Procès Charlie : les caricatures de Charb font rire l’audience, jusqu’aux accusés – Sud Ouest

Ils étaient “joyeux”, “humanistes”, “curieux”: les proches des dessinateurs Cabu, Charb et Honoré, assassinés dans l’attaque contre Charlie Hebdo, ont esquissé les portraits de journalistes “engagés” et “épris de liberté”, jeudi au procès des attentats de janvier 2015.

“Ils pouvaient tout écrire, tout dessiner, tout dire. C’est cette liberté-là qu’ont voulu détruire les terroristes et leurs complices”, lance d’une voix ferme Véronique Cabut devant la cour d’assises spéciale de Paris, qui juge 14 accusés soupçonnés de soutien logistique aux auteurs des attentats.

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Mais “les terroristes ont perdu, Charlie Hebdo est vivant, Charlie Hebdo est là !”, tonne Véronique Cabut. Le 7 janvier 2015, son mari, Jean Cabut de son vrai nom, a été abattu par les frères Chérif et Saïd Kouachi dans les locaux du journal qu’il avait contribué à relancer en 1992, au côté de neuf autres personnes, dont les caricaturistes Charb, Tignous, Honoré et Wolinski.

En trois jours, les attentats contre Charlie Hebdo, des policiers et l’Hyper Cacher ont fait 17 morts et semé l’effroi en France et dans le monde. Qui étaient ces dessinateurs “morts pour leurs idées” ? Leurs veuve, fille, mère ou compagne ont raconté à la barre leur passion commune du dessin et leurs engagements partagés: “la liberté”, l’antimilitarisme, l’antiracisme, la défense des plus précaires.

“Mon père n’a pas vécu pour rien”

La violence de l’attaque est “tellement opposée à ce qu’était mon père, un homme doux et heureux”, témoigne Hélène Honoré, la fille unique du dessinateur assassiné à l’âge de 73 ans. Émue au moment de “redonner vie à (son) père”, la jeune femme à la silhouette élancée, les cheveux noués en queue-de-cheval, raconte Philippe Honoré, cet “autodidacte” érudit qui se battait pour “le droit pour tous à une vie digne”.

Avec douceur, elle explique penser souvent à ce que son père “aurait dit aux frères Kouachi” s’il en avait eu le temps. “Il leur aurait parlé calmement, leur aurait proposé de s’asseoir, et leur aurait parlé de dessin, leur aurait posé des questions sur leur enfance”.

“Je sais que ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est la violence la plus extrême, la plus brutale. Personne ne pourra jamais me dire pourquoi mon père est mort mais moi je sais qu’il n’a pas vécu pour rien”, lâche Hélène Honoré.

Modèle de jeunes dessinateurs

“Travailleur acharné”, le “joyeux” Cabu avait un penchant pour les gâteaux et une grande passion pour Charles Trénet, le jazz et la musique baroque, se souvient sa veuve Véronique. “Sa vie, c’était le dessin”. À 15 ans, l’auteur des personnages du Grand Duduche et du Beauf—un mot entré plus tard dans le dictionnaire—croquait déjà le conseil municipal de sa ville natale, Châlons-en-Champagne.

Cabu, c’est aussi le modèle de générations de jeunes dessinateurs, dont Stéphane Charbonnier dit Charb, l’ancien directeur de la rédaction de Charlie Hebdo. “Il l’admirait, il l’écoutait dans les émissions de Dorothée, il voulait dessiner comme lui”, relate sa mère, Denise Charbonnier. Comme son modèle, Charb “a toujours dessiné”, dès l’école maternelle, et faisait rire ses camarades de classe, poursuit-elle, drapée dans une écharpe rouge.

Il “dessinait toujours”, même quand il a commencé à être menacé, après l’incendie qui a détruit l’ancien siège de l’hebdomadaire satirique en novembre 2011. Le journal avait déménagé à l’été 2014, et “la sécurité s’était un peu relâchée”, juge Denise Charbonnier, qui s’en était ouverte après les attentats au président de l’époque, François Hollande.

Rires de l’audience

“Il m’a répondu ‘vous savez, il y aurait eu une voiture de police devant, ça n’aurait pas changé grand chose’. C’est la seule réponse que j’ai eue alors je suis passée” à autre chose, relève Denise Charbonnier.

“Il me manque énormément, c’est une plaie ouverte qui ne se refermera jamais”, dit-elle d’une petite voix, avant de faire projeter par la cour quelques caricatures de Charb étrillant les fanatismes, le capitalisme et certains dirigeants politiques.

Alors un bref moment, dans la salle d’audience, sourires et rigolades essuient les larmes. Dans leurs box vitrés, tous les accusés ont les yeux braqués sur le grand écran. Certains étouffent même un rire sous leur masque.

“Je sais que ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est la violence la plus extrême, la plus brutale. Personne ne pourra jamais me dire pourquoi mon père est mort mais moi je sais qu’il n’a pas vécu pour rien”, lâche Hélène Honoré.

“Je sais que ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est la violence la plus extrême, la plus brutale. Personne ne pourra jamais me dire pourquoi mon père est mort mais moi je sais qu’il n’a pas vécu pour rien”, lâche Hélène Honoré.

“Je sais que ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est la violence la plus extrême, la plus brutale. Personne ne pourra jamais me dire pourquoi mon père est mort mais moi je sais qu’il n’a pas vécu pour rien”, lâche Hélène Honoré.

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