Présidentielle 2022: Mélenchon fait-il moins peur qu’en 2017? – Le HuffPost

Sylvain Lefevre via Getty Images
Mélenchon fait-il moins peur qu’en 2017? (photo prise le 5 avril 2022 à Lille)

POLITIQUE – Comme une tortue sagace dans un jeu de quilles. En dynamique dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon peut viser le “trou de souris” qu’il évoquait fin 2021, pour se qualifier au second tour de l’élection présidentielle. Si l’hypothèse reste très incertaine au vu de l’avance d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, et des rapports de force actuellement mesurés dans les différentes enquêtes d’opinion, le candidat de la France insoumise revient de loin. 

Crédité de 9% d’intentions de vote en février dernier, le député des Bouches-du-Rhône est aujourd’hui donné entre 16 et 17%, à trois jours du premier tour, comme vous pouvez le voir dans notre compilateur de sondages ci-dessous. Une dynamique de dernière minute comme un écho à sa remontada spectaculaire de 2017.

Plus largement, c’est toute la campagne de l’Insoumis, sa dernière, qui ressemble à la précédente: un démarrage avant les autres, un programme dense, des innovations technologiques et autres grands-messes en plein air. Mais à une exception: Jean-Luc Mélenchon semble susciter moins de crispation sur sa personne ou son projet qu’il y a cinq ans, alors que les attaques qui le visent viennent davantage de ses concurrents de gauche que de ses rivaux de droite.

L’une des premières explications à cela est sans doute électorale. Emmanuel Macron est occupé à cibler son adversaire directe, Marine Le Pen, et pilonne le “tandem d’extrême-droite” qu’elle forme avec Eric Zemmour. La candidate du Rassemblement national, plus proche que jamais de l’Elysée, toujours à en croire les sondages, rend de son côté la pareille, en concentrant ses flèches dans la direction du président-candidat.

“Le projet délirant du Chavez français”

Ce n’est pas tout. Si ce contexte permet au leader Insoumis de passer entre les gouttes, il cache, malgré tout, une forme de normalisation ou de banalisation. En témoigne par exemple le changement de ton d’une partie de la presse française à son égard entre 2017 et 2022.

Il y a cinq ans, Le Figaro consacrait une large partie de sa Une du 12 avril -vingt jours avant le premier tour- à une analyse du “projet délirant du Chavez français”. L’Insoumis y est dépeint en “apôtre des dictateurs révolutionnaires sud-américains” sur trois pages.

Quelques heures avant, le quotidien publiait un édito assassin intitulé “Maximilien Ilitch Mélenchon”, pour Maximilien Robespierre et Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine. “Il faut craindre que la France ruinée de monsieur Mélenchon ne se résolve bien vite à devoir importer du fromage et du vin…”, s’inquiétait l’auteur du texte en parlant d’un projet “grossièrement démagogique”. 

Une salve de critiques relayées sur le terrain politique par les candidats Macron ou Fillon, le premier ciblant le projet “dangereux” du “révolutionnaire communiste”. Dans ce même esprit de mesure, le patron du Mouvement des entreprises (Médef) de l’époque, Pierre Gattaz, estimait dans les colonnes du Parisien que voter Mélenchon (comme Hamon ou Le Pen), “c’est ruine, désespoir et désolation, pauvreté généralisée.” Il ajoutait, au sujet de l’Insoumis: s’il est élu, “on en prend pour quinze ou vingt ans” avec à la clef “l’appauvrissement des Français.”

Force est de constater que ces tirs de barrages sont bien moins nourris cinq ans plus tard. A titre de comparaison, le successeur de Pierre Gattaz à la tête du Médef, Geoffroy Roux de Bézieux, n’a pas hésité à tresser quelques -menus- lauriers au candidat de 70 ans sur le plateau de France 2 en février dernier, en estimant qu’il est “prêt à gouverner.” “Qu’est-ce qui va se passer si vous êtes élu? Ça ne va pas être le chaos comme certains le disent (…) vous allez faire le bonheur des industriels allemands et italiens”, a fait alors valoir le responsable du principal syndicat patronal, avec un peu plus de nuance que son prédécesseur.

Le sparadrap international

Reste, malgré tout, une limite à ce changement de ton: les sujets internationaux. Comme en 2017, Jean-Luc Mélenchon est pointé du doigt pour ses positions diplomatiques à contre-courant de la majorité des candidats. Il y a cinq ans, ses adversaires lui reprochaient de vouloir rejoindre l’alliance bolivarienne pour les peuples (ALBA). Une organisation politique et économique créée en 2004 par Hugo Chávez et Fidel Castro en Amérique latine, et qui comptait alors l’Iran… et la Russie comme pays observateurs. Un point qui ne figure plus aussi clairement dans la version 2022 de “l’Avenir en Commun.” 

Désormais, à l’heure de la guerre en Ukraine, Jean-Luc Mélenchon est rattrapé par ses anciennes déclarations à l’égard de la Russie et contre l’Otan. Ce n’est pas un hasard si Yannick Jadot ou Anne Hidalgo ne ratent pas une occasion politique ou médiatique de fustiger sa “complaisance” passée, disent-ils, avec Vladimir Poutine. 

La candidate socialiste ira même jusqu’à qualifier Jean-Luc Mélenchon “d’agent” qui a “servi les intérêts de Poutine plutôt que ceux de la France, en essayant d’atténuer ce que le régime russe préparait contre l’Europe”, dans les colonnes de l’Express fin février. Même angle d’attaque pour le chef de file écolo. Yannick Jadot a fustigé les “tribuns dont les contorsions actuelles dissimulent mal leur abandon des Ukrainiens”, lors de son meeting au Zénith de Paris le 27 mars, sans nommer le député LFI. 

Acerbes, ces critiques ne semblent pas rebuter, pour autant, les partisans du vote utile, ces militants qui changent de bord à la dernière minute. Ni les personnalités qui s’engagent en faveur du leader des insoumis, bien plus nombreuses qu’il y a cinq ans. Jean-Luc Mélenchon peut ainsi compter sur le soutien de l’ancien journaliste et animaliste Aymeric Caron ou l’appui, récent, de 70 militants EELV et cadres du petit parti Générations.

Question “people”, 2000 artistes ont signé un appel, le 4 avril dernier, à glisser le bulletin de l’Union populaire dans les urnes. Parmi eux: Blanche Gardin, Annie Dupérey ou Bruno Solo.

Même l’un des plus gros streamers français, “RebeuDeter”, Billal Hakkar de son vrai nom, s’est déclaré en faveur de “Mélenchon à 1000%” sur les réseaux sociaux ce jeudi 7 avril. Un engagement particulièrement rare au sein de cette communauté, d’habitude bien peu encline à se mêler de politique. Et le signe, là aussi, de cette forme de respectabilité acquise par le candidat.

À voir également sur Le HuffPost: Ces électeurs de Jean-Luc Mélenchon assistent à leur premier meeting (et à leur premier hologramme)

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