Réforme des retraites : 9 milliards d’euros, le vrai coût des régimes spéciaux – Le Parisien
Le 5 décembre, les cheminots, les salariés de la RATP ou d’EDF, les avocats, les fonctionnaires et même les anciens mineurs seront dans la rue pour défendre les avantages de leur régime de retraite. Car le gouvernement, qui présentera son projet de réforme des retraites début 2020, martèle qu’il souhaite un régime de retraite unique pour tous les salariés du privé et du public.
« Nous voulons faire une réforme universelle, équilibrée et sociale », insiste un proche du chef de l’Etat. Et mettre fin, donc, aux 42 régimes différents. « Vous savez, pour les financer, l’Etat verse chaque année 8 milliards d’euros de subventions », glisse un ministre influent. Un chiffre détonant! Dans le seul budget de l’Etat, la facture atteint déjà en 2009 la somme impressionnante de 7,2 milliards d’euros.
Et la facture grimpe à 9 milliards si l’on ajoute les taxes et les frais divers payés par usagers pour financer les régimes spéciaux. C’est le cas par exemple d’une partie des frais de notaires qui servent à financer les retraites des clercs et employés de notaires (313 millions par an) ou de la taxe d’acheminement de l’énergie qui sert à financer le régime spécial d’EDF et GDF.
Combler un déséquilibre démographique
Pour la plupart de ces régimes spéciaux -on ne parle ici ni des fonctionnaires, ni des militaires- le coup de pouce de l’Etat vient combler un déséquilibre démographique. L’exemple le plus frappant : celui de la SNCF, dont la subvention culmine à 3,3 milliards d’euros. Il faut dire que ce régime-là compte 140 000 cotisants pour 250 000 retraités. L’équation est impossible.
« Après, l’âge minimum de départ, de 52 ans pour les personnels roulants et de 57 ans pour les non-roulants, alourdit la dépense publique, poursuit un spécialiste. Voilà pourquoi l’Etat essaie depuis des années de remonter l’âge de départ à la retraite des agents de la SNCF. »
À la RATP, la subvention est plus modeste : 736 millions d’euros en 2019. Là encore, le déséquilibre entre les cotisants (49 000) et les pensionnés (42 000) explique en partie cette mise au pot. « Mais cela coûte d’autant plus cher pour l’Etat que les pensions des anciens salariés de la RATP s’alignent sur celles du privé, décrypte Gilles Carrez, député LR et président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Vous ajoutez à cela un départ à la retraite plus tôt que le régime général (NDLR : à 55 ans pour le personnel roulant) et cela fait gonfler la note. »
815 millions d’euros pour les marins
Plus orignal – et presque historique ! -815 millions d’euros sortent des caisses de l’Etat pour les retraites de la marine marchande et des marins employés sur des bateaux battant pavillon français. « C’est le plus ancien régime spécial de retraite, il date de Colbert, confie un haut fonctionnaire. Il permet de partir à 55 ans et leurs pensions, comme pour la fonction publique, sont calculées sur les six derniers mois. Si le gouvernement décide d’y toucher, ce serait une première historique ! »
Chaque année, l’Etat met aussi la main à la poche pour les anciens mineurs. Soit 1,1 milliard d’euros en 2019 alors que la dernière mine a fermé ses portes en 2004. « À l’époque, ces fermetures ont envoyé en retraite anticipée -parfois dès 40 ans- les dernières gueules noires de France, raconte un haut fonctionnaire. Aujourd’hui, il reste encore 242 000 pensionnés. »
Plus insolite, l’Etat débourse des millions d’euros pour financer les pensions des salariés de l’Opéra de Paris, de la Comédie française mais aussi des derniers retraités de l’ORTF, des chemins de fer des anciennes colonies ou des manufactures de tabac de la Seita.