Réforme des retraites : ce qu’il faut retenir des annonces d’Elisabeth Borne – Le Monde

La première ministre, Elisabeth Borne, présente le projet du gouvernement pour l’avenir du système de retraites à Paris, le 10 janvier 2023.

C’est la réforme-phare du second mandat d’Emmanuel Macron. Elisabeth Borne a dévoilé mardi 10 janvier le contenu du projet de loi de réforme des retraites souhaité par le chef de l’Etat.

Le live : Réforme des retraites : revivez l’annonce d’Elisabeth Borne et le détail sur le report de l’âge légal de départ à 64 ans en 2030

Recul de l’âge légal de départ à 64 ans d’ici à 2030

Principale mesure de ce nouveau système, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici à 2030, au lieu de 62 ans actuellement. L’âge légal sera progressivement relevé au rythme de trois mois par an à partir du 1er septembre. Il sera donc fixé à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030.

Pour constater l’impact de la réforme sur votre situation, le groupement d’intérêt public Info Retraite a mis en ligne dans la soirée un simulateur (suisjeconcerne.info-retraite.fr) détaillant ce qui change et ce qui ne change pas.

L’allongement de la durée de cotisation avancé à 2027

Cette mesure sera couplée à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, qui interviendra plus rapidement que prévu. Alors que la loi Touraine de 2014 prévoyait d’atteindre quarante-trois annuités pour les personnes nées en 1973 et après, le gouvernement veut accélérer ce calendrier. Il faudra avoir cotisé quarante-trois ans dès 2027 au lieu de 2035 pour obtenir une pension de retraite à taux plein. L’exécutif, qui envisageait au départ un report de l’âge de départ à 65 ans, intégrera sa réforme au futur projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, qui sera présenté en conseil des ministres le 23 janvier.

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Fin des régimes spéciaux

Ce nouveau système actera par ailleurs « l’extinction des principaux régimes spéciaux ». Par exemple, « les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche industries électriques et gazières et à la Banque de France » seront affiliés au régime général pour la retraite, a précisé l’exécutif dans un dossier de presse diffusé avant la prise de parole d’Elisabeth Borne.

Revalorisation des « petites pensions »

Le minimum de pension sera relevé à 85 % du smic net, « soit près de 1 200 euros par mois dès cette année », pour les futurs retraités ayant une carrière complète, a annoncé mardi Mme Borne. Cela concerne non seulement les futurs retraités, mais aussi ceux d’aujourd’hui.

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Dispositif « carrières longues »

La première ministre, Elisabeth Borne, présente le projet du gouvernement pour l’avenir du système de retraite, à Paris, mardi 10 janvier 2023.

Un dispositif « carrières longues » sera préservé. Il sera « adapté pour qu’aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de quarante-quatre ans », précise l’exécutif.

L’âge de départ restera à 58 ans « pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt avant 16 ans », en particulier les apprentis, à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans, et à 62 ans pour ceux qui ont commencé leur carrière professionnelle avant 20 ans, a précisé la première ministre mardi.

Faciliter le travail des seniors

Pour favoriser le maintien au travail des seniors, le gouvernement veut créer un « index seniors ». « Nous sommes l’un des pays d’Europe où la part des personnes de 60 à 64 ans qui travaille est la plus faible, affirme Mme Borne. Un index sera créé sur la place des salariés en fin de carrière. Cet index sera simple, il sera public, il permettra de valoriser les bonnes pratiques et de dénoncer les mauvaises. Le construire sera obligatoire pour les entreprises de plus de 1 000 salariés dès cette année et en 2024 pour celles de plus de 300 salariés. »

Le gouvernement veut aussi « donner plus de souplesse à la transition entre l’activité et la retraite ». « Nous allons donc assouplir le dispositif de retraite progressive pour les salariés et l’étendre à la fonction publique. Nous permettrons ainsi à ceux qui le souhaitent de passer à temps partiel deux ans avant l’âge légal de départ en liquidant une partie de leur retraite. Nous allons aussi rendre le cumul emploi-retraite plus simple et créateur de droits nouveaux », a déclaré Elisabeth Borne.

Prendre en compte la pénibilité du travail

Concernant le facteur pénibilité, les trois critères abandonnés en 2017 (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques) devraient être réintégrés, sous réserve d’un examen médical que les syndicats refusent. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a annoncé la mise en place d’un fonds de « prévention de l’usure professionnelle », qui sera « doté de 1 milliard d’euros » durant le quinquennat.

Les congés parentaux comptabilisés

Mettant en avant un système « plus juste pour les femmes », Mme Borne a déclaré que les périodes de congés parentaux seraient désormais prises en compte. Un « dispositif de départ anticipé à 62 ans », pour les personnes en situation d’invalidité, d’incapacité ou d’inaptitude sera par ailleurs mis en place. « Cela représente 100 000 personnes par an », a affirmé la cheffe du gouvernement. Les années passées en tant qu’aidant auprès d’un proche seront désormais comptabilisées.

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Redresser un régime en déficit

Pour l’exécutif, il y a « urgence » à redresser un régime qui pourrait afficher une vingtaine de milliards d’euros de déficit en 2030. « L’objectif est de consolider nos régimes de retraite par répartition qui, sans cela, seraient menacés car nous continuons de financer à crédit », avait déclaré Emmanuel Macron, lors de son allocution du 31 décembre 2022. Selon Mme Borne, le nombre de personnes qui cotisent diminue par rapport au nombre de retraités. « C’est un fait, pas un argument politique », a insisté la première ministre mardi en conférence de presse.

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Sans réforme des retraites, le régime « accusera 13,5 milliards d’euros de déficit en 2030 », affirme le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. « La réforme qui vient d’être présentée par la première ministre rapportera 17,7 milliards d’euros en 2030 aux caisses de retraite », a-t-il assuré. Selon ses calculs, l’exécutif disposera donc d’une cagnotte de 4,2 milliards d’euros pour financer des mesures d’accompagnement, dont quelque 3,1 milliards d’euros serviront à financer les départs en retraite anticipés pour inaptitude ou invalidité, a détaillé Bruno Le Maire. Les mesures pour mieux prendre en compte la pénibilité et les carrières longues, couplées à la revalorisation des petites pensions pour les nouveaux retraités, coûteront pour leur part 1,7 milliard d’euros.

Se disant consciente que ce projet « suscite des interrogations et des craintes chez les Français », Elisabeth Borne a assuré mardi vouloir « y répondre et convaincre ». Elle promet également que cette réforme financera « exclusivement » les retraites des Français, « rien d’autre ».

Les syndicats appellent à une mobilisation le 19 janvier

Manifestation de Force ouvrière contre le projet de réforme des retraites, symbolisé par Elisabeth Borne, Emmanuel Macron et Olivier Dussopt, à Rennes, le 10 janvier 2023.

Le projet de loi, prévu dès 2020, auquel Français et syndicats sont largement opposés, avait été repoussé en raison de la crise sanitaire. Plus de deux tiers des Français (68 %) sont défavorables au report de l’âge légal, même à 64 ans, selon un sondage IFOP pour Fiducial. Mardi, dès la fin d’après-midi, les dirigeants des huit grands syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) ont appelé à une première journée de grève et de manifestation jeudi 19 janvier. Les organisations syndicales sont vent debout contre tout relèvement de l’âge légal, estimant qu’il affecterait surtout les plus modestes, qui ont commencé à travailler tôt et ont déjà leurs trimestres à 62 ans.

« Même avec des mesures positives sur les carrières longues ou la pénibilité », « il n’y aura pas de deal avec la CFDT », avait prévenu le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

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Une « grave régression sociale » pour LFI, la droite « satisfaite »

Peu après les annonces du gouvernement, les réactions politiques au projet de réforme se sont multipliées. La droite, qui avait affirmé être prête « à soutenir une réforme » des retraites, à « quelques conditions », s’est dite « satisfaite d’avoir été entendue » par le gouvernement, en ce qui concerne en particulier le rythme de report de l’âge de départ à la retraite et la revalorisation des petites pensions, a réagi mardi le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix. Le syndicat patronal Medef a salué « les décisions pragmatiques et responsables » tout en se disant « opposé au principe d’un index seniors », qui obligera les entreprises à publier la part de leurs salariés âgés.

« La réforme Macron-Borne, c’est une grave régression sociale », a réagi le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, sur Twitter. Le premier secrétaire du Parti communiste français, Fabien Roussel, a critiqué un « projet brutal de recul de l’âge de départ en retraite ». La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a fait part de sa « détermination pour faire barrage » à la réforme « injuste » des retraites présentée par la première ministre.

Le Monde

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