Procès Charlie Hebdo: atteint par deux balles, le survivant Simon Fieschi raconte les séquelles “à vie” – BFMTV

Le 7 janvier 2015, une balle de kalachnikov touchait la colonne vertébrale de Simon Fieschi webmaster de Charlie Hebdo. Depuis, il vit avec de lourdes conséquences physiques et psychiques.

“Je ne peux plus faire de doigt d’honneur, mais parfois ça me démange.” Au sixième jour du procès des attentats de janvier 2015, Simon Fieschi, le webmaster de Charlie Hebdo gravement blessé par les frères Kouachi, a présenté à la cour d’assises spéciale les lourdes conséquences physiques et psychiques d’une arme de guerre. Motricité, douleur neuropathique, phénomène de dissociation… Appuyé d’une béquille, le survivant des attentats a listé les séquelles d’une kalachnikov aux onze individus présents dans le box, dont la plupart sont accusés d’avoir armé les terroristes.

Un champ de vision à la diagonale

A la différence de ses “camarades”, Simon Fieschi, entré dans le journal en 2012, ne peut pas donner tous les détails de cette matinée du 7 janvier 2015, lors de laquelle deux terroristes ont fait irruption dans la rédaction. Il est le premier touché par les balles des frères Kouachi:

“Je me souviens de la porte qui s’ouvre violemment, d’une déflagration. Je me souviens de voir mon champ de vision se mettre à la diagonale. Je me souviens d’entendre ‘Allahou Akbar’, ‘on ne tue pas les femmes’ et je vois passer les deux hommes cagoulés”, se remémore-t-il, d’une voix douce.

Simon Fieschi ferme les yeux, ce qu’il lui a “peut-être sauvé la vie”. Il les entrouvre à l’arrivée des secours pour tenter de savoir ce qu’il s’est passé, si les autres vont bien. “C’est impossible d’estimer le temps qui passe dans ces moments.’ A terre, la seule vision est celle d’une “traînée de sang” dont il ne comprend “pas encore vraiment le sens.”

Arrivé à l’hôpital, le trentenaire est immédiatement placé en coma artificiel. Il ne se réveillera qu’une semaine plus tard. Après l’attentat de l’Hyper Cacher, l’assaut à Dammartin-en-Goële et la marche républicaine du 11 janvier.

Les douleurs “ne disparaissent jamais”

S’en suivent plus de huit mois d’hospitalisation complète, plusieurs années en hôpital de jour et encore de nombreuses heures de rééducation. Deux balles ont touché Simon Fieschi ce jour-là. La première est entrée par le cou et sortie par l’omoplate gauche. Dans sa course, elle a touché la colonne vertébrale. “Je suis venu vous raconter l’effet d’une balle de kalachnikov”, poursuit-il à la barre.

“Je suis tiraillé au moment de témoigner. Je n’ai aucune envie d’offrir ma douleur, en même temps je n’ai aucune envie de cacher les conséquences de leurs actes. Je vais essayer de naviguer entre les deux.”

Le webmaster du journal satirique expose ensuite à la cour les maux avec lesquels il doit vivre aujourd’hui. “Ma taille a diminué de sept centimètres”, “j’ai perdu en motricité des mains”. Mais aussi des douleurs sensorielles: “les nerfs continuent d’envoyer un signal douloureux même quand la balle a disparu. On vit avec des douleurs qui ne disparaissent jamais.” Et enfin psychiques, par le biais du phénomène de dissociation: “tous les souvenirs sont là mais avec une forme de voile.”

Un survivant plus qu’un rescapé

Cinq ans et demi après les attentats, Simon Fieschi préfère voir le verre à moitié vide qu’à moitié plein. “Certains jours ça marche, d’autre ça ne marche pas.” Tout en reconnaissant son statut de victime, il ne se reconnaît pas dans celui de rescapé:

“J’entends que nous sommes des rescapés, c’est un mot qui me fait drôle. Comme si on avait échappé à ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas ce sentiment personnellement. Aucun d’entre nous n’a échappé à ce qu’il s’est passé. Je me considère plus volontiers comme un survivant.”

Une fois le procès terminé, tient-il à souligner, lui et ses “camarades” continueront de vivre avec les conséquences de ce 7 janvier. “Cette balle ne m’a pas raté, mais elle ne m’a pas eu.” Interrogé en début d’audition par le président sur la possibilité de témoigner assis, Simon Fieschi lui avait répondu: “Je tiens à témoigner debout, merci”.

Esther Paolini Journaliste BFMTV

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