Pour les immigrés en France, deux systèmes de soins différents et des dérives – Le Figaro

Les subtilités administratives forment un univers kafkaïen où il est parfois difficile de se repérer. Dernier exemple en date, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et le président de la République, Emmanuel Macron, ont dénoncé deux cas typiques mais en réalité très différents de dérives en matière de dépenses de santé pour la population immigrée.

La ministre a décrit le cas de demandeurs d’asile venus de Géorgie et d’Albanie, «a priori des pays sûrs», qui profiteraient de la protection universelle maladie (PUMA) accordée aux réfugiés comme à ceux qui demandent l’asile. Le président a lui décrit le cas d’étrangers venant en France avec un visa de tourisme et qui, une fois celui-ci expiré, resteraient sur le sol national pour profiter de l’Aide médicale d’État (AME), accordée aux sans-papiers.

Ces deux exemples distincts font intervenir deux dispositifs différents. Le premier, la PUMA, est le mécanisme qui permet à toute personne travaillant ou résidant de façon régulière en France (qu’elle soit française ou non) de bénéficier de la «sécu de base» pour un coût nul ou minime (selon les revenus, la situation familiale…). Créée en 2016, la PUMA a remplacé la Couverture Maladie Universelle (CMU). Pour en bénéficier, il faut être installé depuis au moins trois mois, mais les réfugiés ou les demandeurs d’asile sont exemptés de cette règle.

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«Régler vite» la question

Pour lutter contre ce que la ministre de la Santé a qualifié de «dévoiement», le gouvernement semble avoir acté l’instauration d’un délai de carence de trois mois pour l’accès à la PUMA. Il s’agirait donc de supprimer l’exception dont bénéficiaient jusque-là les demandeurs d’asile. Ainsi, un Géorgien ou un Albanais qui demanderait l’asile non pour l’obtenir réellement mais seulement pour profiter du délai d’examen de sa demande (en moyenne un an) afin de se soigner ne pourrait plus le faire dès son arrivée. Mais cela permettrait-il de décourager ces vrais-faux demandeurs d’asile? Comme la députée (LR) Véronique Louwagie l’avait fait remarquer lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, «les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée, continuent, pendant une période de douze mois, à bénéficier de la PUMA». Au total, un demandeur d’asile peut donc espérer en bénéficier vingt-quatre mois. Avec un délai de carence, cette durée passerait à vingt-et-un mois.

L’exemple pris par Emmanuel Macron concerne quant à lui le dispositif spécial, l’AME, accordé aux illégaux présents sur le territoire français depuis au moins trois mois. À propos de ces vrais-faux touristes qui voudraient en profiter une fois leur visa expiré, le président a déclaré vouloir «régler vite» la question. Mais aucune mesure n’a, pour l’heure, été annoncée. Agnès Buzyn a assuré qu’il n’y aurait «aucune réduction du panier de soins» de l’AME. Il y a quelques semaines, elle avait même déclaré que le sujet suscitait des «fantasmes». Une façon de répondre au maire de Nice, Christian Estrosi, qui évoquait le chiffre d’«au moins 70% d’abus» dans sa ville.

Il y a aujourd’hui en France 300.000 bénéficiaires de l’AME (contre 75.000 en 2000 lors de sa création) pour un coût de 934 millions d’euros en 2019 (377 millions en 2005). En pratique, l’AME prend en charge 100% des soins médicaux et hospitaliers, à l’exception des procréations médicalement assistées (PMA), des cures thermales et de certains médicaments remboursés à 15%. À côté de cette AME de droit commun, une AME dite «d’urgence» bénéficie aux illégaux présents depuis moins de trois mois. L’offre de soins est alors réduite au strict minimum. Pour trancher, le gouvernement attend les conclusions de deux rapports qu’il a commandés, le premier à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), dont Le Figaro révèle ce mardi les conclusions alarmantes, et le second à l’Inspection générale des finances (IGF).

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