Pourquoi la 5G commercialisée en 2020 ne tiendra pas toutes ses promesses

Pourquoi la 5G commercialisée en 2020 ne tiendra pas toutes ses promesses

A l’automne, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, se voulait déjà clair sur le sujet : les opérateurs seront marqués à la culotte concernant le discours commercial qu’ils tiendront sur la première version de la 5G qu’ils déploient aujourd’hui. Et d’annoncer le lancement d’un observatoire dédié, destiné à rendre compte de l’avancée des déploiements des réseaux mobiles de nouvelle génération.

Si la première mouture de cet observatoire n’a pas encore été communiquée, elle pourrait se révéler assez sévère pour les opérateurs, notamment sur la qualité des services de nouvelle génération qu’ils commencent tout juste à commercialiser auprès du grand public et des professionnels. Alors que la 5G promet une multiplication très conséquente des débits observés sur les appareils compatibles, n’espérez pas en profiter tout de suite.

La raison ? Si les quatre grands opérateurs se sont récemment partagés à grand frais les fréquences de la bande des 3,5 GHz, aussi baptisée la “bande reine” de la 5G en raison de ses caractéristiques alliant portée et montée en débit, le déploiement de sites mobiles fonctionnant sur cette bande n’en sont qu’à leurs prémices. Selon les dernières données livrées par l’ANFR, le nombre de sites mobile autorisés sur la bande cœur de la 5G apparaît même dérisoire, du moins pour le moment.

Source : ANFR.

Alors que 15 901 sites estampillés 5G étaient d’ores et déjà autorisés par le gendarme des fréquences au 1er décembre dernier, la plupart d’entre eux s’appuient sur des bandes de fréquences dites “basses” et “moyennes” (et plus particulièrement les bandes des 700 MHz et des 2,1 GHz), qu’exploitent déjà les opérateurs pour leurs réseaux 3G et 4G. Dans les faits, seuls 1 000 sites mobiles fonctionnant sur la bande des 3,5 GHz, la seule bande à être exclusivement dédiée à la nouvelle génération de technologie mobile, étaient autorisés par l’ANFR au début du mois.

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Des opérateurs prudents… ou pas

Si la situation devrait évoluer au cours des prochains mois, elle en dit long sur le flou qui règne aujourd’hui dans le discours des opérateurs. Du côté de Bouygues Telecom et d’Orange, l’heure est à une relative franchise : pour espérer profiter de toutes les promesses de la 5G, il faudra s’armer de patience. Illustration chez Bouygues Telecom, dont la direction a déjà fait savoir que son cœur de réseau 5G n’arrivera qu’avec l’amorce d’une seconde phase de déploiement, qui « débutera vers 2023 ».

Même son de cloche de cloche du côté d’Orange. « La 5G ne va pas atteindre de gros volumes cet hiver, parce que le réseau ne sera tout simplement pas équipé », relevait récemment le PDG d’Orange, Stéphane Richard. Et de préciser que l’opérateur historique se concentrera d’abord sur la mise à niveau 5G, d’une part, de ses 24 000 sites 4G répartis sur le territoire, avant de construire de nouvelles antennes dédiées à la 5G. L’heure est donc à la patience pour les opérateurs, qui conviennent pour le moment que la 5G n’en est qu’à ses prémices.

Pour autant, tous les opérateurs ne tiennent pas le même discours. Exemple chez Free, qui a dévoilé hier la commercialisation de ses premiers forfaits 5G, en misant sur l’illimité et des prix cassés pour faire valoir ses offres face à la concurrence. Alors qu’une très grande partie de son réseau 5G s’appuie pour l’heure sur la bande des 700 MHz, l’opérateur joue sur ce flou et n’hésite pas à affirmer que 40 % de la population est d’ores et déjà couverte en 5G.

Or, comme le rappelle l’Arcep, cette bande, libérée en 2019 au profit des opérateurs, ne garantit pas la montée en débit tant attendue, car elle est principalement axée sur la couverture du territoire (avec un périmètre de couverture estimé à 5 km, contre 1 km pour la bande des 3,5 GHz).

La 5G autonome, ce n’est pas pour demain

Pour l’heure, il semble donc que les opérateurs favorisent surtout le déploiement d’un réseau 5G non autonome, c’est-à-dire basé sur des bandes de fréquences à la portée importante mais aux débits limités, déjà exploitée par les opérateurs pour leurs réseaux de quatrième génération. Objectif : rendre la 5G disponible largement sur le territoire, quitte à ce que celle-ci ne tienne pas dès le départ ses promesses en termes de démultiplication des débits.

Source : Arcep

Pour la 5G autonome, il faudra donc encore s’armer de patience afin de profiter de performances dignes de ce nom. D’autant que si les fréquences de la bande des 3,5 GHz viennent d’être attribuées, ce n’est pas le cas des fréquences des 26 GHz, dites “millimétriques”, qui mettent vraiment l’accent sur la puissance, au prix d’une portée limitée – à environ 500 mètres en moyenne. Sur cette bande, « les enchères ne sont pas encore prévues et ne devraient pas intervenir avant 2 ou 3 ans », indique-t-on du côté de l’ANFR.

Les autorités n’ont d’ailleurs jamais fait mystère du fait que la 5G reposera dans un premier temps sur les réseaux mobiles existants. Pour le gendarme des télécoms, si l’année 2021 devrait bien voir le déploiement d’un réseau 5G non autonome, il faudra attendre 2023 pour voir émerger en France un réseau 5G autonome capable de tenir toutes les promesses de la nouvelle génération de technologie mobile, à commencer par une multiplication très conséquente des débits observés. Reste désormais à tous les opérateurs d’intégrer cette réalité dans leurs discours commerciaux.

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