“Pourquoi avez-vous une pulsion de meurtre ?” : au procès de Nordahl Lelandais, la cour tente de comprendre ce – franceinfo

La question est sur toutes les lèvres. Pourquoi Nordahl Lelandais a-t-il enlevé Maëlys De Araujo, le 27 août 2017, en plein mariage, à Pont-de-Beauvoisin ? Pressé par son avocat, l’accusé a admis pour la première fois, vendredi 11 février, avoir enlevé puis tué “volontairement” la fillette de 8 ans. Des aveux qu’il a réitérés lundi matin, sans pour autant justifier ses agissements. La présidente de la cour d’assises de l’Isère, devant laquelle il comparaît depuis quinze jours, l’a finalement incité à s’expliquer sur son mobile, mardi 15 février, à la mi-journée.

Il est 13h30, la faim et la fatigue se font sentir. Depuis plus de quatre heures, le docteur Patrick Blachère déroule son expertise à la barre. C’est lui qui introduit la question à l’audience. “Quel était son but de prendre une gamine avec lui ? Il faudrait qu’il dise pourquoi il l’a enlevée”, lance le psychiatre. La présidente rebondit. De sa voix calme et posée, Valérie Blain détache chaque syllabe pour s’adresser à l’accusé. 

“Monsieur Lelandais, vendredi, vous avez reconnu pour la première fois avoir tué monsieur Noyer volontairement. Vous avez également dit avoir tué volontairement la petite Maëlys. Et vous avez également reconnu avoir enlevé Maëlys.

– Oui.

– Alors pourquoi avoir enlevé Maëlys ?

– Je ne comprenais pas le terme d’enlèvement. Mais l’assesseur et les avocats me l’ont bien expliqué : la soustraire sans accord des parents est un enlèvement.”

Une fois de plus, Nordahl Lelandais esquive. Mais la présidente de la cour d’assises s’obstine. “Pourquoi l’avoir enlevée à ses parents en plein mariage ? C’est pour la tuer ? C’est important que vous puissiez dire pourquoi vous l’avez emmenée”, insiste Valérie Blain qui s’évertue à comprendre la personnalité de l’accusé et ses ressorts depuis le début du procès. Pour la première fois, Nordahl Lelandais bafouille.

“Je l’ai emmenée dans ma voiture… Elle est montée dans ma voiture pour aller voir mes chiens.”

Nordahl Lelandais

devant la cour d’assises de l’Isère

“Je ne l’ai pas enlevée volontairement”, ajoute l’ancien militaire de 38 ans, qui soigne son apparence et porte une chemise bleu clair. Soupirs dans la salle d’audience.

La présidente de la cour d’assises se heurte à un mur. Elle n’aime pas ça, Nordahl Lelandais le sent. “Madame la présidente, ma réponse ne vous plaît pas ?” “Ce n’est pas qu’elle ne me plaît pas, elle interroge, répond Valérie Blain, un brin agacée. D’une certaine façon, elle peut désoler aussi.” L’accusé poursuit son récit, laconique. 

“Je vais chercher de la cocaïne et en même temps elle veut voir mes chiens.

– Et vous allez la tuer… Pourquoi ?

– C’est un moment inexplicable, je pète un plomb. Je reconnais que mes coups sont volontaires.

– Les coups volontaires, vous les avez reconnus depuis longtemps… Et vous avez reconnu avoir tué volontairement.

– Au moment où je donne des coups j’ai l’intention de la tuer, oui.”

La présidente de la cour d’assises marque une pause. Elle tourne son regard vers le psychiatre Patrick Blachère, resté à la barre pendant l’échange. “Il y a plein de questions que j’aimerais lui poser”, intervient-il. Tout en se gardant de “faire une expertise sauvage à la barre”, l’expert les énumère à voix haute : “Il dit ‘parce qu’elle pleurait j’ai eu la volonté de la tuer’. Pourquoi ses pleurs ont-ils déclenché cela ? Qu’est-ce qu’il a ressenti quand il s’est débarrassé du corps ?”

Une fois encore, la présidente de la cour d’assises saisit la balle au bond et exhorte Nordahl Lelandais à réagir aux “éléments d’explication donnés à la volée” par le docteur Patrick Blachère. “Pourquoi avez-vous une pulsion de meurtre ?” En guise d’explication, l’ancien maître-chien répète sa version des faits : la figure du caporal, qu’il a tué quelques mois plus tôt lui apparaît, en forme d’“hallucination”.

“Je vois le visage d’Arthur Noyer et la peur surgit d’un coup. Je veux que cette peur cesse.”

Nordahl Lelandais

devant la cour d’assises de l’Isère

L’accusé se cadenasse, sans donner de clés pour le comprendre. Interrogé sur son ressenti à ce moment précis, il se dit “dans une incompréhension totale”. “Je ne sais même pas s’il fait jour ou nuit, quelle heure il est, où je suis”, affirme-t-il. “Pourtant, vous allez réagir de façon très rationnelle, avec la dépose du corps à un endroit et le retour à la salle des fêtes”, rétorque la présidente de la cour d’assises. “Lorsque vous abandonnez le corps dans la forêt, qu’est-ce que vous ressentez ?” L’accusé parle de “honte” et de “culpabilité”, mais se dit “incapable d’appeler les secours”.

“Je fais n’importe quoi.

– Vous faites ce qui ressemble fort à ce que vous avez fait avec Arthur Noyer.”

Silence.

“Autre chose à ajouter ?

– Je suis désolé d’avoir des mots qui sont mal compris. J’essaie de faire au maximum. Je sais que ça peut heurter… Je sais encore une fois que je ne suis pas cru, mais c’est la vérité.”

Après ces réponses, le médecin psychiatre Patrick Blachère s’interroge : “Qu’est-ce qui se passerait s’il pouvait voir le caporal Noyer dans les yeux de quelqu’un d’autre ? Quels moyens mettrait-il en place pour se protéger ?” La présidente de la cour d’assises autorise l’accusé à répondre. Nordahl Lelandais affirme qu’il lit des livres sur le bouddhisme, qui lui permettent d’apprendre à “transformer sa colère en sagesse”. Il le promet : “Je vais accompagner cette colère en moi, je vais l’apaiser et la maîtriser.” Reste à convaincre les jurés.

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