Procès du 13-Novembre : pourquoi Salah Abdeslam a été condamné à la perpétuité incompressible – Le Monde
Salah Abdeslam aura capté toute la lumière au cours de ces dix mois d’audience. Et c’est sans grande surprise sur lui que la foudre s’est abattue le jour du verdict : des quatorze accusés qui comparaissaient au procès des attentats du 13-Novembre, il est le seul à avoir été condamné, mercredi 29 juin, à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, qui rend infime tout espoir de libération.
En prononçant la peine maximale prévue par le code pénal, la justice a signifié son inflexibilité face aux responsables du terrorisme djihadiste qui a endeuillé la France depuis 2015. Si la cour s’est montrée plus clémente que les réquisitions pour dix accusés, elle a été implacable à l’encontre du premier d’entre eux.
Elle a même été plus loin que le ministère public concernant deux têtes pensantes des attentats, présumées mortes en Syrie et jugées en absence : Jean-Michel et Fabien Clain, les auteurs des messages de revendication, contre lesquels avait été requise la perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans, ont eux aussi, comme Salah Abdeslam, été condamnés à la perpétuité réelle.
Mais derrière cette peine hautement symbolique prononcée à l’issue d’un procès pour l’histoire se cache un paradoxe : en droit, Salah Abdeslam n’a pas été condamné à la peine maximale pour l’assassinat terroriste de 130 personnes. S’il encourait la perpétuité réelle, c’est au regard d’une infraction de droit commun : la tentative de meurtres contre des policiers commise par trois de ses complices au Bataclan.
« Une scène unique de crime »
Au moment des attentats du 13-Novembre, les crimes terroristes contre des civils étaient « seulement » passibles de la perpétuité assortie d’une sûreté de vingt-deux ans. Quand la perpétuité réelle a été introduite dans le code pénal en 1994, elle visait uniquement les auteurs de meurtre avec viol, torture ou acte de barbarie sur des mineurs. Elle a ensuite été étendue, en 2011, aux meurtres ou tentatives sur personne dépositaire de l’autorité publique (policiers, magistrats…) avant de l’être, en juin 2016, aux crimes terroristes.
La loi n’étant pas rétroactive, la perpétuité réelle ne s’appliquait pas aux assassinats terroristes de civils commis le 13-Novembre. Si cette peine a été prononcée contre Salah Abdeslam, c’est uniquement en raison des tentatives de meurtres contre des policiers commis au Bataclan.
Pourtant Salah Abdeslam n’a jamais été au Bataclan. Mais le seul survivant des commandos est considéré comme « coauteur » de l’ensemble des crimes commis cette nuit-là, la cour estimant « que les différentes cibles visées le 13-Novembre 2015 doivent être analysées comme une scène unique de crime », a expliqué le président Jean-Louis Périès.
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