Procès Séréna : la mère de l’enfant « du coffre » condamnée à cinq ans de prison ferme en appel – Le Monde

En première instance, Rosa da Cruz, la mère du bébé caché pendant vingt-trois mois au prix d’infirmités irréversibles, avait été condamnée à cinq ans de prison, dont trois avec sursis.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 16h56, mis à jour à 17h05

Temps de Lecture 3 min.

Le 12 novembre 2018 à la cour d’assises de Tulle, Rosa Maria da Cruz et son avocate, Chrystèle Chassagne-Delpech, arrivent pour le début de son procès.

C’est une peine plus lourde qu’en première instance mais bien en deçà des réquisitions. Rosa da Cruz, la mère de Séréna, le bébé dit « du coffre », cachée, confinée et négligée pendant vingt-trois mois au prix d’infirmités aujourd’hui irréversibles, a été condamnée mercredi 16 octobre à cinq ans de prison ferme.

La peine prononcée par la cour d’assises d’appel de la Haute-Vienne, après quatre heures de délibérations, est assortie d’un suivi socio-judiciaire de six ans, avec obligation de soins. Une peine de « pas moins de dix ans » de prison avait été requise contre la mère de l’enfant. « Parce que Séréna est détruite, vous ne pouvez pas [laisser sa mère] repartir avec un blanc-seing », a lancé l’avocat général, Claude Derens, à la cour d’assises.

En novembre 2018, huit ans de prison avaient été requis devant la cour d’assises de la Corrèze contre Mme da Cruz, 51 ans. Cette dernière n’avait été condamnée qu’à cinq ans, dont trois avec sursis. Une peine « bâtarde », a regretté M. Derens, requérant aussi un suivi socio-judiciaire.

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Deux ans dans un couffin

A bientôt 8 ans, Séréna a le développement mental d’un enfant de 2-3 ans, et vivra jusqu’à sa majorité au moins entre famille d’accueil et institut spécialisé. Découverte à l’occasion d’une réparation de voiture, elle a passé presque deux ans dans un couffin, le plus souvent dans le coffre du break maternel, ou dans une pièce en travaux au rez-de-chaussée de la maison familiale, à l’insu de toute la maisonnée.

« Je suis davantage sensibilisé par l’enfant sauvage que par celui qui l’a rendu sauvage », a lancé mercredi l’avocat général, en convoquant dans son réquisitoire une référence à Victor de l’Aveyron, du film L’Enfant sauvage de François Truffaut (1970). « Est-ce que l’accusée peut oblitérer le fait qu’il y a une petite infirme définitivement emmurée dans son silence ? », a poursuivi M. Derens, pour qui l’infirmité permanente de Séréna est le résultat direct d’un « enfermement constant, organisé dans des conditions qui dépassent l’entendement », durant ses vingt-trois premiers mois.

« Cet enfermement, c’est la violence superlative », a-t-il résumé, estimant que le procès en appel, en huit jours, n’a fait apparaître « aucun signe en faveur d’une déresponsabilisation » de Mme da Cruz. Il a au contraire souligné des « stratégies d’évitement », des « dérobades », un « mode de défense » qui « se retranche derrière son impossibilité à nommer les choses ».

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« Un déni d’enfant »

Me Chrystèle Chassagne-Delpech, avocate de Rosa da Cruz, en une plaidoirie énergique d’une heure et demie, a d’emblée posé que demander l’acquittement n’était pas « nier » ou « être contre » Séréna. L’avocate, qui plaide le « déni de grossesse » — le troisième en quatre maternités — suivi d’un « déni d’enfant », concept hautement controversé au procès, a fait sien le scénario, soutenu par certains psychiatres et obstétriciens, d’une « dissociation psychique post-traumatique » de Mme da Cruz, « face à l’inacceptable ».

Une conscience « dissociée, coupée en deux ». D’où des négligences « horribles », mais aussi des « gestes automatiques » de protection – soins a minima, alimentation, suppositoires – qui ont permis la survie de l’enfant. « Sans cette dissociation, elle aurait vraisemblablement tué Séréna ». « Ce serait tellement plus facile si on savait qu’elle était maltraitante avec ses autres enfants ! » de 16, 15 et 10 ans, décrits par tous comme parfaitement élevés. « On se diraitelle est perverse. Or, elle en est loin. C’est donc qu’il s’est passé quelque chose… »

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« Quel est l’intérêt de la société à la laisser en prison ? », s’est-elle enfin demandé. « Elle a déjà été punie », et « n’aura jamais assez de sa vie pour se pardonner de ce qu’elle à fait », même si « elle n’est pas en mesure de l’expliquer ».

« Si vous la condamnez, vous devez avoir la certitude que c’est une femme abjecte qui a privé volontairement Séréna de soins (…) mais alors, si c’est un monstre, pourquoi dix ans ? Il faut plus ! », a-t-elle lancé, affirmant que rendre à Rosa da Cruz « sa liberté, ses enfants et ce qui lui reste de son honneur », ce n’est « pas trahir Séréna ». Enfin, l’avocate a assuré les jurés qu’ils pouvaient « changer les choses » sur le déni de grossesse, encore objet d’« un vide psychiatrique », d’« un vide juridique ».

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