Quelles priorités pour les SI maintenant ?

Quelles priorités pour les SI maintenant ?

GreenSI ouvrait l’année avec un billet sur les repères pour les systèmes d’information en 2020.

Après ces quatre premiers mois de propagation du virus dans le monde, et une réponse dans l’urgence à la crise organisationnelle et économique qu’il provoque, on peut se poser la question de la revue des priorités. Est-ce que tout n’a pas volé en éclats ? Et maintenant qu’il faut planifier la reprise progressive des activités d’ici la fin de l’année, comment ajuster par rapport à ce que l’on prévoyait ?

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Tout le monde a compris qu’il n’y aura pas à court terme, un avant et un après. Nous sommes bien dans un nouvel environnement économique, qui va rester imprévisible et complexe (multiplication des facteurs d’influence). L’acronyme VUCA, pour “Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity”, utilisé par l’armée américaine dans les années 1980 resurgit même dans la presse d’avril pour qualifier ce nouveau paradigme. Dans cet environnement, on navigue nécessairement à vue pour s’adapter en permanence. En d’autres temps sur GreenSI, on aurait parlé d’agilité, de “test & learn” et d’amélioration continue.

On a vu les salons informatiques annulés en masse et passer à des conférences en ligne. On a vu les usages collaboratifs se développer massivement avec le télétravail (voir: La crise a fait accepter le changement !). On a même vu la digitalisation forcée se mettre en place au pas de charge, avec les outils les plus rustiques parfois dans les hôpitaux, du moment qu’ils permettaient de supprimer les contacts humains. Mais toutes ces évolutions peuvent ne pas être durables : exemple avec les certitudes sur le télétravail, qui ont été balayées en une semaine.

L’incertitude et sa capacité à y répondre, semblent être les seuls guides sur lesquels on peut finalement s’appuyer. 

En début d’année, pour GreenSI, les point fixes à l’horizon pour 2020 étaient au nombre de cinq. La crise ne les a pas fondamentalement changés puisqu’ils étaient les leviers d’une transformation digitale avec les SI qu’il va falloir accélérer. Que ce soit la gestion des talents, une nouvelle gouvernance, un SI devenu plateforme digitale, la cybersécurité ou l’intelligence artificielle (IA) et ce qu’elle suppose en terme de fondamentaux sur la maîtrise des données (data).

Mais la finalité de cette transformation dépend maintenant beaucoup de l’industrie dans laquelle on se trouve.
La crise a remis en cause des “business model” entiers, comme celui de l’aérien, des spectacles ou des centres commerciaux, qui vont devoir évoluer plus vite que ce qu’ils auraient fait sans la crise. Comme les startups, il va falloir pivoter.
C’est l’impact le plus fort pour les SI qui supportaient ces modèles, qui deviennent surdimensionnés du jour au lendemain et pas adaptés aux règles qui vont émerger. C’est par exemple ce qui arrive à tous les systèmes de réservations qui doivent dynamiquement intégrer des contraintes d’espacement.

Les attentes des clients et des citoyens ont également évolué, temporairement, mais peut-être durablement. Les industries qui en tirent un bénéfice immédiat sont en lien avec ces nouveaux besoins des clients, inquiets et masqués à partir du 11 mai. Ils devront être rapides pour saisir ces opportunités dans télécoms, les services numériques, la santé ou l’alimentaire.

Pour s’en convaincre, les GAFAs qui viennent de publier leurs résultats la semaine dernière ont montré une certaine résilience et de bons résultats. La guerre engagée pour être la prochaine plateforme mondiale de visioconférence s’inscrit également dans ce cadre. L’heure est à la conquête, au renforcement des positions pour ces acteurs, et les levées de fonds reprennent, même en France, avec l’annonce de Back Market, le spécialiste du reconditionnement des téléphones mobiles, qui lève 110 millions. La crise pourrait doper le besoin d’acheter des produits reconditionnés et garantis, plus écologiques et moins chers.

Enfin, entre les deux, les entreprises ont besoin de digitaliser leurs processus, pour les rendre plus résilients aux changements d’organisation qui vont arriver, moins dépendant de l’international pour leur logistique et privilégier les échanges d’information “sans contact” (paiements, QRcode, signature électronique, click and collect, drive,…). C’est un thème développé dans le billet “le jumeau numérique, la charnière des services essentiels“.

Dans l’urgence après la réduction des échanges internationaux, les capacités de l’impression 3D à organiser de la production décentralisée ont également été mises sous le feu des projecteurs, avec des projets comme celui de l’AP-HP. Enfin, l’impact écologique massif obtenu en réduisant les transports aura aussi marqué les esprits et appelle à la reconfiguration du fonctionnement des entreprises, du service public, mais aussi celui des villes. Une réalité de plus en plus incontournable car ce sont bien les territoires qui sont en première ligne avec les maires, les préfets et les présidents de régions dans les modalités techniques de l’organisation opérationnelle de la sécurité des français. 

Ce que la crise aura accéléré c’est certainement le rôle du DSI, pour aider les Directions Générales à mener cette transformation et repenser les organisations.

Les DSI étaient présents dans les réunions de crise avec la DG. Ils ont eu l’opportunité de montrer leurs choix éclairés d’infrastructures cloud ou d’outils collaboratifs, pour assurer à la fois la résilience des opérations et le télétravail massif. Ils ont été les référents techniques pour s’assurer que le VPN et la sécurité tiendraient, et que la continuité de service serait assurée.

A eux maintenant, pendant cette phase d’incertitude qui s’amorce, de rebondir pour montrer leur capacité à accompagner les métiers dans cette transformation accélérée des processus. Une transformation qui sera certainement frugale, dans un contexte de crise, avec peu de chance de mobiliser des moyens supplémentaires, mis à part peut-être pour la cybersécurité si elle était en retard. Leur réputation à la sortie de la crise sera alors basée sur les impacts business qu’ils auront facilités dans les prochains mois. Les challenges ne manquent pas.

GreenSI résume l’accélération de cette transformation digitale en trois challenges perceptibles dès aujourd’hui sur trois fronts:

  • la réduction des coûts
  • la digitalisation des processus, de bout en bout
  • les salariés augmentés

Coûts : La crise aura montré tout ce qui ne servait à rien, qui a été oublié dans l’urgence, et qui n’a pas impacté le business.

Si on doit faire des choix, c’est maintenant qu’il faut les réduire radicalement et redéployer ces ressources, budgétées en 2020, sur d’autres missions plus prioritaires. C’est le moyen de sauvegarder des projets qui s’inscrivent dans la trajectoire de la transformation digitale. Il faut en effet éviter de les geler en 2020, quitte à les ramener à l’essentiel, puisqu’ils ont normalement été “vendus à la DG” pour améliorer la performance, l’agilité, ou développer le CA.

Il va donc falloir réévaluer tous les projets en cours, revoir les consommations à la baisse, et faire de la maîtrise des dépenses un sujet opérationnel et non plus uniquement régalien pour contrôler les budgets.

Processus : Les chaînes logistiques (SCM) sont revenus sur le devant de la scène, là où on avait l’habitude de ne parler que de CRM.

Non le digital ne se résume pas au CRM et au marketing. Pour sécuriser les revenus il faut pouvoir délivrer le produit ou le service. La crise a montré que, chaque activité non digitalisée pouvait mettre en péril l’ensemble de la chaîne, et surtout les ventes. Et c’est le client qui donne le tempo, avec un besoin d’intégration temps réel du CRM et la Supply Chain, pour cette digitalisation des processus de bout en bout. 

Les distributeurs qui tireront leur épingle du jeu vont avoir à se battre sur ce terrain. Amazon, dont les services web (AWS) sont conçus pour supporter la perte d’un datacenter, a été contraint de traduire cette règle dans le monde physique et de supporter la fermeture de ses 6 entrepôts français suite à une décision de justice liée à la crise. Son activité est bien sûr impactée, mais Amazon continue de livrer en France depuis les pays limitrophes. Fnac Darty, qui s’appuyait sur Mondial Relay et La Poste, l’un fermé le premier jour du confinement et l’autre totalement désorganisé, a aussi dû revoir la copie de sa feuille de route logistique pour reprendre les livraisons. La barre de l’excellence de la résilience demandée à une chaîne logistique s’est élevée pendant cette crise. 

Salariés : Le plus grand changement pour les SI est peut-être du côté des salariés.

Le télétravail qui plafonnait à 6% – voire 25% – d’occasionnels va certainement devenir un mode d’organisation au-delà des 30% des effectifs pour de nombreux secteurs. L’annonce de Peugeot de le généraliser et de fermer son siège de Rueil, même si c’était certainement déjà dans les cartons depuis plusieurs mois, est un signe fort. L’enjeu est bien sûr de réduire les coûts des bureaux et des transports. Pour GreenSI, la capacité du SI à connecter ces salariés, de sécuriser les accès et de les dépanner, va donc devenir une nouvelle normalité.

Dans ce contexte, le contrôle strict du poste de travail a ses limites et peut même être contre-productif. Le VPN n’est qu’un palliatif moyenâgeux (il met des murailles et des douves autour du lien à l’entreprise) à des applications natives et sécurisées dans le Cloud by design. Limiter le VPN est certainement un objectif à moyen terme de l’évolution du SI.

Les utilisateurs vont aussi reprendre la main en partie sur leur efficacité en ligne, certes dans le cadre des règles établies, mais avec un curseur qui va se déplacer vers le fameux BYOD -Bring Your Own Device), autrefois interdit, maintenant toléré. Mais pourquoi pas encouragé ? L’accompagnement des utilisateurs à mieux tirer profit du poste informatique et des licences déjà acquises par l’entreprise remonte dans les priorités entre la DSI et la DRH, un sujet récurrent sur GreenSI.

C’est donc le bon moment pour automatiser le support utilisateurs de la DSI et déployer des agents intelligents pour assurer le dépannage, l’aide sur les outils collaboratifs, et permettre le self-service. La DSI, le compagnon intelligent de tous les employés, disponible au téléphone et sur tous les terminaux, même en télétravail ? C’est certainement une idée à creuser…

Les entreprises vont être confrontées à des challenges importants dans les prochains mois.

Les délais d’adaptation du SI vont se compter en semaines et plus en mois.

Les budgets vont être revus à la baisse, et Gartner anticipe une contraction de l’ordre de 10% de la dépense informatique. N’y-a-t-il pas de meilleure période pour montrer le rôle et la créativité d’une DSI pour accompagner l’entreprise dans sa transformation ?

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