Philippe la boulette – Libération

Saluons le tour de force. Edouard Philippe fait un grand discours pour tenter d’apaiser le mouvement contre la réforme des retraites : il réussit à monter tout le monde contre lui. Il veut faire baisser la tension à la SNCF, elle redouble d’intensité. Il veut diviser les conducteurs de métro, ils sont plus unis que jamais. Il veut rassurer les profs, ils s’inquiètent d’autant. Il veut traiter le cas des personnels hospitaliers à part. Ils rejoignent le mouvement. Il veut mettre de son côté les professions libérales, elles seront dans la rue mardi. Il exclut les policiers de la réforme, ils veulent «durcir le mouvement». Il comptait obtenir la neutralité de l’Unsa et de la CFDT. La première poursuit la grève et Laurent Berger sort du Cese avec au front la colère d’Achille. Brillant succès. Le Premier ministre avait prévenu qu’il n’avait pas «d’annonce magique» à formuler. Si, il en avait une : il a changé un drapeau blanc en chiffon rouge.

Que s’est-il passé ? Comme nous l’indiquions mardi, l’erreur à ne pas commettre consistait à continuer de mêler changement d’architecture globale et mesures d’économie. Au lieu de contourner l’obstacle, Edouard Philippe s’est jeté dessus. Après avoir énuméré une série d’amendements au projet Delevoye destinés à rassurer telle ou telle catégorie (certaines concessions sont tangibles, ce qui montre que la lutte peut payer), il a maintenu cette idée d’«âge pivot», rebaptisé «âge d’équilibre», qui revient à obliger les salariés à travailler jusqu’à 64 ans s’ils veulent une retraite à taux plein. Selon Philippe, on part tôt, on touche moins, on part tard, on touche plus. Pour lui, c’est un très logique «bonus-malus». Pour les syndicats, c’est un lapsus qui mène au raptus.

Dans cette bataille, Laurent Berger était le seul allié possible. Résultat, c’est l’allié potentiel qui sort la réaction la plus lapidaire : «La ligne rouge est franchie.» Edouard Philippe dit que «la porte est ouverte» et que «sa main est tendue». La porte claque, la main reste ballante et, selon toutes probabilités, les usagers, la semaine prochaine, seront toujours à pied.

Laurent Joffrin directeur de la publication de Libération

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