Plusieurs usines en grève en Biélorussie, l’opposante Tsikhanovskaïa salue le courage des manifestants – Le Monde

Des milliers d’employés ont manifesté contre le président biélorusse, lundi 17 août 2020.

Au lendemain de l’un des plus grands rassemblements de l’opposition dans l’histoire de la Biélorussie, les employés de plusieurs usines de Minsk ont suivi lundi 17 août l’appel à la grève générale pour demander le départ du président Alexandre Loukachenko.

De nouvelles manifestations étaient en cours lundi devant plusieurs usines et le siège de la télévision publique à Minsk. Des protestataires brandissant les drapeaux blanc et rouge de l’opposition se sont notamment réunis devant une usine de véhicules lourds, où le président biélorusse est arrivé en hélicoptère pour rencontrer des ouvriers.

Alors qu’il justifiait les violences dont a été accusée la police début août, certains manifestants ont notamment scandé « Pars ! Pars ! » au chef de l’Etat, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. « Vous pouvez continuer à crier », leur a répondu M. Loukachenko, ajoutant que « la Biélorussie a organisé des élections et qu’il n’y en aura pas d’autres ». Il a également minimisé la portée du mouvement de protestation, assurant que les usines fonctionnaient globalement dans le pays malgré les appels à la grève.

Pourtant, selon des ouvriers interrogés par l’Agence France-Presse (AFP), des milliers d’employés ont également arrêté le travail dans l’usine de tracteurs de Minsk, dont la production est exportée dans toute l’ex-URSS et fait la fierté du pays.

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« Vous qui avez cru en moi, qui m’avez donné la force, j’admire aujourd’hui chaque minute votre courage, votre auto-organisation et combien vous êtes forts et brillants », avait plus tôt déclaré dans une vidéo Svetlana Tsikhanovskaïa, l’opposante au président réfugiée en Lituanie. Elle a confirmé sa volonté de « sortir de ce cercle sans fin dans lequel nous nous sommes retrouvés il y a vingt-six ans », lors de l’accession au pouvoir de M. Loukachenko.

Incurie de l’Etat

« Je suis prête à assumer mes responsabilités et à agir en tant que leader national », a-t-elle encore ajouté, rappelant qu’elle n’avait pas « voulu devenir une politicienne ». « Le destin a décrété que je me trouverais en première ligne face à l’arbitraire et l’injustice », a-t-elle affirmé.

La Biélorussie n’avait jamais connu mobilisation comparable, et celle-ci va bien au-delà de la seule capital

Svetlana Tsikhanovskaïa, 37 ans, s’est présentée à l’élection présidentielle du 9 août pour remplacer son mari, un blogueur, Sergueï Tsikhanovski, emprisonné pour avoir mis en évidence l’incurie de l’Etat. A l’issue du scrutin, au cours duquel elle a officiellement recueilli 10 % des voix contre 80 % pour le chef de l’Etat sortant, elle avait revendiqué la victoire et demandé à Alexandre Loukachenko de céder la place.

Elle s’est réfugiée en Lituanie au début de la semaine du 10 août, ses alliés dénonçant les pressions qu’elle a subies, et avait appelé à des manifestations pacifiques dans tout le pays, qui se succèdent quotidiennement depuis l’élection.

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Le nombre des manifestants qui se sont réunis à Minsk dimanche est difficile à évaluer, mais les estimations vont de plusieurs dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers de personnes. Vêtus de blanc, au milieu des chants et klaxons, les contestataires brandissaient des milliers de drapeaux rouges et blancs, les couleurs de l’opposition.

La Biélorussie n’avait jamais connu mobilisation comparable, et celle-ci va bien au-delà de la seule capitale. Des images publiées sur les réseaux sociaux ont montré des flux de manifestants quittant les banlieues des cités moyennes pour se déverser dans les centres-villes de Brest, Grodno, Moguilev ou Gomel.

Les revendications exprimées avec opiniâtreté depuis une semaine sont les mêmes : libération des milliers de protestataires arrêtés, démission des responsables de la répression, recomptage des bulletins ou organisation d’un nouveau scrutin présidentiel.

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En milieu de journée, dimanche, M. Loukachenko avait fait une apparition surprise sur la place de l’Indépendance, à Minsk, devant environ dix mille de ses soutiens. Le président a rejeté la demande de l’opposition d’organiser une nouvelle élection. « Si nous faisons ça, nous partirons en vrille et nous n’en reviendrons jamais », a-t-il prédit.

« La violence contre les manifestants est inacceptable »

En réaction à l’aggravation de la crise, l’Union européenne (UE) a donné vendredi son accord à des sanctions contre des responsables biélorusses liés à la répression ou à des fraudes électorales. L’Allemagne, qui assure la présidence de l’UE, a menacé lundi d’étendre les sanctions à d’autres responsables.

Un sommet extraordinaire des vingt-sept dirigeants de l’UE aura lieu mercredi par visioconférence pour discuter de la situation dans le pays. « Le peuple de Biélorussie a le droit de décider de son avenir et d’élire librement son dirigeant. La violence contre les manifestants est inacceptable », a déclaré Charles Michel, président du Conseil européen, sur Twitter. La situation devait être évoquée fin août à Berlin lors d’une réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE, mais la situation s’est encore aggravée et M. Michel a décidé de convoquer ce sommet rapidement.

Dans une déclaration commune, les présidents de cinq partis du Parlement européen ont appelé à des élections libres et condamné les « épouvantables actes de violence et de torture » envers les manifestants. Le Royaume-Uni a, pour sa part, annoncé qu’il n’acceptait pas les résultats de l’élection présidentielle et a demandé « de toute urgence une enquête indépendante par l’[Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] sur les failles qui ont rendu injustes les élections, ainsi que sur la répression atroce qui a suivi ».

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Les opposants à Loukachenko font revivre l’ancien drapeau biélorusse

Manifestation à Minsk, le dimanche 16 août 2020.

Devenu la couleur fétiche des opposants au président Alexandre Loukachenko, le blanc a envahi les manifestations de ces dernières semaines en Biélorussie. Souvent vêtue de blanc, l’opposante Svetlana Tsikhanovskaïa avait appelé ses partisans à porter des bracelets de la couleur « de l’honnêteté » lors du scrutin de dimanche 16 août, en signe de soutien. L’appel a été très suivi, et ce bijou, tantôt en plastique tantôt en tissu, était arboré fièrement devant les caméras et dans les bureaux de vote.

Ce blanc est parfois associé au rouge, aux couleurs de l’ancien drapeau de la République populaire biélorusse de 1918 et à celles de la Biélorussie indépendante de 1991 à 1995, devenu le symbole de la lutte pour la démocratie dans le pays. C’est celui-là que les manifestants brandissent dans les manifestations. Le drapeau officiel rouge et vert, hérité de la période soviétique, avait été rétabli, le 7 juin 1995, sous la présidence de Loukachenko.

Le Monde avec AFP

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