Quelques manifestants s’échappent en rappel de l’université assiégée par la police à Hongkong – Le Monde

Cette fuite spectaculaire intervient alors que la police menace désormais d’utiliser des « balles réelles » contre les manifestants prodémocratie.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 18h27, mis à jour à 19h40

Temps de Lecture 3 min.

Des manifestants s’échappent de l’université assiégée après avoir été récupérés par des personnes à moto.

Quelques dizaines de manifestants hongkongais, retranchés dans l’Université polytechnique (PolyU) assiégée par la police, ont réussi à s’enfuir lundi 18 novembre au soir, avant que les forces de l’ordre s’en aperçoivent et barrent la route aux suivants, rapportent des journalistes présents sur place.

Les protestataires sont descendus en rappel d’une passerelle, puis ont été récupérés sur une route en contrebas par des personnes à moto. Cette fuite spectaculaire intervient alors que la police menace désormais d’utiliser des « balles réelles » face aux cocktails Molotov des manifestants prodémocratie.

« Il s’agit probablement de la chose la plus surréaliste à laquelle j’ai assisté depuis le début des manifestations à Hongkong », tweete ce journaliste indépendant sur place.

Siège total

L’occupation avait commencé dans les meilleures dispositions : excellente organisation, nourriture et eau en abondance, tapis de yoga pour dormir, personnel médical bénévole, et motivation au zénith. Mais la confiance est en chute libre à cause du siège désormais total, qui empêche tout ravitaillement, la peur d’être arrêté et les menaces d’assaut croissantes de la police antiémeute.

A l’intérieur de l’université, des protestataires étaient affalés sur des chaises, épuisés par deux jours de bataille. D’autres pleuraient, consolés par des amis. D’autres manifestants passaient des coups de téléphone à leur famille, à des amis ou à des avocats grâce au peu de batterie qu’il leur restait. Un jeune homme assis seul dans une cantine de l’établissement éclatait en sanglots devant son repas, selon le récit d’un journaliste de l’Agence France-presse.

Inquiètes face à cette situation de tension extrême, des familles d’étudiants assiégés se sont réunies lundi soir sur une passerelle piétonne proche de la PolyU, pour une veillée. Certaines personnes tenaient des affiches avec le message « Sauvez les enfants », à distance d’un cordon serré de policiers antiémeutes.

Des manifestants forment une chaîne humaine pour ravitailler en eau, parapluies et casquesles protestataires assiégés.

Cinq mois de mobilisation

La mobilisation en cours dans l’ex-colonie britannique depuis plus de cinq mois a basculé la semaine dernière dans une phase beaucoup plus radicale et violente, qui a entraîné notamment la fermeture des écoles. L’exécutif hongkongais, qui est aligné sur Pékin, s’est refusé à accéder aux revendications des manifestants. Ceux-ci demandent notamment l’avènement du suffrage universel dans la mégapole de 7,5 millions d’habitants, et une enquête sur les violences policières.

La Chine a maintes fois averti qu’elle ne tolérerait pas la dissidence, et l’inquiétude monte face à l’éventualité d’une intervention visant à mettre fin à la crise. Des soldats de l’armée chinoise, présents à Hongkong depuis la rétrocession de l’ex-colonie en 1997, sont sortis ce week-end de leur caserne pour déblayer certaines rues de leurs barricades. Une apparition rarissime, qui a encore alimenté l’hypothèse d’une opération militaire.

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L’ambassadeur de Chine au Royaume-Uni a donné lundi du crédit supplémentaire à cette option. « Le gouvernement de Hongkong fait tout son possible pour reprendre le contrôle de la situation », a déclaré Liu Xiaoming lors d’une conférence de presse. « Mais si elle devenait incontrôlable, le gouvernement central ne restera certainement pas les bras croisés. Nous avons la résolution et le pouvoir suffisants pour mettre fin aux troubles ».

Lundi soir, l’Union européenne (UE) a appelé les forces de l’ordre à une réaction « strictement proportionnée ». « Toute violence est inacceptable. (…) Et les libertés fondamentales, y compris le droit de réunion pacifique des Hongkongais, doivent être respectées », a ajouté la cheffe de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, au nom des 28 Etats membres.

A Hongkong le 18 novembre.

Aggravation de la violence

La contestation était montée d’un cran lundi dernier avec une nouvelle stratégie, baptisée « Eclore partout » (« Blossom Everywhere »), qui consiste à multiplier les actions – blocages, affrontements, vandalisme – pour éprouver au maximum les capacités de la police. Conséquence : l’immobilisation quasi générale des transports en commun la semaine dernière pendant cinq jours. Lundi, les écoles n’ont pas rouvert.

Cette stratégie a eu pour effet d’ancrer la contestation dans plusieurs lieux, comme les campus, alors que les manifestants préconisaient au cours des mois précédents d’être insaisissables et fluides « comme l’eau ».

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Cette nouvelle phase a été marquée par une aggravation de la violence dans les deux camps, comme l’ont montré les images d’un policier blessé à la jambe dimanche par une flèche tirée par un manifestant près de la PolyU. La police dit avoir tiré lundi trois balles près du campus, en précisant que personne n’avait été blessé. Les forces de l’ordre se sont servies de leur arme de service lors d’incidents isolés, sans faire de mort. Lundi,, Wu Qian, un porte-parole du ministre chinois de la défense, a estimé que « mettre fin aux violences et restaurer l’ordre est la tâche la plus urgente à Hongkong ».

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Depuis le début de l’été, la mégapole de 7,5 millions d’habitants traverse sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.

Sur la stratégie des manifestants :

Sur le terrain, ils s’inspirent de Bruce Lee – leur mode d’action est « soyez comme l’eau » – et prônent une stratégie baptisée « Eclore partout », en multipliant les actions. Mais en s’installant dans la durée, le mouvement s’est radicalisé, notamment autour des universités, devenues des places fortifiées.

Sur la réaction de la Chine :

Au cœur de la crise, la conception que la Chine se fait du concept d’« un pays, deux systèmes », en vigueur jusqu’ici. Pour le politiste Brian Fong, l’option choisie par Pékin « est de renforcer l’Etat policier, c’est-à-dire la répression, en brutalisant de manière indiscriminée les manifestants ». Et pendant ce temps, en Chine continentale, les réactions sont à sens unique, entre censure et patriotisme exacerbé ?

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