« Qatargate » : Eva Kaili privée de son mandat de vice-présidente du Parlement européen – Le Monde

La députée grecque et vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, assiste à une session au Parlement à Strasbourg, le 22 novembre 2022.

La conférence des présidents de groupes du Parlement européen a décidé à l’unanimité de mettre fin au mandat de vice-présidente d’Eva Kaili, a annoncé mardi 13 décembre au matin la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Une décision actée quelques heures plus tard par un vote à la quasi-unanimité du Parlement – 625 votes favorables sur 628 exprimés –, « effective immédiatement », a précisé la présidente du Parlement européen sur Twitter.

Dimanche, l’eurodéputée grecque avait été inculpée et incarcérée pour « appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption ». Elle est soupçonnée d’avoir reçu de l’argent du Qatar pour « influencer les décisions économiques et politiques » de l’institution. Selon le parquet fédéral belge, des sommes spectaculaires ont été saisies au cours des vingt perquisitions menées jusqu’à lundi soir, dont 600 000 euros au domicile de l’un des suspects.

« Sa position est qu’elle est innocente », a déclaré à Open TV Michalis Dimitrakopoulos, un avocat la représentant en Grèce. « Elle n’a rien à voir avec les pots-de-vin du Qatar », a dit Michalis Dimitrakopoulos, sans préciser la provenance des sacs de billets découverts dans son appartement dans la capitale belge.

Exclue du parti socialiste grec (Pasok) dont elle était déjà une figure controversée, mais aussi dès lundi de son groupe politique au Parlement européen (S&D), Eva Kaili n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire car l’infraction a été constatée en flagrant délit.
Ses avoirs ont été gelés par l’Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent. Son maintien ou non en détention sera examiné mercredi par la justice belge, comme celui des trois autres personnes écrouées.

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Des proches interpellés

Francesco Giorgi, ancien assistant parlementaire de M. Panzeri et compagnon de Mme Kaili, a en effet également été interpellé, tout comme Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé italien et également membre du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) et président de l’ONG Fight Impunity, ainsi que Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (ITUC).

« Toute suggestion selon laquelle une quelconque entité, du Qatar ou d’ailleurs, aurait influencé la position de la [confédération] est entièrement fausse » a déclaré l’ITUC mardi matin dans un communiqué. Dans ce même document, M. Visentini se déclare « innocent », ajoutant que « toute forme de corruption est totalement inacceptable ».

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Le père de Mme Kaili, interpellé vendredi 9 décembre, a pour sa part été remis en liberté. Il avait été surpris alors qu’il transportait une grosse somme en liquide « dans une valise », d’après le journal belge L’Echo.

Doha dément

Après ces révélations, la présidente du Parlement européen a dénoncé avec cette affaire une « attaque » contre la démocratie. « Nous allons lancer un processus de réforme pour voir qui a accès à nos locaux, comment ces organisations, ONG et personnes sont financées, quels liens ils entretiennent avec des pays tiers, nous demanderons plus de transparence sur les réunions avec des acteurs étrangers », a promis Roberta Metsola, annonçant une « enquête interne » pour examiner tous les faits ainsi qu’une révision en profondeur des procédures de l’institution.

Un débat au Parlement européen sera consacré à cette affaire, à 16h30 (heure de Paris). A l’issue, un texte, qui devrait plaider pour plus de transparence dans les institutions européennes, sera soumis au vote jeudi. Cette résolution, notamment portée par l’eurodéputée « insoumise » Manon Aubry, « doit maintenant exiger des réformes radicales pour mettre un terme aux pratiques d’ingérence », a-t-elle précisé sur Twitter.

Doha, pour sa part, dément être impliqué dans des tentatives de corruption.

L’affaire éclate en plein Mondial de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs immigrés. Mme Kaili s’était d’ailleurs rendue début novembre au Qatar où elle avait salué, en présence du ministre du travail qatari les réformes de l’émirat dans ce secteur. L’organisation du Mondial de football par le Qatar témoigne de la « transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe », avait-elle affirmé le 22 novembre à la tribune du Parlement européen.

L’eurodéputé social-démocrate allemand René Repasi redoute, comme d’autres élus, que l’affaire Kaili ne soit qu’un début. « Je crains fort que ce que nous voyons ici ne soit que la partie émergée de l’iceberg », a-t-il déclaré, n’excluant pas que d’autres groupes politiques soient concernés. « On a besoin d’une Europe transparente, intègre, il faut agir maintenant », a estimé l’eurodéputé vert Yannick Jadot. « Dans un moment de défiance très forte vis-à-vis de la politique, cela crée un sentiment qu’il y a une élite qui s’en met plein les poches au moment où les Européens sont en souffrance », a dit l’élu français, s’inquiétant que l’affaire nourrisse le vote d’extrême droite.

Le Monde avec AFP

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