Quand Tariq Ramadan se compare au capitaine Dreyfus – Le Monde
L’islamologue, mis en examen pour viols, sort de son silence médiatique en publiant « Devoir de vérité », dans lequel il attaque les plaignantes, la justice et les médias.
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Attention, couverture trompeuse. Dans son livre à paraître le 11 septembre, Devoir de vérité (Presses du Châtelet, 288 p., 18 €), Tariq Ramadan le promet, sous la forme d’un bandeau : « Je révèle ici tout ce qu’on vous a caché. » Le feuilleton judiciaire qui a pour l’instant valu à l’islamologue suisse deux mises en examen pour « viol », « viol sur personne vulnérable » et plus de neuf mois de détention provisoire entre février et novembre 2018, à la suite de deux premières plaintes de femmes à l’automne 2017, ne devrait cependant pas connaître de nouveau chapitre avec la sortie de cet ouvrage. Après une longue cure de silence médiatique, le théologien, reçu vendredi 6 septembre sur le plateau de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFM-TV, a décidé de reprendre la parole, sans apporter de véritable révélation.
En près de 300 pages, le livre alterne entre considérations mystico-spirituelles, formules aux accents nietzschéens pour parler de l’épreuve de la prison et, surtout, attaques répétées à l’encontre d’un triptyque maléfique : les plaignantes, la justice et les médias. « Sur la route, il faut bien sûr dépasser le ressentiment et la rancœur », annonce le théologien dès les premières pages. Un conseil manifestement oublié à l’heure d’évoquer ceux qu’il juge responsables de ses déboires.
Les plaignantes ? « Des femmes jalouses ou qui se sentaient flouées ont cherché, a posteriori, à régler des comptes. » Toutes des menteuses, selon lui. « Innocent », il n’a pas de mot d’apaisement pour elles. Les juges ? Tariq Ramadan ressent immédiatement « leur hostilité profonde et affichée à [son] égard », leur « volontaire aveuglement », quand ce n’est pas le « regard fuyant » du juge des libertés et de la détention. Les médias ? « Ils me souhaitent coupable », et se livrent à un « lynchage », « avec leur instinct de vautours ».
Grand écart
Sur le fond du dossier et ses relations avec plusieurs femmes, l’auteur n’écrit rien, si ce n’est qu’il n’est « pas un violeur ». « Je ne peux rien vivre que dans la complicité », affirme-t-il. Du reste, il tente de justifier ce silence : « Ce qui relève de ma vie privée et intime ne regarde que moi, ma conscience, devant Dieu, ma famille et mes proches. Je n’ai pas à en faire l’exposé ici, par principe autant que pudeur. » Une réserve limitée au champ sexuel, car Tariq Ramadan décrit avec force détails des aspects intimes de sa détention, sa sclérose en plaques, les visites de ses proches…