Procès des attentats du 13-Novembre : Au premier jour, les provocations de Salah Abdeslam – 20 Minutes

A Paris, à la cour d’assises spécialement composée,

Il est apparu en dernier dans le box des accusés, tout de noir vêtu, les cheveux gominés, sa barbe fournie dissimulée sous son masque, noir lui aussi. Dès les premières minutes du procès, Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des commandos du 13 novembre 2015, s’est distingué des treize autres accusés présents. « Je tiens à témoigner qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allah et que Mohamed est son serviteur et son messager », a-t-il déclaré, d’une voix calme, presque monocorde, alors que le président de la cour d’assises spéciale, Jean-Louis Periès, l’interrogeait sur son identité, ainsi que le veut la procédure pénale.

Impassible, le magistrat poursuit. Nom des parents ? « Les noms de mon père et de ma mère n’ont rien à faire dans cette salle », lâche-t-il. Profession ? « J’ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l’État islamique », clame l’accusé. « J’avais noté intérimaire », lui rétorque le président. Adresse ? « Aucune ». En quelques instants, le détenu le plus surveillé de France a donné le ton de ce que sera probablement sa défense au cours de ces neuf mois d’audience. Et ce alors que cette journée n’était pas consacrée au fond du dossier mais au vertigineux appel des parties civiles.

Quelques heures plus tard, alors qu’un de ses co-accusés fait un malaise, Salah Abdeslam s’illustre à nouveau, apostrophant violemment le président sur leurs conditions de détention. « Dangereux ou pas, on est des hommes, des êtres humains », hurle-t-il depuis le box. Et d’ajouter : « Ça fait six ans que je suis traité comme un chien, je l’accepte parce que je sais qu’après la mort, je serai ressuscité. » Cette fois, le magistrat l’invite fermement à se rasseoir.

« On s’attendait à cette attitude-là »

L’attitude de Salah Abdeslam, aussi provocatrice soit-elle, n’est pas une surprise. Il n’a coopéré avec la justice qu’une seule fois, après son arrestation en Belgique, en mars 2016. Il a, depuis, toujours gardé le silence, même pendant son procès en février 2018 à Bruxelles pour une fusillade. Il avait alors refusé de se lever, de décliner son identité ou de s’expliquer sur les faits, affirmant seulement placer sa « confiance en Allah ». « On s’attendait à cette attitude-là, on s’y préparait même, confie Arthur Dénouveaux, le président de l’association de victimes Life for Paris. Ce que je retiens, ce n’est pas son attitude, c’est celle du président, qui met tout en œuvre pour que ce procès se tienne le plus normalement possible. »

Le magistrat a en effet redit sa volonté de mener ce procès, certes « hors-norme » et « historique », comme n’importe quel autre. « Si l’on se réfère à l’essence même d’un procès criminel, ce qui importe, c’est justement le respect de la norme, en clair l’application de la procédure pénale et des droits de chacun », a-t-il insisté. Or, dans n’importe quel procès, les accusés ont le droit de s’exprimer, de répondre aux questions ou de garder le silence.

« Faire le mariole »

Sur les bancs des parties civiles, rares sont ceux à réagir à l’attitude d’Abdeslam. Il a voulu « faire le mariole », lâche Thierry en sortant de la grande salle d’audience construite pour l’événement. L’homme, féru de rock, se trouvait au Bataclan le soir du 13 novembre 2015. S’il compte venir régulièrement pendant le procès, il n’en attend pas grand-chose. Ni réponse, ni même une étape pour reprendre le cours de sa vie. « Je suis passé à autre chose, mais on me le rappelle tout le temps, confie celui qui s’est caché ce soir-là dans une loge pendant plusieurs heures. Je vivrais toujours avec, je fais toujours des cauchemars. »

Mohamed Amghar, lui, a été grièvement blessé au Stade de France alors qu’il assurait la sécurité du match France-Allemagne. Ce qui frappe l’ancien vigile, ce mercredi, c’est le visage de Salah Abdeslam. Pâle, presque serein, convaincu de ses outrances. « Il dit des choses mais on a l’impression qu’il ne se rend pas compte de ce que cela signifie. Je n’ai pas de haine, mais de la pitié pour lui », confie-t-il. Reste une question : cette attitude pourrait-elle pousser certaines parties civiles à ne pas témoigner ? Thierry comme Mohamed, eux, répondront présents. Comme 300 autres parties civiles.

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