Philippe Duperron, père d’une victime du 13-Novembre : “Salah Abdeslam n’est pas le héros de ce procès” – Le Journal du dimanche

“C’est une vraie course d’obstacles.” A l’aune de la deuxième semaine du procès du 13-Novembre, Philippe Duperron mesure l’épreuve qui vient de commencer. “Il y aura des épisodes où on marchera sur des terrains plats, et d’autres où il faudra gravir des montagnes”, sait-il déjà, alors qu’a débuté aujourd’hui, et pendant deux semaines, l’examen des faits, lieu après lieu. Des trois premiers jours, l’ancien avocat retient quelques moments marquants, parmi lesquels la mise au point du président de la Cour d’assises spéciale, Jean-Louis Périès, lors de l’ouverture de l’audience : “un procès hors norme” mais “une justice dans la norme” ; les prises de parole de Salah Abdeslam les mercredi et jeudi ; et la longue énonciation des lieux et des victimes par Jean-Louis Périès vendredi.

Mais Philippe Duperron dit surtout son “soulagement”, celui de l’épreuve enfin débutée. “Ça a commencé, et donc il y a une fin, dit-il, sans cacher ses craintes. Il va falloir ménager son souffle et trouver le bon rythme pour tenir la distance.” Il raconte la difficulté, déjà rencontrée pour certains, de mener cette double vie pendant les neuf prochains mois : un peu dans la leur, un peu dans la salle d’audience, partout et nulle part.

Dans ce marathon, il y aura des épisodes où on marchera sur des terrains plats et d’autres où il faudra gravir des montagnes

“Moi le premier je dois me convaincre que je ne pourrais pas être présent tous les jours, et donc, que je vais forcément rater des choses. Des choses vont être dites, des images vont être montrées, et je ne serai pas là pour les voir. C’est une frustration réelle, et il y a un presque un risque d’addiction à la série. On se dit : ‘si je rate un épisode, comment ça va se passer’. Mais il faut l’accepter, sinon, c’est se mettre en danger, explique le père de Thomas, 30 ans, mortellement blessé au Bataclan. Dans ce marathon, il y aura des épisodes où on marchera sur des terrains plats et d’autres où il faudra gravir des montagnes.”

Parmi celles-ci, le fait de découvrir les accusés, derrière leur grand box vitré mercredi, au premier jour de l’audience. “Un moment d’une intensité particulière”, décrit Philippe Duperron, qu’il a déjà connu en Belgique, lors du premier procès de Salah Abdeslam. L’ancien avocat a toutefois été gêné par le fait que les parties civiles puissent se lever, et aller observer les accusés assis derrière la paroi vitrée. “Il y a un côté bête de foire”, pense-t-il.

De ces accusés, “il n’attend rien”. Le président de l’association 13Onze15 Fraternité-Vérité met en garde contre les fausses attentes : celles qui consisteraient à attendre un repentir ou à établir des responsabilités politiques ou administratives. De la même façon, il appelle à ne pas donner d’écho supplémentaire aux prises de parole de Salah Abdeslam, qui la semaine dernière s’est levé, interrompant l’audience, notamment pour dénoncer ses conditions de détention.

Ne servons pas de chambre d’écho et d’amplificateur à sa parole. Ne lui apportons pas satisfaction

“N’accordons à la parole de celui-ci que l’importance qu’elle a : il n’est pas le héros du procès, seulement l’un des accusés. Ne servons pas de chambre d’écho et d’amplificateur à sa parole. Ne lui apportons pas satisfaction, relève Philippe Duperron. Peut-être a-t-il des choses à dire mais nous n’avons rien à apprendre de ces accusés.”

Quant à la journée de vendredi, lors de laquelle le président de la Cour a lu très longuement son rapport des faits, Philippe Duperron en retient la vive émotion, en entendant le magistrat prononcer le nom des victimes, jeunes pour la plupart. “C’était un moment extrêmement poignant. Les larmes sont évidemment venues aux yeux, raconte-t-il. C’est typiquement ce à quoi nous devons nous préparer : des moments d’une intensité extrême.”

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