.

VIDÉO. « Il y aura des garanties sur la valeur du point »

Sur tous les points, sauf sur la demande principale de Berger : dissocier la réforme systémique -l’instauration du régime universel par points- de la réforme paramétrique -les économies. Un choix délibéré et assumé par Matignon : « Ce qu’on aurait gagné dans une forme de compromis acheté à bon compte, on l’aurait perdu en crédibilité. Les Français savent qu’ils vont devoir travailler plus et ils veulent que le gouvernement soit crédible. Et pour être crédible, il faut dire comment on va financer le système », balaie un proche du Premier ministre.

Gagner la bataille de l’opinion

Voilà donc le gouvernement droit dans ses bottes, comme aurait pu le dire Alain Juppé, le mentor de Philippe -que ce dernier n’a, pour des raisons évidentes, pas cité dans son discours, lui préférant d’autres figures comme Michel Rocard, Pierre Mendès France, ou encore Georges Pompidou- faisant le choix de la « vérité », plutôt que celui de la « démagogie », dixit Matignon.

Un choix qui pourrait toutefois se révéler très risqué, dangereux même. Car dans la foulée de Laurent Berger, toutes les organisations syndicales sont vent debout. Et promettent de durcir un mouvement qui paralyse déjà la France depuis sept jours.

Face à ce climat social explosif, le gouvernement fait un pari : gagner la bataille de l’opinion. Dans son discours, Philippe a d’ailleurs multiplié les gestes à l’adresse de différentes catégories : les enseignants, les policiers, les femmes … en espérant les décrocher les uns après les autres de la mobilisation. Et il mise aussi sur l’exaspération grandissante des citoyens à l’égard du mouvement social. Comme le résume un proche du Premier ministre : « On n’est pas responsable de la grève. Il y a un moment où les Français jugeront »… Verdict très prochainement.

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