Référendums d’annexion en Ukraine : une victoire pour Moscou, une « mascarade » pour l’Occident – Le Monde
Les autorités prorusses des régions ukrainiennes de Zaporijia, Kherson, Louhansk et Donetsk ont revendiqué, mardi 27 septembre au soir, la victoire du oui en faveur d’une annexion par la Russie, lors des référendums d’annexion organisés par Moscou et dénoncés par Kiev et ses soutiens occidentaux.
Dans une vidéo postée sur Telegram, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a assuré dans la soirée que l’Ukraine « agira pour défendre son peuple ». S’adressant, plus tôt mardi par un message enregistré, au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), il avait affirmé que Kiev ne peut pas mener de pourparlers avec Moscou après l’organisation de ces « pseudo-référendums ».
« La mise en œuvre du [même] scénario qu’en Crimée et une énième tentative d’annexer une partie du territoire ukrainien signifient que nous n’avons pas à discuter avec l’actuel président russe », a-t-il dit.
Des scores attendus
Dans les quatre régions, l’ampleur des résultats a été conforme aux attentes. C’est dans le sud du pays que les scores furent les plus « partagés ». Dans la région de Kherson, l’administration d’occupation pro-Moscou a annoncé que 87,05 % des électeurs avaient voté en faveur du oui, après le dépouillement de tous les bulletins. La commission électorale de la région de Zaporijia a affirmé que 93,11 % avaient fait le même choix.
Dans l’Est, la part de oui est encore plus importante. Les autorités d’occupation prorusses de la région de Louhansk, dans le Donbass ukrainien, ont affirmé que 98,42 % des électeurs avaient voté pour le rattachement à la Russie. Enfin, la région voisine de la « république populaire de Donetsk » affiche un score de 99,23 %.
« Bienvenue à la maison, en Russie ! », a rapidement réagi sur Telegram l’ancien président Dmitri Medvedev. « Nous nous réunissons avec notre grande patrie, avec la grande Russie », a déclaré le président de la « république populaire de Donetsk », Denis Pouchiline.
Le président russe, Vladimir Poutine, a de son côté défendu ces scrutins comme le moyen de « sauver les populations » locales, justifiant son invasion en accusant Kiev de « nazisme » et d’orchestrer un « génocide » des russophones en Ukraine. Revendiquant son emprise sur ces nouveaux territoires, Moscou a de nouveau menacé de faire usage de l’arme nucléaire. « La Russie a le droit d’utiliser des armes nucléaires si nécessaire », a dit l’ancien président et numéro deux du conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev.
Une position confirmée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a rappelé la doctrine militaire russe, qui prévoit la possibilité de telles frappes en cas d’attaque contre le territoire russe. Dans la soirée, le Pentagone a affirmé que Washington « prenait ces menaces au sérieux », sans toutefois « ajuster sa position nucléaire pour le moment ».
« Ils n’ont aucune légitimité, aucune valeur »
En visite à Kiev, la ministre des affaires étrangères française, Catherine Colonna, a affirmé sur BFM-TV ne voir « aucune sincérité » dans cette consultation organisée par Moscou : « Il s’agit d’une mascarade. » « Ils n’ont aucune légitimité, aucune valeur. Nous ne les reconnaîtrons pas, ils entraîneront des sanctions de la part de la France, de l’Europe et d’autres Etats de la communauté internationale », a-t-elle poursuivi. « L’Union européenne est en train de mener des consultations pour un huitième train de sanctions », a annoncé Mme Colonna.
A New York, les Nations unies ont renouvelé leur soutien à Kiev, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur les référendums d’annexion. « Laissez-moi répéter que les Nations unies restent totalement engagées envers la souveraineté, l’unité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, au sein de ses frontières internationalement reconnues », a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les affaires politiques, Rosemary DiCarlo.
Par la voix de son ambassadeur à l’ONU, « la Chine a pris note des dernières évolutions de la situation en Ukraine » et « notre position » est « claire et constante ; c’est-à-dire que la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectées », a déclaré Zhang Jun, alors que Pékin est accusé par les Occidentaux d’être trop conciliant avec la Russie.
Prenant la parole par message vidéo, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a demandé « un signal clair de la part de tous les pays du monde » : « Je crois en votre capacité à agir. » Dans ce sens, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a répété que de « sévères » sanctions contre la Russie seraient prises, en réaction à ces annexions, qu’il a qualifiées d’« action diabolique ».
Les Etats-Unis, avec l’Albanie, « vont mettre sur la table une résolution condamnant les simulacres de référendums, appelant les Etats membres à ne pas reconnaître tout statut modifié de l’Ukraine et obligeant la Russie à retirer ses troupes d’Ukraine », a déclaré l’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield.
Et si la Russie utilise son droit de veto « pour se protéger », « alors nous nous tournerons vers l’Assemblée générale pour envoyer un message sans ambiguïté à Moscou », a-t-elle ajouté, précisant à la presse que ce vote pourrait avoir lieu en fin de semaine ou en début de semaine prochaine.