Plan de relance de l’UE : ce que contient l’accord – Libération

Au bout de quatre jours d’un sommet sous haute tension à Bruxelles, les dirigeants européens sont enfin parvenus ce mardi à un accord historique sur un plan de soutien à leurs économies frappées par la crise sanitaire.

Ce paquet, d’un montant total de 750 milliards d’euros, a été conclu au terme d’intenses négociations. Basé pour la première fois sur une dette commune, voici ce que contient l’accord.

Un fonds de 750 milliards d’euros…

Pour soutenir l’économie européenne, en lutte avec une récession historique, le plan des Vingt-Sept prévoit un fonds de 750 milliards d’euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Ce fonds sera financé par un emprunt réalisé par la Commission européenne au nom du bloc, un dispositif inédit. Ce pouvoir accordé à l’exécutif européen est «limité en taille et en durée». Le remboursement devra se faire d’ici 2058 au plus tard.

Le plan de relance est adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 1 074 milliards d’euros, soit environ 154 milliards d’euros par an.

… découpé en prêts et subventions

Dans le détail, 390 milliards d’euros seront redistribués aux Etats membres via des subventions et 360 milliards via des prêts (remboursables, donc). Le cœur du fonds de relance sera consacré au financement des programmes de réformes et d’investissements préparés par les Etats membres (312,5 milliards de subventions).

70% des subventions prévues pour ces programmes nationaux de relance seront allouées en 2021-2022, selon des critères de «résilience» (population, taux de chômage sur les cinq dernières années notamment). Les 30% restant le seront en 2023, en prenant en compte la perte de PIB sur la période 2020-2021, conséquence directe de la crise du coronavirus.

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Le reste du fonds de relance est dédié à divers programmes gérés par l’UE, comme la recherche (5 milliards), le développement rural (7,5 milliards) ou le Fonds pour une transition juste (10 milliards), consacré au soutien des régions les plus en retard dans la transition énergétique.

Les programmes nationaux de relance seront évalués par la Commission, puis validés à la majorité qualifiée des Vingt-Sept (55% des pays et 65% de la population). Un «frein d’urgence» a toutefois été introduit. Ce dispositif permet à un ou plusieurs Etats membres qui considèrent que les objectifs fixés dans ces programmes de réformes ne sont pas atteints de demander que le dossier soit étudié lors d’un sommet européen.

«Une opération ponctuelle»

Cette émission de dette commune est une première. Elle repose sur une proposition franco-allemande qui suscitait une farouche opposition de la part des quatre pays dits «frugaux» (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède), rejoints ensuite par la Finlande.

A l’issue du sommet, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, chef de file de ces quatre pays, a affirmé que cet emprunt commun n’était pas le début d’une «Union des transferts», avec un transfert permanent de richesses du Nord au Sud – ce dont il avait mis en garde avant les pourparlers. «Il s’agit d’une opération ponctuelle, dont la nécessité est évidente compte tenu de la situation», a insisté le dirigeant néerlandais.

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Des rabais en hausse

Pour vaincre les réticences des «frugaux», le président du Conseil européen, Charles Michel, a dû revoir sa proposition initiale et leur fournir des gages. Notamment en révisant à la baisse les 500 milliards de subventions prévues au départ et défendus par Berlin et Paris. Mais aussi en augmentant de façon substantielle les rabais accordés à ces pays, qui jugent leurs contributions net au budget de l’UE disproportionnées. Parmi les pays bénéficiant de ces corrections : les quatre «frugaux», qui ont été les plus intransigeants sur la création du fonds de relance.

Le rabais sur leur contribution totale au prochain budget de l’UE (2021-2027) se monte à 377 millions (prix constants 2020) pour le Danemark, soit une hausse de 91% par rapport à ce qui était prévu avant le sommet ; 1,92 milliard pour les Pays-Bas (+22%) ; 565 millions pour l’Autriche (+138%) et 1,07 milliard pour la Suède (+34%). Le rabais accordé à l’Allemagne, de 3,67 milliards, n’a pas évolué avec la négociation.

Et des mesures en cas de violations

«Pour la première fois dans l’histoire européenne, le budget est lié aux objectifs climatiques ; pour la première fois, le respect de l’Etat de droit devient une condition pour l’octroi des fonds», s’est par ailleurs félicité Charles Michel.

Ce lien entre le versement des fonds et le respect de l’Etat de droit fait suite à une proposition de la Commission européenne, qui permettra de «prendre des mesures à la majorité qualifiée en cas de violations», a précisé la présidente de l’institution, Ursula von der Leyen. Sera donc introduit un «régime de conditionnalité». «Dans ce contexte, la Commission proposera des mesures en cas de violations» qui seront adoptées à la majorité qualifiée.

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Hongrie et Pologne, dont les gouvernements sont dans le collimateur de Bruxelles pour leur attitude vis-à-vis de la liberté des médias ou de l’indépendance de la justice, ont bataillé dur pour édulcorer ces dispositions.

Le climat pris en compte

Les dépenses de l’UE devront être en ligne avec l’accord de Paris sur le climat. Le bloc se fixe l’objectif de consacrer 30% des dépenses à la lutte contre le changement climatique. Le budget pluriannuel, comme le fonds de relance, devront «se conformer» à l’objectif de neutralité climatique de 2050 et aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 2030.

Des mesures de flexibilité

Ce budget comprend une «réserve» spéciale de 5 milliards d’euros pour aider les pays et secteurs les plus affectés par le Brexit. Il inclut aussi des mesures de flexibilité pour la politique de cohésion (soutien aux régions les moins développées) et la politique agricole commune (PAC), afin que les Etats puissent ajouter au financement de ces deux politiques historiques de l’UE.

La politique de cohésion est dotée de 330,2 milliards d’euros et la PAC de 336,4 milliards (258,6 milliards pour les paiements directs et 77,8 milliards pour le développement rural). Les deux sont complétées par des allocations au sein du plan de relance. La France s’est félicitée d’avoir «sécurisé» le budget de la PAC.

Des nouvelles ressources propres

Afin d’aider au remboursement de l’emprunt de la relance, l’UE va se doter de nouvelles sources de revenus. La première étape sera la création d’une taxe sur le plastique non recyclé début 2021.

La Commission est chargée de présenter une proposition pour un «mécanisme carbone d’ajustement aux frontières» (qui renchérirait les produits importés fabriqués selon un processus très polluant), ainsi que pour une taxe sur les géants du numérique, afin de les introduire «au plus tard» début 2023. Enfin, il est demandé à la Commission de réfléchir à une nouvelle réforme du marché du carbone, sans date précise.
LIBERATION avec AFP

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