Quelle refonte des urgences en Auvergne après les annonces ministérielles ? – La Montagne

Le délai moyen d’attente d’un patient avant la première rencontre d’un soignant aux urgences du CHU Montpied de Clermont, est de vingt et une minutes… Pas si mal. Sauf qu’ensuite, l’attente de soin peut se prolonger à six ou sept heures dans les couloirs saturés aux pics d’affluence. Et encore plus lorsqu’on ne trouve pas les lits d’hospitalisation nécessaires au désengorgement en sortie d’urgences. Il faut gérer l’afflux, le stress, de nouvelles détresses médicale ou psychologique, parfois la violence…

29 % des patients auraient pu être pris en charge en libéral

Selon la ministre de la Santé, 29 % des patients des urgences auraient pu être pris en charge en cabinet libéral.


Pour le territoire de santé auvergnat, qui bataille déjà contre ses déserts médicaux, comment va se matérialiser le Pacte de refondation des urgences présenté lundi par la ministre Agnès Buzyn ? À quoi correspondront les mesures à décliner d’ici 2022 ?

Orchestration générale

Mardi 10 septembre, au lendemain des annonces de la ministre, le docteur Jean-Yves Grall, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes, est venu en présenter l’orchestration à Clermont. Mais seulement l’orchestration générale. Pas de fléchage des financements à attendre dans la région (si ce n’est l’élargissement de la prime de 100 € à tous les personnels d’urgence de première intention, soit 245 personnes pour le seul CHU de Clermont). Ni de nouveaux projets.

Le chef du pôle des urgences du CHU de Clermont-Ferrand tire la sonnette d’alarme

Le Pacte, tout frais, reste encore à décliner. Même la forme que pourra prendre le Service d’accès aux soins (SAS) distant universel (qui devra répondre à toute heure et partout à la demande de soins à partir de 2020) est encore très floue. 

« Le Service d’accès aux soins devra regrouper la régulation des Samu et médecins libéraux. Mais la configuration est à définir dans les deux mois. À partir de ce qui existe déjà, ce sera peut-être différent d’une région à l’autre. »

Jean-Yves Grall (Directeur général de l’ARS)

L’hélicoptère estival sera pérennisé

Parmi les exemples de dispositifs qui vont dans le sens d’une meilleure prise en charge des urgences, le renforcement estival du transport héliporté devrait être pérennisé. Voire élargi. En juillet et août, l’ARS a financé à hauteur de 240.000 euros, l’affectation au Samu du Puy-de-Dôme d’un hélicoptère basé au CHU Montpied. Il s’agissait d’assurer les « transports secondaires » (transferts entre hôpitaux de patients nécessitant une prise en charge vers un plateau technique de plus haute spécificité) et des transports primaires vers Clermont, notamment pour les secteurs d’Ambert et de l’Allier (ou les hôpitaux peinent à recruter des médecins urgentistes). L’hélicoptère a assuré 30 transports primaires, 125 secondaires et 78 heures de vol. Il a permis l’économie d’un équivalent temps plein de médecin urgentiste par jour. « Au vu de ces résultats, on envisage de renouveler le dispositif l’été prochain, et même de l’étendre sur plus de deux mois », a annoncé Jean-Yves Grall.

Des communautés professionnelles territoriales de santé

De l’amont des urgences (en s’appuyant davantage sur la médecine de ville et les parcours dédiés aux personnes âgées) jusqu’à l’aval (engagements pluridisciplinaires pour fluidifier les sorties, etc.), en passant par une réflexion sur le financement et les outils des urgences, le docteur Grall a toutefois tâché d’illustrer le propos avec ce qui est déjà déployé dans la région et qui serra renforcé par ce pacte de refondation. Il a, par exemple, cité des communautés professionnelles territoriales de santé (six en région Auvergne-Rhône-Alpes dont une à Mauriac) pour lesquelles sera mis en place un outil financier.

Pas de postes, pas de lits, “pas de quoi mettre fin à la grève” pour les syndicats

« Ces mesures ne répondent en rien aux revendications des agents mobilisés depuis six mois dans les hôpitaux : pas de créations de postes et pas d’ouvertures de lits ! Donc pas d’autre alternative que d’amplifier le mouvement ! »

Pascale Guyot (Secrétaire régionale FO Santé Auvergne)

« Ce qui se passe à l’hôpital est grave. Il y a des burn-out, il va y avoir des morts, et pas seulement chez les patients dont on ne peut pas s’occuper décemment », martèle Éric Rodier, aide-soignant et délégué CGT.

Une manifestation avait eu lieu place de Jaude à Clermont-Ferrand, en mai dernier, pour alerter sur les problèmes de l’hôpital.
 

« Au CHU de Clermont, on réclame toujours des lits et des postes. À ce jour, l’absentéisme augmente et, aux urgences, nous avons six aides-soignants en arrêt. On demande le remplacement à un pour un, or ce n’est pas le cas. Le personnel est en souffrance et les patients restent sur les brancards avec un temps d’attente moyen de 7 heures », précise Éric Rodier.

Les urgences de Clermont-Ferrand en grève

Pascale Guyot s’inquiète aussi d’une « refondation » qui ouvre la porte à une privatisation de la santé « synonyme d’inégalités dans l’accès financier aux soins ». Les syndicalistes ne voient « que la déclinaison et la mise en œuvre à moyens constants, de la loi “ma santé 2022” » qu’ils combattent.

Les syndicats s’inquiètent enfin du fait que la ministre « entend s’appuyer davantage sur la médecine de ville déjà saturée ». Et élargir les compétences des professionnels non-médecins ? « Les pharmaciens, les infirmiers sont-ils aptes à juger d’une pathologie ? »

Enfin, la proposition de parcours dédiés aux personnes âgées laisse les syndicats dubitatifs sur le périmètre d’application possible. « Mme Buzyn veut qu’elles puissent être soignées hors de l’hôpital. En Ehpad ? Où la situation est chaotique. Chez un professionnel libéral ? En nombre insuffisant.  »

Anne Bourges

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