Pourquoi ces bracelet censés sauver des animaux sont le pire cadeau de Noël pour la biodiversité – Le HuffPost

A l’approche de Noël, les publicités pour les bracelets pour « sauver les animaux » se multiplient sur les réseaux sociaux.
capture d’écran publication Twitter @iamlaufernan A l’approche de Noël, les publicités pour les bracelets pour « sauver les animaux » se multiplient sur les réseaux sociaux.

capture d’écran publication Twitter @iamlaufernan

A l’approche de Noël, les sites frauduleux commercialisant des bracelets censés « sauver les animaux » multiplient les publicités sur les réseaux sociaux.

BIODIVERSITÉ – « Suivez le quotidien passionnant de la tortue dont vous êtes le parrain ! » Si vous êtes en recherche d’un cadeau de Noël en dernière minute sur Internet, vous avez forcément vu fleurir les publicités pour les bracelets « pour sauver des animaux ». Pour un bijou acheté une dizaine d’euros, les sites « monocean», « sea-turtle », « blueocean », assurent que vous contribuez à la protection d’un requin, d’une tortue, d’un ours polaire ou d’un lion.

Les promesses marketings sont, à chaque fois, les mêmes : « découvrez le nom de votre animal, sa taille et recevez ses photos ! », « obtenez l’accès à sa carte de suivi en temps réel », et « protégez l’habitat naturel de l’animal ».

Voir évoluer un animal sauvage dans la nature tout en faisant une bonne action a de quoi séduire. Mais attention, derrière les allégations alléchantes, se cache une arnaque. Le HuffPost vous explique pourquoi il faut éviter à tout prix d’acheter ces breloques si vous souhaitez faire un geste pour la biodiversité et le climat.

Un suivi GPS illégal

Il suffit de se pencher sur les méthodes utilisées par ces sites pour localiser et suivre les animaux pour flairer l’arnaque. « Nos partenaires fixent un petit dispositif GPS inoffensif et non dérangeant sur les tortues secourues afin de pouvoir suivre leur rétablissement et étudier leurs habitudes migratoires », écrit le site « ClubOcean », dans la fiche d’achat de ses produits. Ensuite, grâce à un QR code livré avec le bracelet, l’acheteur peut soi-disant suivre le parcours d’un animal en temps réel sur une application dédiée.

« Sur ces sites, on nous annonce que des colliers sont attachés à des animaux pour les suivre, ce qui n’est matériellement pas possible pour une tortue avec un cou rétractile ou sur un requin qui n’en a pas », dénonce au HuffPost Anne Girerd, responsable scientifique de l’association Le Gaïac, pour la protection et la conservation des tortues marines et des iguanes des Petites Antilles de l’archipel guadeloupéen. Quant à la promesse d’un suivi en « temps réel », il est tout à fait impossible, selon elle, que des balises émettent « en permanence, pendant très longtemps et suivent constamment un animal. »

Anne Girerd nous explique également que le marquage d’un animal se fait dans le cadre de travaux scientifiques ponctuels et sous le contrôle de l’État français. La technique, notamment utilisée pour définir les zones de fréquentation des animaux ou les itinéraires de migrations, « coûte plusieurs milliers d’euros par animal ».

Perte de dons pour les associations

Les sites de vente de bracelets assurent aussi collaborer avec des ONG et associations environnementales. En réalité, ils aspirent les données GPS de cartes de traçages d’animaux disponibles gratuitement en ligne, comme celle du site www.trackturtles.com, comme vous pouvez le voir sur la capture du site ci-dessous, la ligne jaune indiquant la trajectoire d’une tortue.

L’organisation Sea Turtle Conservancy (STC) propose également un traçage satellite des tortues et alerte sur les sites (MyTurtleProject, Mahola, Club Ocean, Tidalia, Earth Lives…) « qui ont utilisé les informations de suivi des tortues de STC sans notre permission ». Seule exception, le site « Fahlo », « qui a un partenariat exclusif (…) concernant nos tortues traquées. »

Démunie face au flot de messages de contestations de personnes voulant suivre « leur » tortue, l’association Live sea turtle tracking a, elle, dû publier un communiqué en 2021 expliquant ne pas du tout être affiliée à ces sites. L’organisme qui suit les données GPS de tortues marines dans un but de conservation, a déploré que « les bénévoles perdent leur temps à répondre aux plaintes des gens au lieu de travailler à la recherche des tortues luths, une espèce menacée ».

Anne Girerd est aussi en colère car ces sites frauduleux piègent des citoyens qui versent de l’argent à des « pirates » et privent de dons des associations sérieuses. D’après elle, les abus de ces sites « banalisent » aussi les suivis scientifiques : « Il ne suffit pas d’acheter un bracelet en plastique pour protéger les animaux. Consommer pour protéger la nature, c’est un message totalement antinomique ».

Des produits venus de Chine

Outre l’arnaque pour les consommateurs et les pertes financières pour les associations de protection animales, l’achat de ces bracelets a également un impact climatique majeur. Sous couvert d’arguments écologiques, ces sites vendent des produits venus de Chine en ayant recours au « dropshipping ».

Le dropshipping est un filon commercial basé sur la vente en ligne sur un site de e-commerce de produits en stock chez un fournisseur extérieur. Le site propose ainsi des produits que le vendeur ne détient pas. Dès lors qu’une commande est effectuée par un client, le dropshipper se fournit auprès de sites comme Amazon ou Aliexpress.

« Les gens qui achètent n’ont pas conscience que le produit acheté est issu d’un site chinois, car le marketing est bien fait pour faire croire que le produit est de qualité », nous explique Julien Roché, ingénieur-développeur et cofondateur, avec Benjamin Chevalier, de l’application « Captain Drop ».

Fausses promesses écologiques

« Captain Drop » détecte le dropshipping mensonger afin de prémunir les consommateurs d’arnaques commerciales. Il suffit de copier-coller le site suspect dans la barre de recherche du site, et l’application vérifie si un produit similaire n’existe pas ailleurs en ligne. Cette méthode dévoile les marges abyssales amassées par ces « dropshippers ». Pour le cas des bracelets animaux, « ils les vendent à 20 euros alors qu’ils coûtent moins de 5 euros sur des sites chinois, cela représente environ 15 euros par bracelet », relève Benjamin Chevalier.

Pour attirer les acheteurs, les « dropshippers » trouvent leur public sur les réseaux sociaux où ils multiplient les publicités mensongères. « Les promesses sont essentiellement écologiques aujourd’hui avec des vendeurs sans scrupule qui surfent sur le ’greenwashing’, ils vont dire que ce sont des produits équitables, faits et expédiés en France, qu’ils plantent des arbres et protègent d’animaux, alors que c’est faux », poursuit Julien Roché.

À celles et ceux qui souhaitent s’investir dans la conservation des espèces menacées, Anne Girerd conseille de ne pas acheter de goodies en ligne et de se tourner vers des associations reconnues. Ce qui est profitable pour la biodiversité, ce sont les actions sur le terrain, comme le ramassage de déchets sur la plage. Offrir des adhésions pour Noël, ou effectuer des donations directes, sont aussi de bons moyens pour aider les associations.

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