PProcès du 13-Novembre: un enquêteur intervenu au Bataclan raconte l'”horreur” lors de sa progression dans… – BFMTV

Un enquêteur de la brigade criminelle est revenu, ce vendredi, sur le travail minutieux réalisé lors des constatations après l’attaque du Bataclan le 13 novembre 2015.

“Toute la hantise qui m’a guidée pendant ces constatations a été de passer à côté d’une victime blessée qui se serait mise dans un trou de souris par instinct de survie. C’est quelque chose qui m’a oppressé. Nous avons fouillé vraiment tout ce qu’on a pu.”

Patrick, un enquêteur de la brigade criminelle présent est revenu, tout au long de la journée d’audience ce vendredi, sur le long et minutieux travail que lui et la cinquantaine d’enquêteurs ont dû réaliser le soir du 13 novembre 2015 au Bataclan, quelques heures après l’attaque.

Ce travail, qui n’était pas d’identifier les victimes mais “de donner des éléments plausibles d’identification”, précise le policier comme pour répondre aux nombreux messages reçus cette nuit-là lui demandant si ‘”untel ou untel” avait été retrouvé. Leur tâche est aussi de relever tous les éléments et indices relatifs à l’attaque. Ce 13 novembre 2015, Patrick arrive ainsi avec ses enquêteurs à 23 heures, mais ils ne pénètrent dans le Bataclan qu’à 5 heures du matin. Entre temps, ils procèdent aux premières constatations sur les victimes regroupées dans un hôpital de fortune transformé en chapelle ardente dans la cour d’un immeuble au 26 rue Oberkampf.

“La sidération”

Dans un propos “précis, concis, rigoureux, digne et humain”, comme l’ont qualifié à la fois la cour d’assises mais aussi les avocats et les parties civiles, l’enquêteur au crâne rasé et au regard bleu limpide évoque un travail proche de celui réalisé lors d’un crash d’avion. Il décrit “une scène large, une dissémination importante des corps, des traces et des indices”. Ce vendredi devant la cour d’assises, le policier prévient d’emblée que la difficulté sera pour lui de relater “un événement tellement particulier, hors norme”.

“Nous sommes habitués à ces scènes dans les journaux du soir mais dans d’autres pays, d’autres tirs..”, souffle l’enquêteur, pourtant rompu aux scènes de crime depuis 20 ans. Il n’y a pas d’autre mot que la sidération.”

Les yeux rougis, Patrick décrit “l’indescriptible”: “l’ambiance saisissante, lugubre, froide, la grande lumière blanche qui rend l’ambiance blafarde et le nombre de corps”. “Des corps, des corps, des corps, on a jamais vu ça, on a jamais vu ça”, confie-t-il, évoquant à son tour les téléphones qui vibrent, qui sonnent. “Bonne chance vous allez être dans l’horreur pendant des heures”, lui avait d’ailleurs glissé un collègue de la BRI, qui vient de participer à l’assaut dans la salle de spectacle.

Un travail zone par zone

Zone par zone, les policiers vont ratisser le Bataclan. Le policier débute par la zone J, la loge des artistes où les otages ont été rassemblés par les terroristes. les constatations sur cette zone dureront 8 heures. Y sont retrouvés une arme, des chargeurs, dont deux scotchés tête bêche “pour gagner du temps” au moment de réarmer l’arme, une multitude d’écrous provenant des ceintures explosives. Le corps d’une victime est découvert dans cette zone. Dans la salle d’audience ce vendredi, les parties civiles, des rescapés ou des proches de victimes, écoutent attentivement l’enquêteur. Certaines ont déjà quitté la salle face à l’horreur relatée par ce témoignage.

À travers le récit de l’enquêteur, plan de chaque zone à l’appui, la cour d’assises est transportée dans ce Bataclan ensanglanté. Les escaliers qui redescendent de cette loge, qui mène soit vers la sortie, soit vers la fosse, et la scène où est retrouvée une partie du corps de l’un des terroristes et des “chaussures pointure 42, les lacets encore noués”. En déclenchant sa ceinture explosive, l’un des terroristes a créé “un petit cratère” dans la scène. L’enquêteur évoque ensuite le balcon où est retrouvé un écrou dans le mur qui “illustre la puissance de l’explosion”. Dans une autre loge, le policier revient sur les résidus de laine de verre provenant du plafond que les spectateurs ont tenté de retirer pour chercher à fuir.

“Le côté brusque de la barbarie”

La fosse a été découpée en trois zones par les policiers. “C’est la zone la plus ensanglantée, la plus macabre”, souffle le policier, plein d’empathie envers les proches des victimes. Au total, 69 personnes ont été tuées dans la fosse et au niveau du bar de la salle de spectacle. “Pour nous, ça fait écho à ce qu’il s’est passé à Charlie Hebdo, les victimes ont trouvé la mort en même temps et les corps sont tombés les uns sur les autres”, précise-t-il de manière rigoureuse. L’enquêteur relate l’état des corps, des corps abîmés par des munitions 7.62 provoquant des “plaies très très délabrantes”.

S’appuyant sur une reconstitution en 3D de l’intérieur du Bataclan, l’enquêteur a ensuite resitué où son tombées les victimes. Un point bleu représentant chaque victime. Pour chaque point, le policier cite le nom, un par un, des 90 victimes. Une énumération faite dans un silence total. “Le fait de voir avec un plan permet d’avoir une dimension différente, pour moi c’était important de savoir où mon fils est mort et savoir qu’il n’était pas seul”, confie à BFMTV.com Stéphane Sarrade, qui a perdu son fils au Bataclan.

C’est à l’occasion de cette déposition que l’enregistrement sonore de l’attaque du Bataclan a été diffusé. La cour, figée, a écouté 22 secondes de cet enregistrement de 2h38 retrouvé dans un dictaphone retrouvé dans la loge des artistes. “Cette séquence est juste indicative du côté brusque de la barbarie à cet instant”, insiste le policier. L’analyse de cette bande son a permis de déterminer que les terroristes ont tiré à 238 reprises en rafale et au coup par coup. Le policier qui a d’ailleurs souhaité balayer la rumeur qui évoquait que des victimes avaient été tuées au couteau. “Toutes les blessures sont des blessures balistiques”, a conclu l’enquêteur souhaitant aux parties civiles “énormément de courage pour la suite de ce procès”.

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