Procès des attentats du 13-Novembre : « Lève-toi, sinon je te tire une balle dans la tête ! » Le récit du face-à-face entre un rescapé et un terroriste du Bataclan – 20 Minutes

À la cour d’assises spécialement composée de Paris

Dans les témoignages des rescapés, ils étaient jusque-là des « silhouettes en survêtement blanc », « des crânes chauves » aperçus furtivement, des sourires sadiques ou « des robots inhumains sans expression ». Parfois nommés, parfois à peine évoqués, les trois terroristes du Bataclan hantent depuis plusieurs semaines le récit des survivants qui défilent à la barre au procès des attentats du 13-Novembre.

Ce soir-là, Guillaume a quant à lui plongé son regard dans celui du djihadiste Samy Amimour. Face à la cour, le jeune homme aux traits fins et à la chevelure brune lâche d’emblée : « Je suis celui que le terroriste tenait en joue sur la scène et j’ai été sauvé in extremis. » Entendu ce mardi après-midi, Guillaume a livré le récit de son face-à-face glaçant avec l’un des auteurs de la tuerie.

« Sans eux, je ne serai probablement pas ici »

Dès ses premiers mots, et avec un flegme qui ne le quittera pas pendant toute sa déposition, Guillaume tient à saluer l’intervention des policiers de la BAC, arrivés douze minutes après le début de l’attentat. « Sans eux, je ne serai probablement pas ici. » Lorsque le chaos démarre, le jeune homme de 21 ans se trouve à gauche de la scène, dans la fosse. Dans un coin, il aperçoit un « amas de chaises et de cartons » sous lequel il tente de se réfugier. Lorsque deux des trois terroristes montent au balcon qui surplombe la salle, Guillaume – comme beaucoup de spectateurs – y voit l’occasion de fuir. « Sauf que j’entends des bruits de pas sur un escalier en bois. Je vois le troisième terroriste, qui se révélera être Samy Amimour », raconte-t-il d’une voix posée. Leurs regards se croisent alors. « Un regard chargé », expliquera Guillaume, dans lequel il comprend que le djihadiste « ne le tuera pas ». « Ou du moins pas maintenant. »

Sommé de se lever et de le suivre sur la scène, Guillaume reste figé une seconde. Une attitude qui « excite » le terroriste : « Il est devenu plus strict, et m’a dit : “Lève-toi, sinon je te tire une balle dans la tête”. » Jusque-là, l’étudiant est parvenu à se préserver du carnage qui se déroule depuis de longues minutes dans la salle de concert. « Je me retrouve sur le côté de la scène, les bras en l’air et c’est à ce moment-là que je vois l’étendue des dégâts », glisse-t-il pudiquement.

L’attitude « calme » et « détendue » d’Amimour marque profondément Guillaume : « Il avait une démarche assez nonchalante et sa manière de tenir l’arme m’a particulièrement marqué. Il la tenait par la crosse et la balançait comme s’il tenait un jouet. » Sur la scène, le djihadiste assène des ordres confus à son otage : « Il me demande d’aller relever une vieille personne accroupie dans la fosse et qui regardait dans notre direction. Il me dit “Aide ce fils de pute à se relever et on va voir s’il est mort”. (…) Il semblait lui-même improviser sur la façon dont j’allais être utilisé ».

Une « rencontre fondamentale »

A l’entrée de la salle, deux hommes, un commissaire de la BAC et son équipier brigadier sont en passe de faire basculer l’attentat. Postés à une trentaine de mètres de la scène, les deux policiers aperçoivent Guillaume, tenu en joue par Amimour. Guillaume a avancé « en marchant, presque résigné, les mains sur la tête et il a commencé à s’agenouiller », a raconté le commissaire lors de son audition le 22 septembre dernier. Un récit complété ce mardi par l’étudiant : « Je vois deux ombres au fond de la salle. J’ai assez vite compris qu’il s’agissait de policiers mais je ne pourrais pas vous expliquer pourquoi. J’ai vu un éclat sortir d’un pistolet (…) les tirs étaient orientés vers le terroriste. » Touché par les forces de l’ordre, Samy Amimour s’effondre. Guillaume, lui, en profite pour fuir une bonne fois pour toutes.

Dans sa course, il ressent le « souffle » d’une « grande explosion » au niveau de ses jambes. Le gilet explosif du terroriste vient de se déclencher, les murs de la salle de concert tremblent. Guillaume pense à une grenade, jetée depuis le balcon par les complices d’Amimour. Le commissaire de la BAC imagine que Guillaume n’a pas survécu à l’explosion. Mais une semaine après l’attaque, le fonctionnaire parvient à contacter le jeune homme. Une « rencontre fondamentale » pour le rescapé, qui n’a bénéficié d’aucun suivi psychologique. « Ça m’a beaucoup aidé. Il a été un sauveur pendant l’attentat mais après aussi. »

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