Rapport du Sénat sur les cabinets de conseil : l’opposition dénonce un « scandale d’Etat et fiscal » – Le Monde

Gestion de la crise sanitaire, réformes des aides personnalisées au logement (APL), de la formation professionnelle, organisation de colloques : la commission d’enquête du Sénat sur le recours par l’Etat aux cabinets de conseil a dénoncé dans son rapport publié jeudi 17 mars le « phénomène tentaculaire » de leur présence dans la sphère publique.

Le rapport sénatorial se risque pour la première fois à livrer un chiffre, bien qu’imparfait : les sénateurs ont dénombré 945 missions de conseil. Le Monde, qui a enquêté parallèlement, en a recensé des centaines d’autres, arrivant à un total de près de 1 600 contrats depuis 2015, pour un montant estimé à près de 2 milliards d’euros – des chiffres probablement inférieurs à la réalité.

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Le rapport sénatorial dévoile également que le cabinet de conseil américain McKinsey & Company n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France depuis dix ans. Des révélations qui ont fait réagir plusieurs candidats à l’élection présidentielle, qui accusent le chef de l’Etat et son gouvernement d’avoir eu recours trop fréquemment à ces structures. « Emmanuel Macron doit s’expliquer », a immédiatement exigé sur Twitter la candidate LR, Valérie Pécresse : « Comment pouvait-il ne pas le savoir ? Le président sortant doit rendre des comptes », a-t-elle écrit. Et Xavier Bertrand, un de ses conseillers, d’interroger : « Comment le gouvernement a pu confier une cinquantaine de missions à un cabinet qui ne paye pas d’impôts sur les sociétés depuis dix ans ? Pourquoi n’a-t-il pas procédé à ces vérifications ? Pourquoi faut-il attendre que le Sénat s’en saisisse ? »

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« Dérive totale »

En marge d’un événement au Comité olympique français, jeudi, le candidat écologiste, Yannick Jadot, a dénoncé devant la presse « une dérive totale de la place des cabinets de conseil, y compris américains, qui sont au cœur des politiques publiques françaises », et les liens d’Emmanuel Macron avec « les lobbys ». « Décidément ce gouvernement est pris dans le pot de miel des cabinets d’experts américains et de l’évasion fiscale », a-t-il ajouté. Le président par interim du Rassemblement national, Jordan Bardella, a estimé de son côté qu’« entre [les] prestations douteuses [du cabinet], ses liens étroits avec la Macronie et son optimisation fiscale, il s’agit d’un énième scandale d’Etat ». « Copinage au plus haut sommet de l’Etat, scandaleuse optimisation fiscale : le scandale McKinsey illustre à merveille l’affaiblissement et le désarmement de l’Etat par Emmanuel Macron », a déploré pour sa part Eric Zemmour.

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Invité de Franceinfo vendredi matin, le député communiste, Fabien Roussel, a lui aussi dénoncé « un scandale d’Etat » et un « scandale fiscal ». « Je souhaite que la fraude fiscale soit au cœur de cette élection présidentielle, que l’on s’attaque à ces multinationales qui payent 4 % à 5 % d’impôt, voire zéro, comme McKinsey, alors que nos PME ou nous, simples citoyens, nous devons payer rubis sur ongle », a-t-il poursuivi, proposant « le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales ». Il reproche notamment au gouvernement d’avoir versé près de quatre millions d’euros au cabinet McKinsey pour une mission de deux ans sur la réforme des APL. Une mission qui n’empêcha pas l’apparition de bugs informatiques en série au déploiement de la réforme, au début de 2021.

La sénatrice communiste Eliane Assassi, rapporteuse de la commission sénatoriale, a, elle, estimé qu’il était « temps que l’Etat reprenne en main ses politiques publiques ». Elle a aussi dit espérer présenter « à l’automne » une proposition de loi transpartisane sur le sujet des cabinets de conseil.

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Le Monde avec AFP

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