Préfecture de Paris : la piste terroriste – Libération

Ils étaient loin d’imaginer l’horreur qui allait survenir à la mi-journée, lorsque Mickaël Harpon s’est saisi de son couteau pour tuer quatre personnes, et en blesser grièvement une cinquième. Mais dès jeudi matin, les collègues les plus immédiats de l’informaticien de 45 ans ont tiqué devant son attitude «confuse» et «agitée». Il ne ressemblait alors plus à l’homme «calme» et «affable» que la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) a longtemps connu.

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Paroles incohérentes

Vendredi soir, après de longs échanges avec son homologue parisien, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a décidé de se saisir de la suite des investigations, offrant ainsi une coloration au dossier. Plusieurs éléments ont pesé en ce sens. D’abord, l’achat par Mickaël Harpon, le matin de la tuerie, d’une lame en céramique de 33 centimètres, scellant la préméditation de son acte. En outre, le natif de Fort-de-France (Martinique) a adressé un dernier SMS à sa femme, auquel cette dernière a répondu par une allusion à Dieu. Enfin, Harpon se serait converti à l’islam il y a bien plus que dix-huit mois, dans une relative discrétion, car ce choix était inconnu de certains de ses supérieurs, qui assurent n’avoir jamais décelé chez lui une quelconque radicalité. «Il est absolument vertigineux de découvrir aujourd’hui l’ensemble de ces éléments. Mais s’il s’avère que Mickaël Harpon a élaboré son acte au contact de réseaux terroristes, et que la DRPP, en son sein, n’a rien vu venir, on est face à un très, très gros problème…» euphémisait, vendredi soir, une source sécuritaire haut placée. Autrement dit, il va planer au-dessus de l’enquête, qui ne fait que commencer, un climat de très haute tension.

Malgré tout, de nombreuses sources maintenaient leurs appels à «la plus grande prudence» vendredi. «Notre lucidité de policier nous amène à n’exclure strictement aucune hypothèse», a notamment déclaré, devant les médias, le préfet de police de Paris, Didier Lallement. «Les investigations sont extrêmement difficiles à mener, car le profil de Mickaël Harpon demeure insaisissable, avertit un policier spécialisé. Nous recueillons d’une heure à l’autre des témoignages parfaitement contradictoires. L’imbrication entre les troubles psychiatriques et la propagande jihadiste est parfois spectaculaire. Qui travaille sérieusement sur ces sujets se rappelle évidemment de la personnalité également très volatile du tueur de la promenade des Anglais, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel [86 morts et 458 blessés le 14 juillet 2016, ndlr]

«Criblage» de sa vie privée

Placée en garde à vue, la femme de Mickaël Harpon a en effet relaté «le comportement inhabituel» de son compagnon la nuit précédant la tuerie. En proie semble-t-il à des accès délirants, le Martiniquais aurait proféré une longue litanie de paroles incohérentes entre 3 heures et 4 heures du matin. Avec, parfois, selon au moins un témoin, des références explicites à Dieu. Ces derniers mois, Mickaël Harpon pratiquait sa foi à la mosquée de Gonesse (Val-d’Oise). Il s’y rendait régulièrement le matin, habillé d’un vêtement religieux, avant de gagner son bureau sur l’île de la Cité. Mais là encore, rien ne trahissait dans son attitude un endoctrinement jihadiste.

Dès jeudi, les policiers se sont lancés dans l’analyse de son répertoire téléphonique. Selon nos informations, plusieurs numéros s’y trouvant conduiraient à des personnes impliquées dans la mouvance salafiste. En sus, les enquêteurs décryptaient ses appareils numériques, l’informaticien ayant pu masquer ou chiffrer de la documentation jihadiste. En revanche, la perquisition menée au domicile du couple n’a révélé ni arme ni serment d’allégeance. A la préfecture de police, où il travaillait depuis 2003, il était adjoint administratif de catégorie C. Pour obtenir ce poste «habilité secret-défense», il avait dû se soumettre à un «criblage» de sa vie privée, censé garantir la probité requise pour avoir accès à des données sensibles. Selon le préfet de police, Didier Lallement, «il était en règle avec les obligations inhérentes à ce type d’habilitation».

Willy Le Devin

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