Pont effondré en Haut-Garonne : «J’ai entendu un bruit assourdissant, comme le tonnerre» – Libération

Le camion d’une entreprise locale de forage était-il trop lourd pour le vieux pont suspendu de Mirepoix-sur-Tarn ? C’est la question qui est sur toutes les lèvres dans cette commune située à une trentaine de kilomètres au nord de Toulouse. Cet ouvrage, d’une longueur de 150 mètres et de 5 mètres de large, s’est effondré lundi à 8 h 15, précipitant dans le Tarn situé plus de 10 mètres en contrebas un poids lourd, une voiture et peut-être une fourgonnette qui traversaient alors le tablier.

L’une des passagères d’une Renault Clio, une adolescente de 15 ans, est décédée. Sa mère a été transportée à l’hôpital par hélicoptère. Un deuxième corps a été retrouvé en fin d’après-midi par les sauveteurs. Selon RTL, il s’agirait du chauffeur du poids lourd qui est porté disparu. Trois autres personnes ont pu regagner la berge à la nage. Des témoins qui ont tenté de leur porter secours et deux pompiers ont frisé la noyade. Ces deux derniers ont été blessés durant leur intervention, puis pris en charge pour des côtes cassées et une hypothermie. Une centaine de secouristes, dont des plongeurs, étaient encore à la recherche d’autres victimes potentielles dans l’après-midi, épaulés par des hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie.

Perquisitions

Des témoins ont en effet mentionné la chute possible d’une fourgonnette. Une hypothèse que n’a pas confirmée le préfet de Haute-Garonne, lors d’un point presse organisé sur place à la mi-journée, précisant cependant que les recherches étaient toujours en cours. Le courant du Tarn, important à cette période de l’année, rend difficile le travail des plongeurs qui auraient eu beaucoup de mal à localiser le camion. Selon Eric Oget, le maire de Mirepoix-sur-Tarn, la rivière est très profonde à l’endroit où s’est écroulé le pont.

Le pont de Mirepoix-Sur-Tarn (Haute-Garonne) effondré le 18 novembre 2019

Le pont s’est effondré, précipitant dans le Tarn un poids lourd, une voiture et peut-être une fourgonnette. Photo Guillaume Rivière pour Libération

Selon plusieurs sources, le camion et son chargement dont la nature reste à confirmer, représentait bien plus de charge que ne pouvait le supporter le pont suspendu. Des perquisitions ont été menées au siège de l’entreprise afin de déterminer le poids exact du convoi.

Des contrôles réguliers

Le long des berges du Tarn, l’émotion et la stupéfaction se partagent dans les témoignages des riverains. «J’ai entendu un bruit assourdissant, comme le tonnerre. Mais à aucun moment, je me suis dit que ce pouvait être le pont», témoignait une femme d’une quarantaine d’années qui habite à 200 mètres du pont. L’ouvrage, qui voit passer plus de mille véhicules par jour, faisait partie du quotidien de la commune de 900 habitants. «On l’emprunte pour aller chercher le pain ou emmener les enfants à l’école», continue cette voisine. Selon des témoins, un car scolaire a d’ailleurs emprunté le pont quelques minutes avant la catastrophe.

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Construit en 1935, le pont de Mirepoix avait été rénové en 2003 par le conseil départemental de Haute-Garonne, propriétaire de l’ouvrage. Un contrôle «poussé» avait par ailleurs été mené par un centre d’expertise public en 2017 et la visite annuelle des services du conseil départemental datait de tout juste un an. «Ce pont est interdit aux véhicules de plus de 19 tonnes», souligne Eric Oget, très marqué par le drame. «De plus, il y est interdit le croisement de deux poids lourds», ajoute Gregori Mayeur, directeur des routes au conseil départemental. Mais l’interdiction ne serait guère respectée, selon des riverains.

Itinéraire de délestage

L’ouvrage permet, en effet, de traverser la rivière entre la petite commune de Mirepoix, située sur la rive droite, et la zone industrielle de Bessières en rive gauche qui abrite notamment l’incinérateur départemental des ordures ménagères, générant un important trafic de poids lourds. Selon nos informations, le camion qui a chuté dans le Tarn appartient à une entreprise de forage qui s’est récemment installée dans la zone industrielle aménagée autour de l’incinérateur de Bessières.

Le vieux pont suspendu permet de rejoindre l’ancienne route de Villemur, inondable, alors que l’axe le plus fréquenté se trouve sur la rive gauche. Cette route sert d’itinéraire de délestage entre Toulouse et Montauban pour de nombreux automobilistes et camionneurs qui veulent éviter l’autoroute et les bouchons de l’agglomération toulousaine.

Faiblesses structurelles

Deux autres ponts suspendus jumeaux construits au début du XXsiècle par l’entreprise Baudin-Chateauneuf (Loiret) traversent la rivière dans la partie haut-garonnaise de la basse vallée du Tarn. Le pont de Villemur, situé quelques kilomètres en aval, avait été fermé à la circulation de novembre 2017 à avril 2018 suite à la découverte de faiblesses structurelles. La circulation y a été limitée depuis ce matin aux véhicules de moins de 7,7 tonnes «par mesure de précaution», indique le conseil départemental. Le conseil départemental de Haute-Garonne a en charge 1 800 ponts dont sept suspendus et y consacre chaque année 4 millions d’euros pour leur entretien.

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Deux secrétaires d’Etat, Emmanuelle Wargon et Laurent Nuñez, se sont rendus sur place dans l’après-midi. L’enquête sur les causes de l’effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn a été confiée à la gendarmerie et au bureau enquête accident spécialisé dans les transports terrestres.

Stéphane Thépot correspondance à Toulouse , Xavier Lalu envoyé spécial à Mirepoix-sur-Tarn

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