Pourquoi Macron est accueilli par une grève générale à La Réunion, fief des gilets jaunes en outre-mer – BFMTV.COM
Une grève générale pour accueillir le chef de l’Etat. Pour la première visite d‘Emmanuel Macron en tant que président à La Réunion, l’ensemble des syndicats de la péninsule ont lancé un appel à la mobilisation pour jeudi. “La venue du président est une occasion unique pour exprimer tous ensemble notre colère face aux multiples régressions sociales”, prévient ainsi la CGT Finances publiques dans un communiqué.
“Nous entendons ainsi alerter sur la situation sociale de La Réunion, l’absence de réponse à la hauteur des enjeux en matière d’emplois, salaires, retraites, vie chère, logement, services publics, indemnisation-chômage… Et sur le fait que les politiques menées aggraveront encore davantage les difficultés sociales de la population”, ont-ils indiqué.
Une cote de popularité en berne
Face aux difficultés de la vie courante, La Réunion a été le seul territoire d’outre-mer à connaître le mouvement des gilets jaunes pour dénoncer la crise sociale aigüe qui touche la péninsule. Dans ce territoire de plus de 850.000 habitants, 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le taux de chômage atteint 24%, et même 42% chez les jeunes.
De plus, le coût de la vie pour un budget moyen de ménage réunionnais, est de 7,1% plus élevé à La Réunion que dans l’Hexagone, selon l’Insee, alors que le revenu médian réunionnais est inférieur de 30% au niveau national. Après une inflation record en 2018 (+1,8%), les prix augmentent toujours en 2019 (+0,6% depuis le début de l’année).
Alors, un an après le début des blocages organisés par les gilets jaunes, la cote de popularité d’Emmanuel peine toujours à se redresser avec seulement 23% d’opinions positives sur l’île selon un sondage réalisé pour Le Journal de l’île de La Réunion – contre 34% en métropole.
Macron “n’entend pas la voix des pauvres”
“On comptait nos sous avant les ‘gilets jaunes’, on les compte encore plus maintenant”, s’agace Kévin, qui participait au mouvement il y un an. Emmanuel Macron “n’entend pas la voix des pauvres”, déplore Patrice Ellama, président du Secours catholique dans l’île. “A La Réunion, il y a ceux qui sont précaires tout en ayant un travail. La pauvreté s’est étendue aux actifs”, constate-t-il.
Pour Victor, un gilet jaune de Saint-Denis, ce gouvernement “s’est surtout démarqué par ses actions de communication, mais derrière ça il n’y a rien de concret”. “C’est pour ça qu’aujourd’hui le combat des gilets jaunes s’est un peu déplacé”, analyse-t-il. “Ce n’est plus seulement le pouvoir d’achat qui nous préoccupe, c’est celui du respect même de la démocratie” affirme-t-il.
Emmanuel Macron le reconnaît: “La Réunion a été bousculée par des conflits sociaux très importants”, et le problème de “la vie chère reste essentiel”, a-t-il accordé mardi soir lors d’une conférence de presse à Mayotte. “La situation n’est pas facile, il y a un doute qui s’est installé sur l’action publique au sens large. Là aussi, nous avons un engagement, des réponses et une action. Mais parfois les choses prennent du temps et il faut l’accepter”.
Mais avec peu d’alliés sur l’île, en raison notamment des difficultés du parti présidentiel à se structurer et de l’absence d’élu de poids étiqueté LaREM, Emmanuel Macron à du mal à convaincre. “Jamais un président n’est arrivé aussi isolé politiquement dans l’île”, écrit Le Journal de l’île de la Réunion. “Il exprime une notable faiblesse de son assise (politique, électorale) à La Réunion”, explique au journal Ivan Combeau, historien-politologue à l’Université de La Réunion.
Un forum économique “Choose La Réunion”
Malgré les obstacles, l’Etat tente d’apporter des réponses avec la mise en place d’un dispositif “Choose La Réunion”, un forum économique en présence d’une cinquantaine de grands investisseurs français et étrangers, destiné à renforcer l’attractivité du territoire et “projeter les acteurs économiques réunionnais” vers les régions voisines, l’Afrique australe et le sous-continent indien. “Ce type de forum permet de mettre en relation chefs d’entreprises, investisseurs et acteurs publics pour promouvoir les atouts de l’île avec des projets concrets qui y seront annoncés”, précise l’Elysée.
Au cours de son séjour, qui s’achèvera vendredi, le président, accompagné notamment par les ministres de l’Economie, du Travail et de l’Agriculture, devrait rencontrer jeudi des demandeurs d’emploi dans une mission locale de Saint-Paul, s’entretenir avec des participants aux nouvelles “représentations citoyennes” mises en place après la crise des gilets jaunes, et pique-niquer avec des représentants des filières de la production agricole locale à Petite-île (sud). “J’aurai des messages très forts sur l’agriculture et l’emploi”, a promis le chef de l’Etat.
Ce déplacement intervient juste après une brève escale mercredi matin aux îles Glorieuses, un petit archipel de 7 km des îles Eparses, présumées riches en hydrocarbures, administrées par la France et revendiquées par Madagascar.