
Plainte à Paris contre le prince héritier saoudien dans l’affaire Khashoggi – Le Monde

Le retour de Mohammed Ben Salman sur la scène internationale, dont témoigne sa venue, jeudi 28 juillet à Paris, pour un dîner de travail avec Emmanuel Macron, ne signifie pas que ses soucis, liés à l’affaire Khashoggi, sont terminés. Preuve en est la plainte qui a été déposée contre lui, jeudi matin, devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, pour complicité de torture et de disparition forcée.
L’initiative émane de deux ONG étrangères, qui se sont constituées partie civile : Democracy for the Arab World Now (DAWN), une organisation de défense des droits de l’homme américaine, dont Jamal Khashoggi avait eu l’idée, peu avant son assassinat ; et Trial International, une organisation suisse qui lutte contre l’impunité des auteurs de crimes les plus graves. La fondation Open Society Justice Initiative, attachée à la défense du droit international, s’est associée à la démarche des deux ONG.
Journaliste en exil aux Etats-Unis, qui chroniquait dans les pages du Washington Post la dérive autocratique de Mohammed Ben Salman (« MBS »), Jamal Khashoggi est mort étouffé par des barbouzes saoudiens, à l’intérieur du consulat du royaume, à Istanbul, en Turquie, le 2 octobre 2018. Son corps, démembré à la scie à os, n’a jamais été retrouvé. Dans un rapport déclassifié en février 2021, peu après l’arrivée au pouvoir du président américain, Joe Biden, les renseignements américains avaient estimé qu’une telle opération n’avait pu être menée sans l’aval du prince héritier, qui a la haute main sur les services de sécurité du royaume.
Pas d’immunité diplomatique
La plainte a été déposée au titre de la compétence universelle, c’est-à-dire la capacité du système judiciaire français à juger des crimes commis hors du sol national par des ressortissants étrangers, pour autant que le suspect se trouve sur le territoire français, ce qui semblait être le cas de Mohammed Ben Salman, jeudi matin.
Les ONG derrière cette initiative soutiennent que le prince héritier, fils du roi Salman, ne bénéficie pas de l’immunité diplomatique, réservée, selon elles, aux seuls chefs d’Etat. « En tant que partie à la Convention contre la torture et à la Convention contre les disparitions forcées, la France est obligée d’enquêter sur un suspect comme Ben Salman s’il se trouve sur le territoire français », affirme Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de DAWN.
Les auteurs de la plainte appellent aussi à l’intervention des autorités judiciaires françaises en arguant du fait que la Turquie a récemment abandonné les poursuites lancées contre les membres du commando d’Istanbul et que leur procès, organisé à Riyad en 2019, « était une mascarade ». A l’issue de cette procédure, huit agents des services de renseignement saoudiens, simples exécutants de l’opération, ont été condamnés à des peines oscillant entre sept et vingt ans de prison.
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