Pris à partie au Salon de l’agriculture, Macron promet de recevoir un groupe de « gilets jaunes » – Le Monde
Le président de la République, Emmanuel Macron, a promis, samedi 22 février, de recevoir un groupe de « gilets jaunes » à l’Elysée, après un vif échange avec une femme se réclamant du mouvement lors du Salon de l’agriculture, à Paris. « Vous ne recevez pas les “gilets jaunes” », a ainsi lancé au chef de l’Etat cette contrôleuse de gestion dans la finance. Elle a précisé avoir participé aux soixante-sept samedis de mobilisation depuis novembre 2018.
« Vous me structurez un groupe et je vous reçois sans problème, moi je suis pour le dialogue. On se prend une heure et on discute », lui a répondu M. Macron qui, tout au long de cette crise, n’a jamais reçu de groupe de « gilets jaunes ». « Il faut que tout le monde retrouve la raison », a-t-il poursuivi, son interlocutrice estimant, elle, que ça allait « mal finir ».
Des gens « extraordinairement agressifs »
« Ça fait soixante-sept samedis que je suis mobilisée, j’ai vu tomber des amis, je me prends des grenades de désencerclement, je vis la guerre tous les samedis », a fait valoir cette femme au président de la République. « C’est parce qu’il y a des gens qui sont devenus extraordinairement agressifs », lui a-t-il rétorqué, proposant « d’arrêter de sortir manifester comme ça ».
Apostrophé sur les violences policières, M. Macron a souligné que « personne ne s’engageait dans les forces de l’ordre pour être agressif ». « Dans les zones urbaines, c’est très tendu, il faut se mettre à la place des policiers », a-t-il plaidé. « Je ne crois pas qu’il y ait tant de monde que ça dans la rue. Parfois aussi, vous êtes en colère sur des choses qui ne sont pas vraies », a-t-il encore commenté.
Concernant les retraites, Emmanuel Macron a défendu sa réforme et s’est dit prêt à « faire un grand débat » sur la question. Quant au référendum d’initiative citoyenne (RIC), une des revendications phares des « gilets jaunes », le chef de l’Etat a rappelé qu’il n’y avait « jamais été favorable », mais qu’il souhaitait en revanche que l’on abaisse le seuil du référendum d’initiative partagée déjà en place. Pour cela, « il faut changer la Constitution et ce n’est pas moi tout seul qui peux le faire », a-t-il insisté.
Quelques instants après cet échange, Eric Drouet, l’une des figures du mouvement des « gilets jaunes » – dont il a annoncé son retrait fin janvier –, a été interpellé, sans avoir réussi à approcher le président. Il a été placé en garde à vue pour rébellion, selon une source judiciaire. Le préfet avait, en effet, pris un arrêté d’interdiction de manifester pour les « gilets jaunes » dans certains lieux, dont le Salon de l’agriculture.
« On est dans une transformation historique »
Entre les vaches et les stands viticoles, Emmanuel Macron a par ailleurs cherché à rassurer les professionnels inquiets, samedi. « On attend des messages forts » : à peine arrivé le matin, le président de la République a été abordé par des représentants de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, et des Jeunes Agriculteurs. « Nous attendons de vivre du prix de nos produits. On ne cesse d’être stigmatisés », lui a lancé l’un d’eux, un autre évoquant « la colère du monde agricole ». « Rien ne doit justifier des actions contre nos paysans, rien. Et je serai intraitable sur le sujet », a assuré le chef de l’Etat.
Un agriculteur l’a remercié de n’avoir « rien lâché hier soir ». La veille, le chef de l’Etat était à Bruxelles, où se négociait le budget de l’Union européenne pour la période 2021-2027. Il est revenu sans accord sur le maintien de l’enveloppe de la PAC dont il a fait sa priorité, car les Vingt-Sept n’ont pas pu s’entendre. « La PAC ne peut pas être la variable d’ajustement du Brexit », a martelé devant les agriculteurs le président, alors que l’équilibre de la profession repose largement sur les neuf milliards d’aides européennes que touche la France.
Auprès de viticulteurs touchés par des sanctions douanières punitives des Etats-Unis et qui réclament 300 millions d’euros de compensations pour couvrir le manque à gagner sur leurs exportations outre-Atlantique, le chef de l’Etat s’est engagé à « porter la demande d’un fonds de compensation auprès de l’Union européenne » et à « faire en sorte que d’ici le printemps ce fonds de compensation puisse se mettre en place », a déclaré Jérôme Despey, viticulteur et secrétaire général de la FNSEA, après l’entretien de la profession avec M. Macron.
Sujet d’actualité brûlant pour les agriculteurs, le président a été interpellé sur les zones de non-traitement (ZNT) aux pesticides près des habitations, effectives depuis le 1er janvier et contestées par nombre de producteurs, qui craignent une perte de revenus. Il a suggéré que les bandes de terres agricoles non cultivées en raison des interdictions d’épandage puissent à l’avenir être « valorisées », promettant un accompagnement financier, et s’est engagé à assurer une « sécurité juridique » pour que les prochains semis se fassent « dans un cadre apaisé » :
« Il nous faut une agriculture forte parce que les Français veulent savoir ce qu’ils mangent. On est dans une transformation historique. (…) Il y a de l’impatience d’une partie de la société française (…). Mon rôle est de réconcilier tout ça. »
Interpellé aussi sur les retraites des agriculteurs, il a jugé « impossible » de revaloriser les pensions actuelles à 85 % du smic, une mesure prévue dans le futur système mais qui coûterait trop cher à appliquer aux producteurs déjà à la retraite.
Réforme de la PAC, usage des pesticides, bien-être animal…, l’Europe va devoir favoriser une alimentation saine qui tienne compte des exigences des consommateurs.