Procès Bygmalion : six mois ferme requis contre Nicolas Sarkozy – Le Monde

Nicolas Sarkozy au tribunal correctionnel de Paris, le 15 juin 2021.

Une peine d’un an de prison, dont six mois avec sursis, et 3 750 euros d’amende ont été requis, jeudi 17 juin, à l’encontre de Nicolas Sarkozy, jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012. Des peines allant de dix-huit mois à quatre ans de prison avec sursis ont été requises à l’encontre des treize coprévenus jugés au côté de l’ancien chef de l’Etat.

« Nicolas Sarkozy ne regrette visiblement rien puisqu’il n’est venu qu’à une seule audience », a soutenu la procureure, Vanessa Perrée, en dénonçant « la totale désinvolture » de l’ancien président. « Ce comportement de ne pas se considérer comme un justiciable comme un autre, comme un citoyen parmi les citoyens, est à l’avenant de ce qu’il a été lors de cette campagne présidentielle, se situant hors de la mêlée », a-t-elle poursuivi d’un ton vif. « Cette désinvolture vis-à-vis [des autres prévenus] et du tribunal est à l’image de la désinvolture dans sa campagne », a -t-elle insisté.

En mars, Nicolas Sarkozy était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme (trois ans dont un ferme), pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».

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La campagne de Nicolas Sarkozy a été marquée par une « improvisation et une impréparation totale », a déclaré Mme Perrée lors de son réquisitoire. La procureure a aussi ironisé sur ces « professionnels de la politique » qui ignoraient tout du coût de meetings électoraux :

« Nicolas Sarkozy a dit : Qui peut oser dire que ma campagne a dérapé ? C’est une farce ! Mais c’est une farce de nous faire croire que ces personnes-là ne surveillaient rien. C’est une farce que de les voir se retrancher derrière leur absence de compétence. »

« Il y a quatorze prévenus et presque autant de versions. Ces multiples versions et leur impossible combinaison montrent qu’il y a nécessairement des mensonges », a affirmé, de son côté, le procureur Nicolas Baietto. Malgré les notes d’alerte sur le risque de dépassement du coût de la campagne, dès le 7 mars 2012, « Nicolas Sarkozy veut un meeting par jour » et dès lors, « vogue la galère ! », a ironisé le procureur. Pour eux, la culpabilité des ex-dirigeants de Bygmalion, qui organisait les meetings, et de sa filiale chargée de l’événementiel, Event & Cie, ainsi que des ex-cadres de l’UMP, ne fait « aucun doute ».

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Des moyens « bien supérieurs » à ceux que la loi autorisait

Tout au long des débats, les anciens cadres de l’UMP (devenue Les Républicains) et de Bygmalion, le directeur de campagne et les experts-comptables ont tous cherché à minimiser leur rôle, voire à le nier.

Seuls quatre des quatorze prévenus (trois ex-cadres de Bygmalion et l’ancien directeur de campagne adjoint du président-candidat, Jérôme Lavrilleux) ont reconnu partiellement leur responsabilité dans la mise en place d’un système de fausses factures imaginé pour masquer l’explosion des dépenses de campagne du président candidat à sa réélection. Les procureurs ont demandé trois ans de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour M. Lavrilleux. Contre les trois ex-cadres de Bygmalion qui ont admis avoir accepté la mise en place du système de fausses factures, dix-huit mois de prison avec sursis ont été requis.

La peine la plus lourde (quatre ans d’emprisonnement avec sursis) a été requise à l’encontre d’Eric Cesari, ex-directeur général de l’UMP, et de Guillaume Lambert, qui était le directeur de la campagne en 2012.

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Révélé deux ans après la défaite de M. Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations en série à droite. L’enquête a révélé que le prix réel des 44 meetings organisés par l’agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit – 80 % des factures ont disparu – et le reste réglé par l’UMP au nom de conventions fictives du parti.

L’enquête « n’a pas établi » que Nicolas Sarkozy l’aurait « ordonné », qu’il y aurait « participé », ni même qu’il en aurait été informé, selon l’accusation. Par contre, il en a « incontestablement » bénéficié, disposant ainsi de « moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait ». Le plafond légal a été dépassé de 22 millions d’euros.

Une argumentation vigoureusement contestée par le chef de l’Etat pendant ses quatre heures d’interrogatoire. Il n’y a eu « aucun emballement » de la campagne, qui ressemblait « comme une sœur » à celle de 2007, voire à celle de son opposant au second tour, François Hollande, a martelé à la barre M. Sarkozy. Comment la campagne de 2012 aurait-elle alors pu « coûter le double », a-t-il scandé. « Invraisemblable ! »

L’ancien patron de l’UMP, Jean-François Copé, entendu comme simple témoin dans le procès, a fustigé jeudi sur France Inter la « stratégie de défense intenable » de Nicolas Sarkozy et son incapacité à « assumer » ses actes.

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Le Monde

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