Procès du 13 Novembre, jour 12 : les 17 terribles minutes de la revendication vidéo des attentats – France Inter

Après les autopsies des victimes jeudi et leur témoignages mardi, la cour se penche sur les analyses liées aux auteurs des attaques : analyses génétiques, fabrication des gilets explosifs et les glaçantes revendications des attentats du 13 novembre 2015.

L'État islamique utilise des logiciels professionnels de montage vidéo, de retouche d'images pour produire des contenus de grande qualité", a détaillé un enquêteur.
L’État islamique utilise des logiciels professionnels de montage vidéo, de retouche d’images pour produire des contenus de grande qualité”, a détaillé un enquêteur. © Radio France / Valentin Pasquier

Les éléments livrés à l’ouverture de l’audience sont arides. Ce qu’ils racontent n’en est pas moins terrible. À la barre, l’expert Bruno Vanlerbergue, chef du pôle explosif du laboratoire central de la préfecture de police de Paris. Il a pour mission d’éclairer la cour sur la fabrication des gilets explosifs, ces pièces de facture artisanale dont étaient équipés les kamikazes du Stade de France, des terrasses et de la salle de concert du Bataclan le 13 novembre 2015. 

“Tout le monde n’est peut-être pas expert en gilets explosifs”, entame-t-il. “Donc je vous propose de vous donner les grands principes de fabrication.” De grands principes assez simples finalement, puisqu’ils reposent sur cinq éléments à peine : “Un déclencheur, un système électrique, l’initiateur, une charge explosive, et une enveloppe”, nous décrit Bruno Vanlerbergue. 

“Fabriquer du TATP dans sa cuisine”

En guise de charge explosive pour les attentats, la marque de fabrique de l’organisation terroriste État islamique, le triperoxyde de triacétone, plus connu sous le nom de TATP. Cet explosif est aussi instable que facile à fabriquer : “Hélas, déplore l’expert à la barre, il y a beaucoup de manuels disponibles sur Internet, des ouvrages dont je ne citerai pas les noms ici.” “Non, non, non”, insiste le président. 

On apprend tout de même qu’il suffit de trois ingrédients pour fabriquer du TATP. En l’occurrence “de l’eau oxygénée, de l’acétone et un acide : de l’acide chlorhydrique, sulfurique voire fabriqué avec du jus de citron, de l’acide citrique”. On apprend aussi qu’il y a “quand même des gens qui n’ont rien d’autres à faire que de fabriquer du TATP le mercredi dans leur cuisine“. On apprend encore que, dans un but mortifère, les gilets explosifs ont été bourrés d’écrous : “450 écrous sur la charge ventrale, 250 sur la charge dorsale. Soit 700 écrous pour un poids d’environ 3,6 kilos par gilet explosif.” 

Derrière ces chiffres, ces ingrédients assez communs, on le sait, il y a un mort – Manuel Dias tué dans l’explosion d’un des kamikazes du Stade de France – des blessés graves – au Stade de France également mais aussi au Comptoir Voltaire. C’est terrifiant. Ce n’est rien à côté de ce qui va suivre. 

La Cour face aux explications de Bruno Vanlerbergue.
La Cour face aux explications de Bruno Vanlerbergue. © Radio France / Valentin Pasquier

Au cœur de la propagande de l’État islamique

Car après l’habituelle suspension de l’après-midi, celle où, sur les marches du palais de justice, se partagent un café, une cigarette, des moments d’humanité, au retour dans la salle d’audience donc, on retrouve un enquêteur. Il est anonyme, témoigne sous son matricule SDAT 99. Mais on le connaît déjà pour l’avoir écouté, de longues heures durant, sur la présentation générale de l’enquête sur ces attentats du 13 novembre 2015. 

L’État islamique utilise des logiciels professionnels de montage vidéo, de retouche d’images pour produire des contenus de grande qualité.

Cette fois-ci, c’est de la revendication des attentats du 13 novembre 2015 qu’il est question. Des revendications plutôt. Car l’État islamique n’est pas avare de communication sur le sujet : “Il prête un souci fondamental à sa propagande”, explique l’enquêteur en préambule. “Il en est fini avec l’Etat islamique le temps des cassettes VHS et des vidéos filmées rapidement dans les montagnes de Tora Bora. L’Etat islamique utilise des logiciels professionnels de montage vidéo, de retouche d’images pour produire des contenus de grande qualité.”

Et on ne va pas tarder à le découvrir par nous-mêmes. Après les avertissements devenus habituels à l’égard des parties civiles dans la salle et à l’écoute de la webradio, l’enquêteur fait diffuser la revendication audio, puis vidéo des attentats par l’Etat islamique. 17 minutes de propagande djihadiste. 17 minutes de commentaires du type “au plus vous combattez l’islam, au plus l’Etat islamique vous combattra”. 17 minutes d’images des futurs membres des commandos du Stade de France, des terrasses et du Bataclan, dans le désert syrien, sur le point d’égorger des otages en tenue orange. 

17 minutes

Les scènes d’égorgement ont, elles, été coupées au montage par l’enquêteur. 17 minutes d’anasheeds, ces chants guerriers djihadistes, entonnés par Jean-Michel Clain dont le frère Fabien lit ensuite le communiqué officiel de revendication. 17 minutes d’appel à tuer “tous les kouffars, de leur écraser la tête avec une pierre, de les écraser avec votre voiture”. 17 minutes d’un message récurrent – “tuez-les où que vous les rencontriez” – message dont le graphisme est identique au logo présent sur “les albums de rap américain car c’est une obligation légale”, décrypte l’enquêteur de la SDAT à la barre. “La vidéo reprend aussi les codes des jeux vidéos, du cinéma, des séries.” 

17 minutes d’une vidéo “qui a nécessité plusieurs dizaines voir centaines d’heures de travail avec des logiciels professionnels. Les personnes filmées sont bien cadrées, la lumière est bonne, le son aussi grâce à des micro-cravate” poursuit encore l’enquêteur. 17 minutes de revendication qui a entend “délivrer un message précis : celui que l’Etat islamique est un état doté d’une armée de combattants, capable de frapper l’ennemi quand il le décide, au nez et à la barbe des services de renseignements, avec des scènes filmées des mois auparavant”. 17 minutes d’une salle d’audience figée, tétanisée. La salle qui, à la 18e minute, enfin, pousse un long soupir collectif. 

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