Petit lexique des retraites pour comprendre le débat sur le projet de réforme – Le Monde

Le 17 décembre à Paris.

Régime spécial et régime général, âge légal et âge du taux plein, système à « points » de retraite proposé par Emmanuel Macron… Alors que le mouvement de grève commencé le 5 décembre contre le projet de réforme se poursuit, les termes propres aux systèmes de retraite, très utilisés, ne sont pas toujours clairs – notamment pour les actifs qui ne se sont pas encore projetés dans leur future retraite.

  • Système par répartition

Le système de retraite français fonctionne comme une assurance collective : les travailleurs et les employeurs financent les caisses de retraites en versant, chaque mois, des cotisations prélevées sur leurs revenus. Ces sommes servent à payer les pensions des retraités.

La durée d’activité, le niveau de revenus et de nombreux autres facteurs sont pris en compte dans le calcul de la pension d’un retraité. Mais un travailleur ne bénéficie pas directement des cotisations qu’il a lui-même versées tout au long de sa carrière : c’est le « pot commun », alimenté en permanence par la population active, qui paie les pensions des personnes déjà à la retraite.

  • Régimes spéciaux et caisses de retraite

L’étiquette « régimes spéciaux » est communément utilisée pour évoquer les quarante-deux régimes de retraites existant en France – le régime général des salariés du privé, dont 80 % des retraités bénéficient, est le plus courant. Parler de « 42 régimes spéciaux » est pourtant trompeur : en réalité, seuls onze sont considérés comme tels par le ministère de la santé et des solidarités. Il s’agit, pour certains, de régimes déjà en place lors de l’arrivée du régime général, en 1945.

Les caisses de retraites de la RATP et de la SNCF, de la branche des industries électrique et gazière (IEG) en font partie, ainsi que celle des marins, des religieux, des clercs et des notaires… En 2016, 700 000 retraités (soit 4 %) étaient affiliés à l’un de ces onze régimes.

Parmi les 31 autres régimes figurent, outre le régime général et les caisses de retraites complémentaires, la MSA (pour les travailleurs agricoles) et le régime des indépendants, ainsi que le régime des fonctionnaires, qui peut être considéré comme un régime spécial au sens large du terme. Enfin, d’autres sont plus autonomes et relèvent de la sphère privée, comme la Caisse des professions libérales (CNAVPL) ou celle des avocats (CNBF).

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  • Age légal et âge du taux plein

L’âge légal du départ à la retraite est fixé actuellement à 62 ans dans le régime général. Un départ anticipé est possible dans de nombreux régimes spéciaux, notamment créés pour apporter des compensations à des carrières physiquement éprouvantes.

L’âge légal de départ correspond à la date d’ouverture des droits à la retraite, avec un niveau de pension au minimum, calculé individuellement. Ce qui explique, par exemple, que très peu d’agents RATP partent effectivement à la retraite à 52 ans – ce que leur régime spécial leur permet : en travaillant plus longtemps, ils s’approchent progressivement, en fonction de leur situation, de l’âge du taux plein pour toucher l’intégralité de leur pension. Selon la Cour des comptes, l’âge de départ moyen était de 55,7 ans à la RATP en 2017.

  • Le « point » de retraite

En France, les cotisations des actifs financent les pensions des retraités. Dans le régime souhaité par M. Macron, ces cotisations sont comptabilisées pour cumuler des points de retraite. Les points sont ensuite utilisés, en fin de carrière, comme base de calcul de la pension.

  • Le rapport Delevoye propose d’accorder un point de retraite pour 10 euros de cotisation aux débuts du régime universel, en 2025. Cette règle de calcul est ce qu’on appelle la valeur d’acquisition du point.
  • Edouard Philippe s’est également engagé à ce que, au moment de la conversion des points en pension, la valeur de service du point ne puisse pas baisser. Lors de l’arrivée d’un actif à la retraite, un point cotisé vaudra toujours une somme égale ou supérieure (mais pas inférieure) au montant de base inscrit dans la réforme.
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A Paris, le 17 décembre.
  • Age d’équilibre ou âge pivot

Le gouvernement s’est engagé à ne pas modifier l’âge légal de départ à la retraite dans sa réforme. Il sera toujours possible de partir à 62 ans – et à 60 ans, dans certains cas. Dans le même temps, le premier ministre, Edouard Philippe, a plusieurs fois présenté comme une nécessité d’allonger la durée actuelle de cotisation pour équilibrer les finances du régime des retraites. Sans les y obliger formellement, le projet de réforme incite donc les travailleurs à différer leur départ à la retraite par la mise en place d’un âge d’équilibre, aussi appelé âge pivot.

Il sera fixé à 62 ans et quatre mois en 2022, puis 64 ans à partir de 2027 – et pourra continuer d’évoluer par la suite. L’âge pivot serait associé à un système de bonus-malus sur la valeur du point de retraite :

  • Ceux qui partent à la retraite à l’âge pivot toucheront une pension calculée sur la valeur normale du point de retraite ;
  • pour ceux qui partent avant l’âge pivot, le point aura une valeur diminuée de X % par année d’écart (le pourcentage est encore ouvert aux négociations) ;
  • pour ceux qui partent à la retraite après, le point aura une valeur bonifiée des mêmes X % par année d’écart.

C’est également à cet âge que sera assurée une retraite à 1 000 euros (85 % du smic) promise par Edouard Philippe.

  • Retraite complémentaire

Les caisses complémentaires ont été créées dès 1947 pour étoffer les pensions trop faibles assurées par le régime de base. Contrairement à celui-ci, la retraite complémentaire fonctionne selon un régime à points, comparable à celui voulu par le projet de réforme du gouvernement.

La plus répandue est l’Agirc-Arrco, la complémentaire des salariés du privé. Bon nombre de retraités perçoivent donc deux, trois ou quatre pensions différentes : ce sont des polypensionnés. Il existe aussi des complémentaires au sein des régimes spéciaux : la RATP et la SNCF assurent pour leurs agents un régime de base, mais aussi une caisse complémentaire.

  • Pénibilité

Depuis 2017, la pénibilité au travail est mesurée par six critères qui permettent, pour certains, un départ anticipé à la retraite : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives alternantes, les activités exercées en milieu hyperbare (pression supérieure à la pression atmosphérique), l’exposition au bruit et l’exposition aux températures extrêmes.

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Les grévistes opposés à la disparition des régimes spéciaux, dont certains bénéficient notamment d’un départ anticipé en compensation de la pénibilité de leur travail, s’inquiètent de cette prise en compte dans un système à points. « Il y a beaucoup d’insuffisance sur la pénibilité », a notamment déclaré la CFDT à la suite des annonces d’Edouard Philippe sur les retraites, le 11 décembre. Le premier ministre a notamment tenu à rassurer les militaires, les policiers et les agents hospitaliers, en s’engageant à ce que la pénibilité de leur métier soit bien un critère dans le calcul de leur pension.

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  • La retraite par capitalisation

Dans un système uniquement basé sur la capitalisation, chaque travailleur met tous les mois de l’argent de côté pour se verser, à la fin de sa carrière, une pension de retraite. Le gestionnaire de cet argent peut être public, mais aussi privé, ce qui suscite des inquiétudes chez les opposants à ce modèle : l’épargne confiée aux fonds de pension peut être soumise, plus que celle gérée par les caisses de retraites publiques, aux aléas de l’économie. L’adoption d’un tel système n’a jamais été évoquée dans le projet de réforme porté par le gouvernement.

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