Plainte de l’État contre Orpea : “C’est une étape fondamentale”, pour le journaliste qui a révélé le scandale – franceinfo

La plainte de l’État contre Orpea “est une étape fondamentale” réagit samedi 26 mars sur franceinfo le journaliste indépendant qui a révélé le scandale dans les Ehpad du groupe fin janvier à travers un livre intitulé Les Fossoyeurs. Victor Castanet y accusait Orpea d’avoir créé un système d’optimisation des bénéfices des Ehpad, au détriment des résidents et des employés. La ministre déléguée chargée de l’Autonomie des personnes âgées Brigitte Bourguignon a annoncé samedi matin sur France Inter que l’État allait porter plainte contre Orpéa et se réservait le droit de demander “la restitution des dotations publiques non utilisées”. Selon Victor Castanet, Orpea a détourné “plusieurs dizaines de millions d’euros”, des sommes “très impressionnantes”.

franceinfo : Cette plainte de l’État contre Orpea est-elle un bon signal ?

Victor Castanet : Pour toutes les familles qui ont accompagné cette enquête, pour tous les salariés surtout qui m’ont rapporté ces pratiques financières au détriment de l’argent public qui essaient d’alerter depuis des années sur ces pratiques qui ont un impact direct sur la réalité de la prise en charge, que l’État aujourd’hui constate ces dysfonctionnements, confirme les révélations de ce livre et décide de saisir la justice est une étape fondamentale. Demain, la justice aura les moyens d’investiguer, de savoir exactement l’ampleur de ces pratiques, les montants qui auront été captés sur de l’argent public.

“Il faut savoir exactement où il est allé et à qui il a profité : est-ce que c’est au groupe ? Est-ce que c’est à un petits nombre de dirigeants ?”

Victor Castanet, journaliste, auteur de “Les Fossoyeurs”

à franceinfo

C’est fondamental parce que c’est de l’argent public et parce que ça s’est fait au détriment de la prise en charge.

L’État va aussi demander à Orpea de rendre les dotations publiques mal-employées. La ministre déléguée à l’Autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon, parle de “plusieurs millions d’euros”. Est-ce de cet ordre-là selon vous ?

Ce n’est pas plusieurs millions d’euros, c’est plusieurs dizaines de millions d’euros. La justice dira jusqu’où elle peut remonter dans le temps mais les sommes vont être très impressionnantes. Dans ce rapport effectivement qui n’a pas été publié de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF), on évoque la somme de 20 millions d’euros rien que pour les excédents de dotation entre 2017 et 2020, c’est-à-dire les sommes qui ont été allouées à ce groupe et qui n’ont pas été utilisées parce que le groupe a rogné sur des postes de soignants financés par l’argent public, donc ces 20 millions d’euros n’ont pas été utilisés. Il y a aussi 18 millions d’euros qui concernent les “marges arrières”, c’est-à-dire l’argent qui était reversé par les fournisseurs du groupe, payés par de l’argent public. Il y a également 50 millions d’euros sur ce qu’on appelle les “faisant fonctions”, c’est-à-dire des postes qui auraient dû être payés sur les fonds privés du groupe et qui en fait ont été payés avec l’argent public. Donc il y a plein de pratiques. Ce rapport évoque quasiment une centaine de millions d’euros entre 2017 et 2020 mais je pense que les investigations de la justice permettront de déterminer d’autres montants.

Le gouvernement a décidé finalement de ne pas rendre public le rapport de l’IGAS et de l’IGF. En êtes-vous étonné ?

Oui, évidemment. Les salariés, les familles et les élus s’en étonnent parce que ça fait plusieurs jours qu’on nous dit l’inverse. Olivier Véran et Brigitte Bourguignon ont dit à plusieurs reprises que ce rapport serait rendu public sauf exceptions couvertes par le secret des affaires. Ça pose un vrai problème parce que cette notion de secret des affaires – qui est une notion très floue – m’a empêché pendant trois ans d’avancer dans mon enquête. Les agences régionales de santé, l’administration française, me brandissaient cet argument du secret des affaires. Si j’avais dû m’arrêter à ça, mon enquête ne serait jamais allée au bout, ces informations n’auraient jamais été rendues publiques, donc ce secret des affaires pose un vrai problème. Si j’ai pu aller jusqu’au bout c’est parce que les conseils départementaux ont décidé de me donner des documents et ont considéré que c’était de l’argent public et que les Français devaient avoir cette information. Donc, que ce rapport ne soit pas publié est une déception.

“Cette notion de secret des affaires se fait au détriment de l’intérêt général et au service d’un groupe privé.”

Victor Castanet

à franceinfo

On parle de pratiques financières qui ont été mises en place sur de l’argent public, c’est-à-dire sur l’argent de tous les Français. De quel droit on cacherait des informations sur une utilisation contestable de l’argent des Français ? Ça, c’est quelque chose qui est difficilement audible.

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