RÉCIT. Comment Olivier Véran, débarqué de la Santé, s’est battu pour obtenir un ministère – Ouest-France

Olivier Véran est toujours au gouvernement, mais il n’est plus ministre de la Santé. Le voilà ministre délégué​, chargé des Relations avec le Parlement et de la vie démocratique. Et c’est Brigitte Bourguignon, ministre déléguée sous la tutelle d’Olivier Véran lors du gouvernement précédant, qui reprend son maroquin.

Ce jeu de chaises musicales surprend d’autant plus que l’ancien ministre de la Santé avait clairement dit, en mars, qu’il souhaitait rester à son poste. J’ai été ministre de la crise sanitaire pendant deux ans, j’aimerais bien maintenant être ministre de la Santé à temps plein​, confiait-il à l’Obs. Raté.

« Il s’est roulé par terre » pour rester au gouvernement

D’après Le Parisien, son nom ne figurait pas dans les premières versions du nouveau gouvernement Borne, et il a dû lourdement insister pour être repêché in extremis. Il s’est roulé par terre pour obtenir quelque chose​, se moque un conseiller (de Matignon ou de l’Élysée, on ne sait pas) dans les colonnes du journal. Cette petite phrase, qui fait mal et qui fait mouche, accrédite l’idée qu’Emmanuel Macron ne voulait plus de son ministre de la Santé. Mais qu’a-t-il bien pu rater pour être mis sur la touche ? Assurément pas son parcours politique, rondement mené.

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Médecin neurologue au CHU de Grenoble, Olivier Véran a fait son entrée à l’Assemblée en 2012, à l’âge de 37 ans. Il est alors suppléant de la socialiste Geneviève Fioraso, nommée ministre de l’Enseignement supérieur de Lionel Jospin juste après les législatives. Il occupe son siège jusqu’à la sortie de cette dernière du gouvernement, en 2015. Il est battu aux élections départementales (en Isère) au printemps de cette même année, mais prend sa revanche l’hiver suivant en devenant conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Avant de quitter le PS pour rallier Emmanuel Macron.

Nommé ministre de la Santé la veille de l’explosion du Covid en France

Olivier Véran fait son retour au Palais Bourbon après la victoire de ce dernier, en 2017, élu député (sur son nom cette fois) de la première circonscription de l’Isère. Actif au sein de l’hémicycle, il devient ministre de la Santé le 16 février 2020, dans des conditions très particulières. Benjamin Griveaux vient de retirer sa candidature à la mairie de Paris, l’Élysée a convaincu Agnès Buzyn de reprendre le flambeau, et le Covid-19 ne fait pas encore peur.

Ironie de l’histoire : c’est précisément la semaine qui suit la nomination d’Olivier Véran (du 17 au 21 février 2020) que se tient le grand rassemblement évangélique de Mulhouse à l’origine de la diffusion massive du virus en métropole. Le premier cas identifié dans le Grand Est date du 26 février 2020. Et tout s’enchaîne. La polémique sur les masques, les stocks d’État qui font défaut, la prise de conscience et la panique du grand public, les urgences saturées, le premier confinement et le Nous sommes en guerre ​du président de la République.

Le « scandale McKinsey », la polémique de trop ?

À peine arrivé, et jusqu’au bout du quinquennat, Olivier Véran aura vécu au rythme de la pandémie. Il est l’homme des points presse ​hebdomadaires aux côtés de Jean Castex. Celui auquel on demande des comptes sur tout ce qui manque ou pose problème. Les résidents des Ehpad privés de visites et les malades qui meurent seuls à l’hôpital. Les tests qui embouteillent, à l’automne 2020, ou la campagne de vaccination qui ne démarre pas assez vite, début 2021. L’approvisionnement en doses. Les polémiques sur les traitements inopérants et les effets secondaires des vaccins. L’instauration du passe sanitaire et la promesse (trahie) qu’il ne serait pas utilisé pour restreindre l’accès aux lieux du quotidien ​ou pour rendre la vaccination obligatoire.

Présent sur tous les fronts, surexposé médiatiquement, Olivier Véran a encaissé les coups, mangé son chapeau parfois, mais il a tenu la marée. Jusqu’au cœur de la dernière campagne présidentielle, avec le retour sur le devant de la scène du scandale McKinsey ​. La multiplication des commandes par son ministère auprès du cabinet de conseil américain depuis le début de la pandémie avait été pointée par France 2 dès le mois de mars 2021, mais le sujet est revenu en force un an après, comme subitement redécouvert ​à quelques jours du premier tour, avec l’audition du ministre par commission d’enquête ouverte par le Sénat.

Perçu « comme une menace » dans la course aux maroquins, dézingué par sa propre famille

Ce dernier épisode peut-il être à l’origine de sa disgrâce ? La version que l’Élysée a laissée filtrer affirme le contraire. S’il n’a pas gardé le poste, c’est parce qu’Olivier Véran serait associé à la pandémie dans l’esprit des Français. Et qu’Emmanuel Macron voudrait tourner la page ​sur ce sujet en ce début de nouveau quinquennat. Il faut du sang neuf à la Santé pour porter les prochaines réformes​, explique « un proche du chef de l’État » ​dans Libération . Véran n’a pas démérité. Ce n’est pas un échec. Mais il est “contaminé”.

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Le terme fait tousser dans le camp des partisans d’Olivier Véran, qui ont une tout autre lecture de la séquence. En politique, vos vrais ennemis sont toujours au sein de votre propre famille, commente un ex-collaborateur du ministre. ​Pour l’opposition, Olivier Véran est un adversaire. Pour la majorité, avec le bilan et les atouts qu’il a, c’est une menace. Beaucoup ont fait des pieds et des mains pour convaincre le Président de l’écarter…

« Ça brille moins que la Santé, mais c’est l’un des trois ministères les plus politiques »

Leurs arguments ont porté. Olivier Véran n’aurait pas dû faire partie du nouveau gouvernement. Et il s’est effectivement battu bec et ongles pour y être, en faisant adroitement valoir qu’on ne peut pas dire, d’un côté, que la crise a été bien gérée et, de l’autre, remercier celui qui l’a gérée​. Reste qu’il n’a décroché qu’un lot de consolation, en deçà de ce qu’il avait précédemment…

Vous vous trompez sur ce point, réplique le fidèle d’Olivier Véran. ​Chargé des relations avec le Parlement brille moins que la Santé, mais c’est l’un des trois ministères les plus politiques du gouvernement, avec le porte-parolat et les comptes publics. Si la Nupes est demain le premier groupe d’opposition à l’Assemblée, vous avez tout intérêt à avoir quelqu’un de solide aux manettes. À la fois techniquement, bon orateur et rompu au passage dans les médias. Et ça, c’est Olivier Véran.

RÉCIT. Comment Olivier Véran, débarqué de la Santé, s’est battu pour obtenir un ministère

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