Policier tué à Avignon : le dealer ne serait pas le tireur – Le Parisien

48 heures après la mort d’Eric Masson, ce brigadier de 36 ans père de deux enfants, tué mercredi lors d’une banale intervention en marge d’un point de deal au centre-ville d’Avignon, l’enquête progresse alors que les syndicats de police appellent à une « marche » le 19 mai prochain à Paris. « Notre peine, notre chagrin, notre douleur sont immenses. Notre colère aussi », a écrit ce jeudi à l’ensemble des policiers de France, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale.

De leur côté, les enquêteurs du SRPJ de Montpellier cherchent à reconstituer minutieusement le puzzle de la scène de crime. Mais l’absence de vidéosurveillance, et l’omerta qui règne dans le milieu des trafiquants de drogue et de ses consommateurs rendent complexes les investigations. Le policier qui accompagnait la victime au moment des faits garde des souvenirs confus de la scène, il n’a pas vu le visage du tireur. Et la femme toxicomane que le brigadier avait contrôlée se montre pour l’instant peu loquace en garde à vue. Des prélèvements ADN effectués sur la scène de crime sont en cours d’analyse, tout comme les recherches balistiques. L’arme du crime serait un revolver de calibre 36, court, une arme peu répandue. Ce jeudi, une autopsie a été pratiquée sur le corps de la victime.

VIDÉO > Avignon : un policier tué, le tireur en fuite

Appelés mercredi soir pour des troubles par des riverains sur un « point de deal » bien connu de la ville, les policiers de la brigade d’intervention départementale Vaucluse-Gard, en civil, avaient trouvé à leur arrivée sur place la situation calme, et auraient décidé, bien qu’à la fin de leur service, de procéder à la surveillance du point de vente. C’est après avoir suivi avec son collègue la cliente de ce qui ressemblait à une transaction de drogue dans une rue voisine que le brigadier a été abattu.

Alors que la consommatrice venait d’être interpellée par les deux policiers, « deux individus s’avançaient […] et l’un des deux, porteur d’une sacoche, (leur) demandait ce qu’ils faisaient là », a expliqué Philippe Guémas, le procureur de la république d’Avignon. « Eric Masson déclinait sa qualité de policier et l’individu sortait son arme de poing et faisait feu à deux reprises, l’atteignant au thorax et à l’abdomen », a poursuivi le procureur, insistant sur le fait que les deux policiers avaient leur brassard de police à la main.

Quatre trafiquants locaux suspects potentiels

Le tireur a-t-il pu ne pas apercevoir ces accessoires ? C’est une des trois hypothèses de travail des enquêteurs. « Soit le meurtrier a tiré volontairement sur le brigadier, soit il ignorait son identité de policier car ce dernier n’a pas montré le brassard, soit dans la panique il n’a pas vu le brassard du brigadier », explique une source proche du dossier. Aucune des trois pistes ne serait pour l’instant écartée. Ce qui est sûr, c’est que le policier a été abattu à bout portant avant que son collègue tire deux coups de feu à son tour, sans pouvoir empêcher le tireur de s’enfuir avec son complice. Le tireur ne s’est jamais enfui en trottinette contrairement à ce qui a pu être dit. Le brigadier est mort sur place, quelques minutes plus tard.

Eric Masson a été abattu à bout portant.
Eric Masson a été abattu à bout portant. AFP/DDSP 84

Depuis, près d’une centaine d’enquêteurs se relaient jour et nuit pour retrouver les deux suspects en fuite. Ce vendredi soir, selon nos informations, les fugitifs n’étaient pas encore identifiés de façon formelle. D’après les premières investigations, les enquêteurs auraient acquis la certitude que le dealer, à l’origine de la transaction avec la cliente, ne serait pas le tireur. « Des photos et des noms de petits trafiquants locaux ont été jetés en pâture de façon irresponsable sur les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas des suspects mais de témoins potentiels et c’est une grave entrave à l’enquête », déplore ce même proche de l’enquête.

Selon nos informations, les enquêteurs, qui ont activé leurs réseaux d’indics, disposeraient d’une liste de quatre suspects potentiels, des trafiquants locaux. Les enquêteurs bénéficient sur place du travail de longue haleine de la cellule du renseignement opérationnel sur les stupéfiants, un dispositif mis en place il y a quelques années permettant de rendre plus fluide la remontée des informations des policiers sur le terrain et une meilleure coopération des services. Par ailleurs, l’ensemble des vidéos de surveillance la ville a été réquisitionné, notamment celles en dehors des remparts de la cité des Papes, plus nombreuses qu’à l’intérieur. Des milliers d’heures que sont en train de visionner les enquêteurs…

Dans les rues du centre touristique, les autorités sont toujours très présentes ce vendredi. Dans la matinée, des dizaines de policiers empêchent les passants d’accéder à la rue Râteau où le brigadier a trouvé la mort. Sa famille aurait en effet souhaité s’y recueillir à l’abri des regards. Depuis mercredi soir, le parterre de fleurs et bougies installé là où il est tombé grossit d’heure en heure et chacun vient poser discrètement une rose ou une gerbe avant d’observer une minute de silence.

L’émotion est toujours palpable dans ce quartier familial où tout le monde se connaît. Près du fameux « point de vente », lieu de départ de l’opération qui a viré au drame, un homme essuie ses larmes en tirant sur sa cigarette. Il dit avoir assisté au deal à l’origine de l’intervention de l’équipage d’Eric Masson : « Cette cliente, tout le monde la connaît dans le quartier. Mais ce n’est pas une habituée de ce point de vente. Elle m’a demandé si je n’avais pas 10 euros de résine de cannabis. »

L’homme, qui assure ne pas être un dealer, lui aurait répondu : « Je ne vends pas mais si tu attends un peu, quelqu’un va sûrement venir. » La transaction a finalement eu lieu et a conduit à l’issue tragique que l’on connaît. Les yeux rouges, le témoin s’interroge : « Si je lui avais dit que personne ne vendait par ici, peut-être que tout ça n’aurait pas eu lieu ! »

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